Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/71

Cette page n’a pas encore été corrigée

et d’immenses avantages ! Sur la terre rien de moins stable et rien de plus incertain que la possession des richesses ; et, d’abord, de quelle utilité nous sont-elles à la mort, puisqu’elles demeurent en deçà du tombeau ? Mais sans nous accompagner, elles ne laissent pas que d’être la matière d’un rigoureux jugement. Souvent encore il arrive que, même avant la mort et après mille travaux, mille peines et mille fatigues, l’adversité, comme un ouragan subit, les engloutit entièrement, en, sorte que d’un état d’opulence on tombe dans une extrême indigence ; chaque jour nous en voyons de tristes exemples ; mais, dans ce négoce spirituel, nul revers semblable n’est à craindre, notre gain est assuré et certain, et plus nous aurons travaillé à la grossir, plus aussi nous en recevrons de joie et de consolation.
3. C’est pourquoi, tandis que nous en avons, le temps et la facilité, apportez du moins, je vous en conjure, dans l’acquisition des richesses spirituelles, le même zèle que tant d’autres déploient pour des trésors périssables. Bien plus, nous ne devons jamais nous relâcher dans notre activité, lors même que déjà nous aurions fait quelque profit, et que, par notre vigilance, nous aurions surmonté quelque défaut. Car c’est à ce prix que mous goûterons les solides plaisirs que procure le bon témoignage de la conscience. Ce que je vous demande donc, ce n’est pas de vous borner à venir ici chaque jour, pour y entendre la parole sainte, ni même à jeûner tout le carême ; et en effet si ces fréquents entretiens, et si ce jeûne ne servent à votre avantage spirituel, loin de vous être utiles, ils vous deviendront le sujet d’une plus sévère condamnation. Ce sera justice, puisque malgré tous nos soins, vous serez demeurés, par rapport au salut, dans le même état d’indifférence. Ainsi l’homme colère et irascible doit devenir doux et pacifique, l’envieux charitable, l’avare désintéressé dans l’amour insensé des richesses, généreux dans ses aumônes et prodigue de ses biens envers les pauvres ; ainsi encore le voluptueux doit se montrer chaste et réservé, l’ambitieux s’accoutumer à mépriser la vaine gloire du monde, et à ne rechercher que la gloire solide du salut, et celui gui négligeait envers ses frères les devoirs de la charité doit s’exciter lui-même à ne point paraître inférieur aux publicains : Car, dit Jésus-Christ, si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, que faites-vous de plus ? les publicains ne le font-ils pas aussi ? (Mt. 5,46) C’est pourquoi il doit arriver à cette disposition de cœur qu’il accueille ses ennemis d’un bienveillant regard, et qu’il leur témoigne une tendre charité.
Si nous nous laissons toujours dominer par ces passions, et mille autres qui naissent en nous, et cela lorsque nous venons ici chaque jour, et que nous ajoutons à la vertu du jeûne, les secours de l’instruction et de la doctrine, quelles seront notre excuse et notre défense ? Car, dites-le-moi, si vous voyiez votre enfant fréquenter assidûment l’école, et après plusieurs années ne faire aucun progrès, seriez-vous toujours patient et indifférent ? Vous châtieriez l’enfant, et vous blâmeriez le maître. Mais qu’on vous prouve ensuite que celui-ci a rempli tous ses devoirs, et qu’il n’a rien omis à l’égard de votre enfant, dont il ne faut accuser que la paresse et l’indolence, et soudain vous tournerez vers ce dernier toute votre indignation, et vous ne condamnerez plus le maître.
Appliquez-vous cette parabole. La vocation divine m’a appelé au ministère de la parole sainte, et, comme mes fils spirituels ; je vous réunis ici chaque jour pour vous distribuer une salutaire instruction. Au reste, ce ne sont point mes propres pensées que je vous développe et que je cherche à vous inculquer, ruais c’est lot doctrine que le Seigneur nous a révélée dans ses divines Écritures. Et si maintenant malgré tous mes soins, et tout mon zèle pour vous faire chaque jour avancer dans la voie de la vérité, vous persévérez dans vos erreurs et vos vices, pensez quelle sera ma douleur, et, sans employer un terme plus dur, quelle sera votre propre condamnation ! sans doute je serai à l’abri de tout reproche, puisque je n’aurai rien négligé pour assurer vos progrès dans la vertu, et néanmoins, comme je désire beaucoup votre salut, je ne pourrai que m’attrister profondément de votre lâcheté. Eh ! quel est le maître qui, voyant son disciple ne retirer aucun fruit de ses leçons, ne s’afflige et ne gémit amèrement, parce qu’il sent que sa peine et ses soins sont perdus ?
4. Mon intention, en vous parlant ainsi, n’est point de vous contrister, et je ne veux que réveiller votre ardeur, afin que vous ne fatiguiez pas inutilement votre corps par un jeûne rigoureux, et que vous n’acheviez pas infructueusement le cours de cette sainte quarantaine. Mais pourquoi limiter notre zèle au