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ses jours. Si le méchant souffre de tels tourments, l’homme vertueux au contraire jouit du calme et d’une absolue tranquillité d’âme. Voyez un peu. Qu’un homme projette de se venger ou de commettre une mauvaise action, considérez à quelles tortures il est en butte. – La colère remplit son cœur, le courroux le dévore, mille pensées tumultueuses s’agitent dans son esprit ; il hésite entre mille partis la crainte, les angoisses, le tremblement l’assiègent, pendant que la colère le ronge, la crainte le bouleverse : comment réussir, comment se venger ? avant celui dont il trame la perte, il se perd lui-même. Au contraire celui qui a banni le courroux de son âme est exempt de toutes ces agitations, et cela se conçoit. – C’est quelque chose dont il est le maître ; il n’a qu’à vouloir et tout s’exécute. L’autre, pour réussir, a besoin des circonstances, d’un lieu propice, de ruse, de trahison, d’armes, de stratagèmes, de guet-apens, de flatterie, de servilité, d’hypocrisie. Voyez-vous combien la vertu est chose aisée, le vice, chose difficile ? Quel est le calme attaché à l’une, le trouble dont l’autre est désolé ?
Voilà ce qu’indique le Prophète en disant « Voici qu’il est gros d’injustice, qu’il a conçu la peine et enfanté l’iniquité. » Par là il fait voir que l’injustice n’est pas naturelle chez nous, mais empruntée. Voilà pourquoi elle nous est à charge ; pourquoi, tant que nous en subissons l’empire, nous sommes assiégés de douleurs comparables à celles de l’enfantement. – Tant que l’enfant n’est pas complètement formé, son séjour naturel est au sein de sa mère ; il y reste donc, et cela sans peine. Mais quand il est parvenu à maturité, rester où il est devient une chose contre nature : de là les souffrances de l’enfantement. Dès lors la nature contrariée fait effort pour le chasser au-dehors : elle a consommé son œuvre, elle ne saurait plus en garder le dépôt. – Mais dans ce cas, la conception précède, et les douleurs suivent : ici, au contraire, les souffrances viennent en premier lieu, et en suite la conception et l’enfantement. Qu’est-ce à dire ? C’est-à-dire que dans le premier cas, la douleur survient au moment de l’enfantement, et que dans le second la douleur se fait sentir tout d’abord. En effet, on n’a pas plus tôt conçu un projet criminel, on ne l’a pas encore bien fixé dans son esprit, que déjà le trouble et le désordre y règnent. – En ce qui regarde les femmes, le germe une fois déposé dans leur sein prend de lui-même la forme que l’enfant doit avoir. Mais quand il s’agit de desseins perfides, c’est aujourd’hui une pensée mauvaise ; demain ce sera le tour d’une autre : c’est une succession infinie de mauvais germes tombant l’un après l’autre ; ce sont, chaque jour, des conceptions, des souffrances qui ruinent le cœur où elles ont leur siège. Ce n’est pas un enfantement pareil à celui des femmes, mais plutôt pareil à celui des vipères, dont les petits déchirent le sein, entr’ouvrent les flancs maternels pour voir le jour : c’est l’image des ruses de l’iniquité. Mais quand nous ferions tous nos efforts, nous ne saurions représenter à la pensée les souffrances qu’endurent les méchants. De là cette parole : « Le méchant seul épuisera les maux. » (Prov. 9,12) – En effet, quoi de plus triste, de plus infortuné qu’un envieux, un traître, un homme qui convoite le bien d’autrui ! – Il n’y a pas de bourreau qui fasse endurer pareille torture.
14. C’est donc avec raison que le Psalmiste appelle ces pensées-là « Maux de grossesse. » Mais les femmes enfantent par suite d’un commerce : si la santé des parents est bonne, telle sera aussi vraisemblablement celle des enfants ; s’ils sont infirmes, leur infirmité se transmettra à leur rejeton. – Il en est de même encore en ce qui regarde les pensées. Si vous fréquentez d’honnêtes gens, vous donnerez naissance à de bonnes pensées ; si vous hantez des méchants, et que vous n’y preniez pas garde, vous aurez lieu de vous en repentir. Écoutez du moins ce que dit le prophète : « C’est de ta crainte que nous avons conçu, porté, enfanté un esprit de salut. » (Is. 26, 18) – Voici maintenant pour ceux qui ont commerce avec le diable : « Ils ont brisé des œufs d’aspic, et ils tissent une toile d’araignée. » (Is. 59,5) Fuyons donc les méchants. Quand nous pouvons concevoir et enfanter sous l’inspiration des préceptes de Dieu, comment serions-nous excusables de nous y refuser, et de rechercher la société des hommes dépravés : pareils à une femme qui préférerait aux embrassements d’un monarque le commerce d’un brigand ou d’un pirate ? « Il a ouvert une fosse, et l’a creusée : et il tombera dans la fosse qu’il a faite. » Encore une figure : par les maux de la grossesse, il désignait la souffrance : ici, par ce mot