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qui nous a donné notre corps : et pour se soutenir, ce corps a besoin de nourriture. L’essentiel est de ne pas trop lui accorder ; d’ailleurs, la sobriété chrétienne est le meilleur moyen de le conserver en santé et en bonne disposition. Eh ! ne voyez-vous pas chaque jour qu’une table délicate et qu’une gloutonne intempérance engendrent une infinité de maladies ? D’où nous viennent la goutte, la migraine, l’abondance des humeurs et mille autres maladies ? N’est-ce pas de l’intempérance et de l’ivresse ? Le navire qui fait eau de toutes parts, s’enfonce soudain. Ainsi la raison de l’homme se noie dans l’excès du vin et des viandes. Alors cet homme n’est plus qu’un cadavre vivant. Il peut encore faire le mal, mais il est aussi incapable d’opérer le bien que s’il était réellement mort.
3. Je vous le demande donc avec l’Apôtre Ne cherchez pas à contenter les désirs de la chair. (Rom. 13,14) Mais soyez toujours en état de vous appliquer avec ardeur aux exercices de la piété. Dites-le bien à vos frères et persuadez-leur de ne point se priver de vos festins spirituels ; ainsi qu’ils s’empressent de venir chercher ici, même après leur repas, cette nourriture sainte qui les fortifiera contre les attaques du démon. Quant à moi, je continuerai à vous la servir chaque soir, pour récompenser votre bienveillante attention, et acquitter ma promesse. Vous n’avez certainement pas oublié que j’avais commencé à vous parler de la formation de l’homme, et que, pressé par l’heure, je ne pus qu’indiquer l’utilité qu’il retira du service des animaux. J’ai prouvé aussi que sa désobéissance seule lui a fait perdre sur eux l’empire qu’il avait d’abord possédé. Aujourd’hui j’achèverai ce sujet et vous renverrai ensuite.
Mais pour rendre ma parole plus intelligible, il est utile de commencer cet entretien en nous rappelant la fin du précédent et en le complétant. Je vous expliquais donc ces versets de la Genèse : Et Dieu dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance, et qu’ils dominent sur les poissons de la mer et sur les oiseaux du ciel. Cette matière est si vaste et elle me fournit une telle abondance de pensées qu’il me fut impossible de passer outre. Ainsi je m’arrêtai à ce passage, sans toucher à celui qui suit immédiatement. C’est pourquoi il est nécessaire de le relire, afin que vous en compreniez mieux le développement. Or l’Écriture ajoute : Et Dieu créa l’homme ; il le créa à l’image de Dieu, et il le créa mâle et femelle. Dieu les bénit, disant : croissez et multipliez ; remplissez la terre, et vous l’assujettissez ; dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux dit ciel, sur toits les animaux, sur toute la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. (Gen. 1,27-28)
Ces paroles sont courtes, mais elles renferment un riche trésor, et l’esprit divin qui parlait par la bouche de Moïse, veut nous y révéler de grands secrets. Le Créateur, après avoir dit : Faisons l’homme, semble se recueillir et prendre conseil comme pour nous montrer la dignité de l’homme dans l’acte même de sa création. Car l’homme n’existait pas encore ; mais déjà Dieu révélait toute l’éminence de l’empire qu’il lui donnerait : C’est pourquoi, après avoir dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance, il ajoute, en parlant au pluriel, qu’ils dominent sur les poissons de la mer. Voyez donc comme dès le principe un riche trésor nous est ouvert ! – le saint prophète, éclairé d’une lumière divine, parle d’un fait non encore existant, comme s’il était réalisé. Car pourquoi ici cette parole au singulier,.faisons l’homme, et là cette parole au pluriel, qu’ils dominent ? Évidemment, il y a là un secret et un mystère, et cette façon de parler indique par avance la formation de la femme. Ainsi tout dans nos saintes Écritures a sa raison et son motif, et un mot qui semble mis au hasard renferme une précieuse instruction.
4. Et ne vous étonnez point, mon cher frère, de ce langage, car tous les prophètes parlent des événements futurs comme s’ils étaient déjà accomplis : ils voient en esprit ce qui ne doit arriver que dans la suite des siècles, et ils le racontent comme s’il se réalisait sous leurs yeux. Pour vous en convaincre, écoutez cette prophétie de la passion du Sauveur, prophétie que tant de siècles à l’avance prononçait le saint roi David. Ils ont percé mes pieds et mes mains, et ils se sont divisé mes vêtements. (Ps. 21,17-19) Il parle d’un événement futur et lointain, comme si déjà il s’était accompli.
C’est ainsi que Moïse nous insinue tout d’abord, sous le voile de l’énigme et du mystère, la formation de la femme, quand il dit : qu’ils dominent sur les poissons de la mer. Mais bientôt il en parle plus clairement, et il ajoute : et Dieu créa l’homme ; il le créa à l’image de Dieu ; il les créa mâle et femelle. Et observez