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les productions de la terre, et ne croyez pas qu’elles soient le résultat des soins de l’homme, ni le fruit de ses travaux. La terre les a enfantées à la parole et à l’ordre du Créateur. Concluons donc que pour faire germer les herbes et les plantes, la terre n’a nul besoin du concours des autres éléments, et que le commandement du Créateur lui suffit.
Mais voici un nouveau prodige plus étonnant encore. Le même Dieu dont la parole a communiqué à la terre une si merveilleuse fécondité, et dont la puissance surpasse toute intelligence humaine, a établi au-dessus des eaux la masse immense et le poids énorme du monde. C’est ce que nous apprend le Psalmiste par ces mots : Il a étendu la terre sur les eaux. (Ps. 136,6) L’homme peut-il percer ce mystère ? Car dans la construction d’un édifice, on creuse d’abord les fondements, et si l’on rencontre quelques veines d’eaux, on les épuise avant que d’asseoir les premières assises du bâtiment. Mais le Créateur agit tout différemment pour montrer son ineffable puissance, et nous prouver qu’à son ordre les éléments produisent des effets contraires à leurs phénomènes habituels.
3. Je m’explique par un exemple, afin que vous compreniez mieux ma pensée, et puis je reprendrai la suite de mon sujet. Sans doute il est contre la nature des eaux de porter un poids aussi pesant que celui de la terre ; et il est contre la nature de la terre de reposer solidement sur un corps fluide. Mais pourquoi nous en étonner ? quelle que soit en effet la créature que vous étudiez avec soin, vous y découvrirez l’action de la puissance immense du Créateur, et vous vous convaincrez qu’il gouverne toutes choses par sa volonté. Voyez le feu : cet élément dévore tout, et il consume aisément les corps les plus durs : le bois, les pierres et le fer. Mais quand Dieu l’ordonne, il ne blesse même pas les corps les plus tendres : et c’est ainsi qu’il respecta les trois jeunes hébreux dans la fournaise ardente. (Dan. 3) Mais le prodige s’étendit encore, car cet élément privé de raison se montra envers eux plus obséquieux qu’on ne saurait le dire non seulement il ne toucha pas à leur chevelure, mais il semblait encore les entourer et les presser amicalement ; il retint donc son activité naturelle pour ne déployer que sa pleine et entière obéissance aux ordres du Seigneur, et il conserva sains et saufs ces admirables enfants qui marchaient au milieu des flammes avec autant de sécurité que dans une prairie émaillée de fleurs.
Au reste, afin que l’on ne crût pas que ce feu matériel fût dénué de toute action, le Seigneur voulut bien lui conserver son activité. Seulement il la suspendit à l’égard de ses serviteurs qui en triomphèrent, et qui n’en furent nullement atteints. Quant aux soldats qui avaient jeté les jeunes hébreux dans la fournaise, ils connurent combien est grande la puissance du Seigneur, car le feu exerça à leur égard toute sa violence ; et le même élément, qui, au dedans de la fournaise, se courbait doucement au-dessus des trois enfants, sévit au-dehors et consuma les satellites du tyran. Vous voyez donc comment Dieu change à son gré les propriétés des éléments. C’est qu’il les a créés, et qu’il en dispose selon sa volonté. Voulez-vous encore que je vous montre le même prodige par rapport aux eaux ? Le feu, je l’ai dit, respecta les trois enfants de la fournaise, et ne leur fit aucun mal oubliant ainsi à leur égard toute sa violence, Mais il dévora leurs bourreaux, et déploya contre eux son inflexible activité ; et de même les eaux de la mer submergent les uns, et se retirent devant les autres pour leur laisse : un libre passage. Je fais ici allusion d’un côté à Pharaon et aux Égyptiens, et de l’autre aux Israélites. Ceux-ci, selon l’ordre du Seigneur, et sous la conduite de Moïse, traversèrent la mer Rouge à pied sec ; et ceux-là, qui voulurent avec Pharaon s’engager dans la même voie, furent engloutis sous les flots. C’est ainsi que les éléments respectent les serviteurs de Dieu, et que pour eux ils suspendent leur activité naturelle.
Instruisons-nous donc, nous, hommes irascibles et violents, et nous aussi qui, lâchement assujettis à mille autres passions, compromettons le succès de notre salut. Nous avons la raison en partage, et nous ne saurions imiter l’obéissance de ces éléments irraisonnables. Car si le feu, le plus actif et le plus violent de tous, a bien pu respecter des corps tendres et délicats, quelle sera l’excuse de l’homme qui, dédaignant les préceptes divins, refuse de dompter sa colère, et d’étouffer à l’égard de ses frères les sentiments d’un cœur ulcéré. Mais ici, ce qui est vraiment étonnant, c’est que le feu, qui brûle avec tant de violence, suspende son activité, et que l’homme, être