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a détourné son visage, pour ne plus voir jusqu’à la fin. » Voyez dans quel abîme de perdition le voilà tombé ; quelles opinions il se forme, opinions qu’à la vérité il n’ose exprimer tout haut, mais qu’il roule en lui-même, dans ses efforts, pour lutter contre la vérité, pour répandre les ténèbres de son propre aveuglement sur des choses plus claires que le soleil. « Levez-vous, Seigneur, mon Dieu ! que votre main s’élève ! N’oubliez pas les pauvres. Pourquoi l’impie a-t-il irrité Dieu ? c’est qu’il dit dans son cœur : il ne recherchera pas. Vous voyez que vous êtes témoin de la peine et de la colère pour le livrer entre vos mains ; »un autre dit : « Vous avez vu que vous considéreriez. »
L’impie, l’avare, le spoliateur parlent ainsi, croyant échapper au châtiment ; mais le prophète le tire d’erreur, complétant par là ce qui a été dit de la longanimité. Le pécheur a dit : « Il a détourné son visage pour ne pas voir jusqu’à la fin. » Le Prophète dit, au contraire : Vous voyez, vous savez et vous patientez, jusqu’à ce qu’ils tombent entre vos mains ? Qu’est-ce à dire : « Le livrer entre vos mains. » C’est le langage des hommes. Le sens est celui-ci : Vous patientez, vous attendez qu’ils soient livrés à l’excès de la méchanceté. Du premier coup vous pourriez les faire périr : mais l’océan de votre mansuétude est sans bornes ; vous les voyez et ne les poursuivez pas, vous attendez qu’ils se repentent. S’ils refusent, alors vous les punissez, voyant que votre longanimité n’a produit aucun fruit pour eux. La suite fait voir à quel point Dieu s’inquiète du sort des opprimés : « Le pauvre vous a été confié, vous a été un protecteur pour l’orphelin. » Un autre dit : « Vous êtes devenu ; un autre : « Vous serez. » Il veut dire : voilà votre office, votre prérogative.
En effet, Dieu ne saurait délaisser son œuvre, manquer à sa tâche. De même qu’il appartient à un maçon de bâtir, à un pilote de diriger les vaisseaux, au soleil de luire : ainsi il appartient à Dieu de protéger les orphelins, de tendre la main aux pauvres. Ils n’ont d’autre patron que lui, seul. – Voilà le sens de ce mot « a été confié ; » personne, si ce n’est vous, ne protège les orphelins et les pauvres. « Broyez le bras du pécheur et du méchant. « Son péché sera recherché et ne sera pas trouvé de lui-même. » D’après un autre : « Que son impiété soit recherchée, afin qu’il ne soit pas trouvé lui-même. » Ce n’est point précisément le pécheur qu’il désire voir broyer, c’est sa force, sa puissance, c’est la méchanceté qui le dévore. Ensuite, il prie qu’il lui soit demandé compte de ses actes, et afin de montrer la grandeur de son iniquité, il dit : Si cela se fait, il ne pourra se tenir debout, ni se montrer ; il périra, disparaîtra, sera complètement anéanti, pendant qu’on examinera sa conduite. – Ainsi donc que personne ne gémisse de se voir orphelin ou pauvre. Le secours donné par Dieu est proportionné à l’étendue de ces maux. Que personne en se voyant puissant ne conçoive ni orgueil, ni présomption. Car la grandeur est un séjour dangereux, d’où l’on est facilement précipité, quand on n’y prend pas garde. « Le Seigneur régnera dans l’éternité et dans les siècles des siècles. » Il répond ici à ceux qui sont ébranlés en voyant que les coupables ne sont pas punis sur-le-champ : Que craignez-vous ? dit-il ; que redoutez-vous ? Avons-nous affaire à un juge mortel ? Sa royauté doit-elle finir ? Si le châtiment n’est pas venu, il viendra. Car Celui qui demande les comptes est toujours là-haut, et son règne est éternel… « Vous périrez, nations, de dessus sa terre. Vous avez entendu le désir des pauvres, Seigneur ! Votre oreille a ouï la préparation de leurs cœurs. » Un autre dit : « La disposition. » Un autre : « Vous préparez leurs cœurs, de façon que votre oreille les entende. Jugez l’orphelin et l’humble, afin que l’homme n’entreprenne plus de se glorifier sur la terre. » D’après un autre : « L’orphelin et l’affligé. »
Voyez-vous comment le Prophète s’occupe spécialement des soins que réclament les méchants ? En effet, leur malheur est le pire de tous. L’opprimé perd de l’argent ; le pécheur est en butte au plus grand des périls. Que sera-ce, s’il ignore le degré de sa maladie ? Ainsi s’accroît leur démence, et c’est par là surtout qu’ils sont à plaindre ; ainsi ils se confirment dans leur ignorance. Les enfants ne s’effrayent nullement de ce qui est à craindre, ils vont jusqu’à approcher leurs mains du feu ; en revanche, ils tremblent, ils frissonnent à la vue d’un simple masque. C’est l’image de ces avares qui redoutent la pauvreté, laquelle n’a rien d’effrayant, qui est au contraire un principe de sûreté et mettent au-dessus de toute une richesse mal acquise, possession bien autrement redoutable que le feu. La cupidité, voilà ce qui est absolument un mal. Aussi le Prophète