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fosse, il indique l’impossibilité de la délivrance « Et il tombera dans la fosse qu’il a faite. » Ce qu’un autre exprime en ces termes – Celui qui creuse une fosse pour son prochain y tombera. Et c’est encore une marque de la bonté divine, d’avoir rendu la trahison telle que le traître tombe dans ses propres filets, afin que cette considération même détourne les hommes des combats et des artifices contre le prochain. La même chose arriva pour Moïse : celui qui devait périr fut sauvé, tandis que Pharaon trouva la mort dans la voie même qu’il avait suivie pour exterminer les enfants. – En effet, l’ordre de ce massacre, contraignit la mère de Moïse, dans son effroi, à exposer son fils : la fille de Pharaon recueillit sur le fleuve le berceau abandonné, trouva l’enfant, l’éleva ; et Moïse, parvenu à l’âge d’homme extermina tous ses persécuteurs. – En cela éclate surtout l’industrieuse sagesse de la Providence : voyez quel avertissement pour les méchants, quelle joie pour ceux qu’ils menaçaient. – Quelque chose de pareil arriva aussi à l’admirable Joseph. Ses frères qui l’avaient précipité dans la servitude eurent le sort que l’on connaît ; quant à lui, loin de causer son malheur, ils lui rendirent service : c’est à eux qu’échut le rôle lugubre dans cette tragédie. Je pourrais citer beaucoup d’exemples pareils : mais je passe à un nouvel ordre de considérations.
Un homme a usurpé le bien d’autrui ? c’est sa propre ruine qu’il a causée. Quant à celui qu’il a dépouillé, souvent il lui rend service, au détriment de sa propre âme, dont il trahit les intérêts. Un homme a commis une injustice ? C’est un glaive qu’il s’est enfoncé dans le sein. – Le plus grand préjudice, ce n’est point de subir un préjudice, c’est de le causer. Aussi Paul recommandait-il de subir plutôt l’injustice, et de ne point s’en rendre coupable ; et le Christ, de recevoir les soufflets et de n’en pas donner, de présenter au contraire sa joue à l’outrage. C’est le propre de la vraie force, c’est ce qui fait la patience, ce qui fortifie l’âme, ce qui la rend supérieure aux passions. Celui qui fait tort au prochain, en le frappant, en l’injuriant, a commencé par être victime et captif de sa passion, avant de causer à autrui ce dommage apparent ; le pire sort est le sien, esclave qu’il est du plus dur des maîtres. « La peine retournera sur sa personne ; et son injustice retombera sur sa tête. » – Ces mots encore sont entendus soit d’Achitophel, soit d’Absalon. L’un et l’autre, en effet, furent atteints à la tête par le châtiment. L’un se pendit ; l’autre en passant sous un arbre resta pris par les cheveux et demeura suspendu longtemps. Judas se pendit de même, sachant que tout le mal qu’il avait fait devait retomber sur sa tête. Achitophel aussi, pressentant que David ne pouvait manquer de triompher, alla se pendre ; quant à Absalon, c’est malgré lui qu’il resta suspendu, et il ne mourut pas tout d’abord : comme un condamné, il fut d’abord attaché et suspendu à un arbre ; et en vertu d’un arrêt d’en haut, il demeura longtemps dans cette position, livré aux tortures de sa conscience. Il brûlait de plonger sa main dans le sang paternel ; et son père néanmoins recommandait à ses soldats de l’épargner. Que dis-je ? Il était si exempt de vaine gloire, qu’il alla jusqu’à pleurer sa mort. Et pour vous faire bien entendre que les hommes ne furent pour rien dans cette exécution, et que la sentence était toute divine, des cheveux et du bois servirent de chaînes pour le coupable, un animal le livra ; sa chevelure tint lieu de cordes, l’arbre de poteau, la mule fut le soldat qui le conduisit au supplice. Et voyez quelle singularité. Aucun des siens en le voyant dans cet état, n’eut l’idée de s’approcher de lui, de le délivrer, bien que le temps ne manquât pas pour cela. – Dieu l’avait voulu ainsi, pour qu’il ne fût ni tiré de là, ni conduit enchaîné auprès de son père, attendu que ce cœur paternel montrait une indulgence excessive. Et ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que le meurtrier d’Absalon fut l’homme qui l’avait réconcilié avec son père ; il jouait là, pour ainsi dire, le rôle d’un implacable accusateur : mais il ne fit que frapper, et c’est Dieu qui prononça l’arrêt.
15. Que c’était, de fait, un jugement d’en haut, David même nous en instruit : car après avoir dit : « Son injustice retombera sur sa tête », il ajoute : « Je rendrai hommage au Seigneur, suivant sa justice : et je célébrerai le « nom du Seigneur Très-Haut. » Rendons grâces, dit-il, non qu’il se réjouisse de l’exécution de l’arrêt : mais il s’incline devant le jugement du Seigneur. Et qui pourrait rendre grâces au Seigneur suivant sa justice ? Qui pourrait le louer à proportion de ce qu’il est ? Personne. Que signifie « Suivant sa justice ? » Entendez, à cause de sa justice. « Et je chanterai les louanges du Seigneur tout-puissant. » En effet la victoire est la sienne, les trophées sont