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DIXIÈME HOMÉLIE.


Suite de ces paroles : « Faisons l’homme à notre image, et à notre ressemblance », et Dieu créa l’homme et il le créa à l’image, de Dieu : « il les créa mâle et femelle. » (Gen. 1,26-27)

ANALYSE.

  • 1. L’orateur combat d’abord les scrupules de certaines personnes qui ne pouvant, par faiblesse de tempérament, différer leur repas, jusqu’au soir, n’osaient ensuite venir à l’église ; et il les avertit que l’essentiel est bien moins de supporter toute la rigueur du jeûne que de s’abstenir du péché. – 2. Rien donc ne doit les empêcher de venir entendre la parole sainte, et de donner ainsi à leur âme la nourriture dont elle a besoin. – 3-6. Il reprend ensuite l’explication de ces mots : « Dieu fit l’homme à son image », et après avoir brièvement rappelé ce qu’il avait déjà dit,-il expose le sens de ceux-ci : « il les créa mâle et femelle », et décrit les prodigieux effets de la bénédiction que le Seigneur leur donna. – 7 Quant à ce que dit l’écrivain sacré que : « Dieu se reposa le septième jour », cela n’implique aucune contradiction avec cette parole de Jésus-Christ : « que son Père ne cesse point d’agir. » Moïse affirme seulement que Dieu ne produisit pas d’autres créatures, et Jésus-Christ parle des soins par lesquels Dieu gouverne et conserve toutes choses. – 8. Il termine en exhortant ses auditeurs à faire part à leurs frères absents de la doctrine qu’ils ont entendue, et à en conserver eux-mêmes un fidèle souvenir.


1. Aujourd’hui l’assemblée est moins nombreuse et le concours de mes auditeurs a diminué : duel en est le motif et la cause ? Peut-être quelques-uns ont-ils craint, après avoir pris la nourriture du corps, de venir ici chercher celle de l’âme, et telle est la raison de leur absence. Mais je veux leur rappeler cette parole du Sage : Il y a une honte qui amène le péché, et il y a une honte qui attire la gloire et la grâce. (Eccl. 4,25) Or, en quoi peut rougir celui qui s’assoit d’abord à une table grossière et matérielle, et qui vient ensuite prendre part à ce festin spirituel ? Car les exercices de la piété ne sont pas, comme les affaires humaines, assujettis à des temps réglés : ils peuvent se faire à toute heure du jour. Que dis-je, du jour ? la nuit elle-même n’est point un obstacle à la diffusion de la sainte doctrine. Aussi l’Apôtre écrivait-il à Timothée : Annoncez la parole ; pressez les hommes à temps et à contre-temps ; reprenez, suppliez, menacez. (2Tim. 4,2) Nous apprenons également de saint Luc que Paul étant à Troade, et devant partir le lendemain, parla aux disciples et les entretint jusqu’au milieu de la nuit. (Act. 20,7) Vous voyez bien que l’heure, quoique avancée, n’arrêta point l’Apôtre et ne l’empêcha point de prêcher l’Évangile. Comprenons donc qu’un auditeur attentif et vigilant est digne de s’asseoir à cette réunion spirituelle, quoiqu’il sorte de table, et qu’au contraire, fût-il encore à jeûn, il n’en retirera aucun profit s’il est lâche et assoupi.
Je parle ainsi non pour déprécier la rigueur du jeûne : à bien ne plaise ! car je loue et j’approuve ceux qui en observent toute la sévérité, mais je veux vous apprendre que nous devons apporter aux exercices spirituels un esprit sobre et vigilant, et ne point y paraître uniquement par habitude. Il n’y a point de honte à prendre d’abord sa nourriture et à venir ensuite assister à nos entretiens ; mais il est honteux d’y porter un esprit lâche et distrait et un cœur troublé par les passions et asservi aux attraits de la chair. Quel mal y a-t-il à manger ? aucun ; l’excès seul est criminel, et l’on doit condamner ceux qui prennent au-delà du nécessaire et qui ne pensent qu’à rassasier leur ventre. Le moindre inconvénient qui en résulte est d’émousser en eux la jouissance du goût. Ainsi encore il n’y a aucun péché dans l’usage modéré du vin, mais l’on ne peut trop blâmer l’ivresse qui va jusqu’à troubler la raison. La faiblesse de votre tempérament vous empêche, mon cher frère, de prolonger votre jeûne jusqu’au soir, quel homme sensé peut vous en faire un crime ! Car le Maître que nous servons est bon et indulgent,