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père de famille, qui, en déshéritant son fils, ne le dépouille pas de tout son patrimoine, mais d’une partie seulement, afin de le corriger que dis-je ? sa conduite fut directement contraire. Le père qui déshérite son fils le prive de la plus grande partie et ne lui laisse que la plus faible : au contraire, Dieu nous a laissé la plus forte part et ne nous a retiré qu’une fraction minime, encore est-ce pour notre avantage, afin que nous ne triomphions pas trop facilement de toutes les autres créatures. Mais en cela encore, vous avez une marque de la sollicitude de Dieu : en aiguisant notre intelligence, en abattant notre orgueil, en nous interdisant une fâcheuse oisiveté (car l’homme s’abandonnerait à la mollesse, si tout lui venait de soi-même), il a mêlé l’existence de quelques difficultés, il a empêché que le travail ne nous fût nécessaire pour tout, ni, pour tout, superflu. Il a fait en sorte que les choses nécessaires nous fussent données sans peine et sans fatigue ; les choses de luxe, au contraire, au prix des fatigues et de la peine, afin de diminuer, en cela aussi, l’excès de notre sécurité. Que si l’on vient nous dire : Mais à quoi servent les bêtes féroces ? nous répondrons : D’abord à nous inspirer de l’humilité, à nous fortifier par la lutte, à réveiller chez le plus vain le souvenir de sa bassesse, devant une brute, qui lui fait peur. En outre, beaucoup de maladies trouvent là des remèdes. Mais celui qui nous demande pourquoi il y a des bêtes féroces, nous demanderait-il aussi ce que font en nous la bile ou la pituite ? Ces choses aussi, pour peu qu’on les irrite, nous attaquent avec plus de fureur que les bêtes féroces, et exercent leurs ravages dans tout notre corps. La colère aussi nous fait la guerre, et pareillement la concupiscence, et ces deux ennemis sont plus acharnés que des bêtes sauvages contre ceux qui ne savent pas les brider ou les contenir. Que dis-je ? le courroux, la colère ? Nos yeux mêmes nous causent parfois plus de maux que les bêtes féroces, en faisant pénétrer dans notre cœur les traits redoutables de l’amour. Et cependant, nous n’irons pas dire pour cela : À quoi bon ? Au contraire, nous, saurons gré au Maître de tout ce qu’il a fait. La bête est pour l’homme ce qu’est le fouet pour un enfant. Si, parmi tant de dangers, l’orgueil enfle encore tant de cœurs, ce frein ôté, jugez des progrès que ferait le vice. Voilà pourquoi notre corps est ce qu’il est, exposé aux infirmités, aux souffrances, assiégé par mule fléaux ; pourquoi la terre n’accorde ses biens qu’au travail ; pourquoi la vie entière est arrosée de sueurs. C’est parce que la vie présente n’est qu’une école, c’est parce que le repos et l’oisiveté perdent la plupart des hommes, que Dieu a mêlé à notre existence, le travail et la peine, comme un frein destiné à réprimer l’excitation de nos pensées. Mais voyez : les animaux qui nagent dans l’abîme des eaux, ceux qui s’élèvent dans les airs, le Seigneur les a soumis eux-mêmes à votre industrie. Et pourquoi David ne passe-t-il pas en revue toutes les choses visibles, les plantes, les graines, les arbres ? En nommant la partie il fait entendre le tout, et laisse aux hommes studieux le soin de rechercher le reste. Puis il termine ainsi qu’il a commencé : « Seigneur, notre Seigneur ! » avant et après sa description, les mêmes expressions reviennent. Persistons donc, nous aussi, à redire la même chose, à admirer la Providence de Dieu, sa sagesse, sa bonté, sa sollicitude pour nos intérêts. Voilà ce que nous avions à dire pour compléter l’interprétation. Maintenant, si vous le voulez, nous en viendrons à la controverse, et nous demanderons aux Juifs en quelles circonstances on a entendu chanter de petits enfants, à quelle époque un tel chant a détruit l’ennemi, enfin, quand le nom de Dieu a été admirable. Ils ne sauraient citer un autre moment que celui dont nous avons parlé, moment où reluit la puissance de la vérité avec plus d’éclat que le soleil. Voilà pourquoi le Psalmiste dit : « Je verrai les cieux ouvrages de vos doigts. » D’ailleurs Moïse avait dit précédemment : « Au commencement Dieu fit le ciel et la terre. » En voilà assez à l’adresse des Juifs, avec ce que nous avons dit plus haut : mais il est des hommes qui, imitant et adoptant leur doctrine, hormis en ce qui touche la circoncision (je parle des disciples de Paul de Samosate), prétendent que le Christ exista seulement du jour où il sortit du sein de Marie : Demandons-leur donc, à eux aussi, comment il se fait que le Christ ait créé les cieux, s’il est vrai qu’il n’existe que depuis cette époque. En effet, selon le prophète, Celui qui fit parler des enfants à la mamelle est aussi le créateur des cieux. Que s’il créa les cieux, il existait donc avant les cieux ; et loin de devoir à Marie son origine, il lui est antérieur. Considérez ici la sagesse du Prophète ! Il n’en fait pas seulement