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distribue largement ses richesses, et il nous les prodigue même avec une munificence qui surpasse nos demandes.
2. Instruit de ces vérités, appliquez-vous donc, mon très-cher frère, à purifier votre cœur des affections du monde ; dilatez les facultés de votre âme, et recevez avec une grande joie cette bonne semence que l’Esprit-Saint répand en vous. C’est ainsi que cette semence, confiée à une terre grasse et fertile, rendra tantôt cent pour un, et tantôt soixante ou trente. Et maintenant rappelez-vous le sujet de nos derniers entretiens : je vous y ai fait admirer l’ineffable sagesse de Celui qui a créé toutes les créatures visibles, et je vous ai dit comment il les avait créées par un seul acte de sa volonté et par une seule parole ; car il a dit Qu’elles soient, et aussitôt elles ont été produites. Cette seule parole les appela soudain du néant, parce que ce n’était point la parole d’un homme, mais la parole d’un Dieu. Vous vous souvenez aussi de quelle manière j’ai réfuté ceux qui soutiennent que l’univers a été tiré d’une matière préexistante, et qui ne craignent point de substituer ainsi leurs rêveries aux dogmes infaillibles de l’Église. Vous savez enfin pourquoi le ciel a été créé tout d’abord brillant et parfait, tandis que la terre fut primitivement brute et informe. Et je vous ai dit que Dieu en avait agi ainsi pour deux raisons principales. D’abord, il a voulu nous montrer sa puissance dans les splendeurs dont il a paré le premier de tous les éléments, en sorte que nous ne doutions point qu’il ne pût également embellir la terre. Mais parce que cette terre est la mère et la nourrice de l’homme, que, pendant la vie, elle lui fournit ses aliments, lui prodigue ses richesses, et, après la mort, le reçoit en son sein, Dieu nous l’a présentée au commencement brute et informe, dans la crainte que la vue des grands avantages que nous en retirons ne nous en fissent concevoir des idées trop relevées. Ce premier état de la terre nous instruit donc à ne point lui attribuer ses diverses productions et à les rapporter toutes à la vertu du Créateur.
Je vous ai ensuite exposé comment Dieu avait séparé les eaux, étendu entre elles, par une seule parole, le firmament visible, et peuplé la terre et les eaux d’animaux vivants. Mais ce n’est point sans raison, ni sans motif que je vous rappelle toutes ces choses ; je veux d’abord les mieux imprimer dans votre esprit, et puis les apprendre à ceux qui n’ont pu assister à nos premières réunions, afin que cette absence ne leur nuise point ; c’est ainsi qu’un bon père réserve quelques plats de sa table pour les offrir comme consolation à ceux de ses enfants qui étaient absents à l’heure du repas. Vous savez aussi que tous ceux qui se pressent en foule dans cette enceinte ne me sont pas moins chers que les membres de mon corps ; je désirerais donc que tous soient consommés en sainteté pour l’honneur de Dieu, la louange de l’Église, et ma propre gloire. Aussi voudrais-je, si je ne craignais de vous fatiguer, reprendre brièvement le sujet de notre dernier entretien. Je vous y fis donc observer quelle différence existe entre la création de l’homme et celle des autres créatures, et en quel rang d’honneur Dieu l’a établi. Et en effet, la sublimité seule des paroles que Dieu prononça en le formant nous révèle toute la dignité de l’homme, car Dieu dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. Je vous expliquai ensuite le sens de ce mot : à notre image, et je vous dis qu’il ne fallait point l’entendre d’une égalité de nature, mais seulement d’une participation d’autorité et de souveraineté ; c’est pourquoi Dieu ajoute immédiatement : Et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur les animaux et les reptiles de la terre.
3. Ici les païens nous attaquent, et ils nous objectent que cette parole n’est qu’un mensonge, puisque l’homme ne maîtrise point les animaux féroces, comme Dieu le lui avait promis, et qu’au contraire il leur est soumis. Mais d’abord cette objection n’est rien moins que vraie, car à la vue de l’homme tous les animaux prennent la fuite. Si quelquefois pressés par la faire, ou excités par nos attaques, ils se jettent sur nous, et nous blessent, c’est bien plus par notre faute que par suite de leur prétendu empire sur l’homme. Des voleurs nous attaquent, et nous nous défendons les armes à la main. Faut-il en conclure qu’ils ont sur nous quelque autorité ? Non sans doute, seulement nous veillons à notre conservation. Mais expliquons de nouveau ces paroles : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. Ce mot image indique dans l’homme une pleine autorité sur les animaux, et le mot ressemblance marque les efforts qu’il doit faire pour se rendre, autant qu’il lui est possible ; semblable à Dieu par la douceur, la bonté et toutes les