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âme bien réglée. Ainsi donc, demandons de façon à obtenir.
« Dieu est un juge équitable, puissant, patient, qui n’inflige point sa colère chaque jour. » Un autre dit : « Qui gronde tous les jours. » Le texte hébreu dit : « Toute la vie. » Un autre interprète « qui menace, gronde, et ne punit pas. » Voici le sens de ces paroles : S’il est juste, il voudra, de toute façon, punir les hommes injustes ; s’il est puissant, de toute façon il le pourra. Mais que devient, dira-t-on, la bonté de Dieu, s’il doit nous juger selon la justice ? Elle éclate premièrement, en ce que le châtiment ne nous suit point pas à pas, ou plutôt, elle éclate d’abord, en ce qu’il a remis tous nos péchés au moyen de l’eau de régénération ; et secondement, en ce qu’il nous accorde le repentir. Si vous réfléchissez que nous péchons tous les jours, c’est alors surtout que vous verrez la bonté divine se manifester dans son inexprimable étendue. C’est ce que David fait entendre par la suite : « Dieu est un juge équitable, puissant, patient. » Vous ne voyez pas pourquoi, si ni le pouvoir, ni la volonté ne lui manquent, il ne punit pas ? Sachez, répond David, qu’il est patient, et que sa colère ne se manifeste pas chaque jour. Mais qu’on n’aille pas croire sottement que c’est la faiblesse qui l’empêche de sévir : David nous fait connaître le motif de ce délai : c’est que sa patience aussi est extraordinaire. Si cette patience a pour objet de vous amener au repentir, c’est lorsqu’il voit que ce remède reste impuissant, qu’il se décide à sévir. Il ne se passe donc point de jour, que nous ne méritions d’être punis. Sans cela, le Psalmiste ne dirait pas, comme une chose digne d’attention : « N’infligeant point sa colère chaque jour. » S’il parle ainsi, c’est que nos actes réclament le châtiment et que la bonté de Dieu s’oppose seule à notre juste punition. Ici encore, vous voyez comment il montre l’impassibilité divine, et par ce mot colère n’entend que le châtiment. Personne, en effet, n’inflige sa colère ; la colère est pour qui la ressent, et le châtiment pour autrui. C’est donc bien à la punition qu’il songe en disant : « Et n’infligeant point sa colère chaque jour. » Et comment peut-il dire « chaque « jour ? » Que chacun de nous rentre en lui-même, et il en verra la raison. J’omets les péchés secrets : mais les péchés publics, qui s’en défendra ? Quels sont donc ces péchés ? Et quel est le jour, où nous ne prions pas avec négligence, avec une insouciance complète ? Or, vous allez voir que par là nous encourons la colère. Dites, en effet : si vous abordiez votre juge en bâillant, et que vous fussiez convaincu, ne se hâterait-il pas de vous infliger votre peine, de vous déporter au-delà des frontières ? Sans doute, dira-t-on, attendu que c’est un homme. Eh bien ? Si un homme peut être dans son tort, quand il s’irrite d’une offense, vu que l’offenseur est son égal : quand c’est Dieu qui est l’offensé, le châtiment devient parfaitement juste : car la faute est plus grave que si elle atteignait un homme. De plus si l’homme punit, c’est dans une pensée d’intérêt personnel : en vous punissant, au contraire, Dieu ne considère que votre propre avantage : de sorte que, à ce point de vue encore, l’indignation devient plus légitime. Car ce n’est pas la même chose de mépriser ceux qui ne songent qu’à eux-mêmes ou celui qui ne songe qu’à vous. Et l’on encourt une colère bien plus grande encore lorsqu’on ne sait pas même être sage au moment de solliciter pour soi. Combien y a-t-il d’hommes qui n’aient jamais offensé leur frère gratuitement ? Ne me dites pas que ce frère était un simple serviteur : « Car dans le Christ il n’y a ni homme, ni femme, ni esclave ni homme libre. » (Gal. 3,28) Quel est celui qui n’a pas accusé son prochain, ne l’a pas calomnié ? celui qui n’a jamais jeté sur une femme des regards dissolus ? celui qui n’a pas été jaloux d’autrui ? qui n’a pas connu la fausse gloire ? qui n’a pas proféré une parole inutile ? Or, toutes ces actions tombent sous le coup du châtiment. Et si nous étions aussi négligents à l’égard des choses mondaines, qu’au sujet des choses spirituelles, ce serait un titre à l’indulgence : mais ce dernier recours nous est interdit. En effet, dans les premières, nous sommes aussi vigilants qu’endormis en ce qui concerne les secondes. Et afin qu’en l’entendant parler de la patience divine, nous ne nous sentions pas encouragés à la nonchalance, il ajoute : « Si vous ne vous convertissez pas, il fera luire son glaive. » (Id. 13) Un autre dit : « Il aiguisera son épée. Il a tendu son arc et l’a préparé. » Suivant un autre, « il tendra. Et il a disposé sur son arc des instruments de mort. Il a préparé ses flèches contre ceux qui brûlent. » Un autre dit : « Pour brûler. »
11. Que vont dire ici ceux qui attribuent à