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de l’autre. Qu’importent les robes de pourpre qu’on étale ? On en étale ainsi dans de misérables échoppes de planches. En quoi celui qui s’en revêt est-il plus riche que celui qui les vend ? Mais il n’en est pas ainsi de la richesse du juste ; elle est solide et durable. Que si les prétendus riches ne s’aperçoivent pas de leur pauvreté réelle, il ne faut pas s’en étonner. Ceux qui sont atteints de frénésie n’ont pas non plus le sentiment ale leur infirmité, et c’est précisément ce qui les rend encore plus à plaindre, bien loin qu’ils doivent faire envie. S’ils avaient conscience de leur mal, ils courraient chez le médecin ; mais ce qu’il y a de plus affreux dans leur infirmité, c’est qu’ils sont malades sans le savoir. Ne considérez donc point que le riche se complaît dans sa richesse : au contraire, voyez en cela même un nouveau sujet de larmes et de compassion, qu’il ne connaît point l’étendue de son infortune. Car il ne sied pas à l’homme de se prévaloir de pareilles choses, et c’est l’indice d’une extrême déraison. « Et vous dirigerez le juste. » Qu’est-ce à dire ? Il veut dire que la punition infligée aux méchants rend les justes plus vigilants. Il résulte donc de là deux avantages les uns sont guéris de leur perversité, et les autres progressent dans le chemin de la vertu. Si un homme en santé qui voit employé le fer et le feu pour la guérison d’un malade, devient plus attentif à veiller sur sa santé, il en est de même ici. Car en ce temps, beaucoup de personnes, même parmi celles qui paraissaient veiller sur elles-mêmes, étaient scandalisées de la prospérité des méchants, faute d’instruction suffisante. Voilà pourquoi le Psalmiste dit ailleurs : « Mes pas ont été presque déroutés parce que j’ai senti de la jalousie contre les méchants. » (Ps. 72,2) « D’où vient », dit un autre « que la voie des impies prospère ? » (Jer. 12,1) Job aussi se fait mille questions semblables. Mais c’est qu’alors l’initiation était incomplète : de là ces paroles, ces questions ; maintenant celui que ce spectacle déconcerte ne mérite aucune indulgence, après tant de sublimes leçons de sagesse, après de pareilles révélations sur l’avenir, après tant de lumières nouvelles sur l’enfer, sur le royaume des cieux, sur la rétribution qui doit être accordée là-haut, à chacun selon son mérite.
« O Dieu juste qui sondez les cœurs et les reins. Mon recours est en Dieu qui sauve les hommes droits de cœur. » Un autre dit : « Celui qui sonde les cœurs et les reins, le Dieu juste, mon protecteur. » Un autre « Le Dieu juste. » Les Septante interprètent ainsi : « Le Dieu qui sonde les cœurs et les reins. Juste est mon recours en Dieu. » Le Psalmiste a dit que Dieu jugera l’univers : il dit à présent comment Dieu le jugera. Il a dit que Dieu n’a besoin pour cela ni de témoins, ni d’enquêtes, ni de preuves, ni de pièces, ni de rien de pareil : car c’est lui qui sait les mystères. Qu’un insensé ne vienne donc pas nous dire. Et comment Dieu jugera-t-il tout cet univers ? Celui qui l’a tiré du néant, saura bien juger son ouvrage. Par le mot « Reins », il entend ici ce qu’il y a de plus secret, de plus profond, de plus mystérieux dans nos pensées : ce n’est ici qu’un emblème pour désigner quelque chose de plus général.
10. Que veut dire maintenant cette expression « Sonder ? » La même chose « qu’Examiner » qui se trouve ailleurs. Les paroles sont humaines : le sens est digne de Dieu, quand Paul dit : « Celui qui scrute les cœurs. » (Rom vin, 27) « Scruter », pour lui, est la même chose que savoir avec certitude. Ici « Sonder », c’est savoir exactement. Quant à « Examiner », c’est mettre à nu pour voir, ce qui est le propre d’une science, d’une connaissance exactes. Paul a dit : « Tout est à nu et à découvert devant ses yeux. » (Héb. 4,13)
« Juste est mon recours. » Un autre traduit « Juste est mon protecteur. » Qu’est-ce à dire, « Juste est mon recours en Dieu ? » C’est justement, veut-il dire, que Dieu m’exaucerait, car je ne lui demande rien d’injuste. Si donc nous voulons obtenir l’appui d’en haut, demandons des choses qui aient le même caractère : afin que la nature de notre prière nous concilie la faveur de Celui qui « sauve les hommes droits de cœur. » Telle est sa fonction, telle est sa coutume. Ainsi donc, puisque je n’ai point donné l’exemple de l’iniquité, puisque je n’aspire point à la vengeance, c’est justement que Dieu viendrait à mon aide. Instruits de ces vérités, gardons-nous de rien demander, qui soit un obstacle au bienfait. Quand vous souhaitez du mal à vos ennemis, le secours que vous demandez serait injuste : car il contredirait la loi promulguée par Celui même dont vous sollicitez l’appui. Demander l’argent, la beauté, ou tout autre avantage mondain et périssable, c’est aller contre le devoir d’une