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si le cœur ne commençait par éclater. Supposez donc que vous avez devant vous un homme atteint de la jaunisse, quelque mal qu’il puisse vous faire, cela ne vous donnera jamais l’envie de contracter son mal. Faites donc de même pour la colère. N’imitez pas le méchant, ne rivalisez pas avec son vice ; ayez pitié plutôt de cet homme qui ne sait pas réprimer la brille en son âme, de cet homme qui est la première victime de son acharnement. En effet, que ces gens-là se font tort à eux-mêmes, c’est ce que nous apprennent beaucoup de sages, qui, pour empêcher les luttes de ce genre, ont recours aux conseils suivants : Épargne-toi ; c’est à toi que tu fais tort. Voilà le vice ; sa seule victime est l’âme qui lui donne naissance ; il la bouleverse de fond en comble. Gardons-nous donc, pour nous venger d’autrui, de nous égarer nous-mêmes loin du port. Qu’un homme sur le point de faire naufrage et d’être englouti, profère contre toi des insultes, tu ne t’en inquiéteras pas, tu ne quitteras pas pour cela le rivage où tu es tranquillement assis, afin de t’exposer au même trépas. Représentez-vous donc que l’homme qui vous insulte et vous injurie, est comme un malheureux qu’une trombe, qu’un orage engloutit, une fois qu’il s’est exposé à la tempête du courroux ; tandis que vous, dans votre résignation, vous jouissez tranquillement sur la rive de la tranquillité du port. Que si, au contraire, vous vous laissez entraîner à une détestable émulation, c’est vous-mêmes, ce n’est pas lui que vous perdez.
7. Levez-vous, Seigneur, dans votre colère, et soyez exalté au milieu de vos ennemis. En parlant de la sorte, il indique que Dieu se lève encore autrement que pour manifester sa colère : c’est ce que montre, par exemple, cet autre passage : « Levez-vous, Seigneur, sauvez-moi, mon Dieu. » – D’ailleurs, que ce mot Levez-vous, ne représente à votre esprit rien de corporel. De même qu’en parlant de Dieu, Rester assis, n’est pas dit au sens physique, il en est ainsi de l’expression : « Levez-vous. Vous », est-il écrit, « qui êtes assis pour l’éternité… » Qu’est-ce qu’il faut entendre par ce mot ? la fixité, la permanence, la stabilité de nature, la durée, ce qui résulte d’ailleurs de l’opposition des termes. Car immédiatement après les mots : « Vous qui êtes assis pour l’éternité », viennent les suivants : « Mais vous qui périssez pour l’éternité. » Ainsi ni « s’asseoir » ni « se lever » ne sont pris ici au sens physique : dans le premier cas, il s’agit de permanence ; dans le second de châtiment, d’extermination. – Quelquefois encore, Être assis désigne la fonction de juge : par exemple dans ce passage : « Vous êtes assis sur un trône, vous qui jugez la justice. » (Ps. 9,4) Dé même Daniel : « Des sièges furent placés, et le tribunal s’assit. » (Dan. 7,9) C’est encore un terme qui désigne la royauté : « Votre trône, ô Dieu, est pour les siècles des siècles : c’est un sceptre, de droiture que le sceptre de votre royauté. » (Ps. 54,7) – D’où l’expression « assieds-toi à ma droite », (Ps. 109, 1) qui marque un partage d’honneurs. Mais que veut dire ceci : « Dans votre colère ? » Ceci encore doit être pris dans un sens convenable à la majesté divine. La colère, en Dieu, n’est point passion, c’est punition, châtiment. « Soyez exalté au milieu de vos ennemis. » Un autre dit : « Dans votre courroux contre vos ennemis. » Un autre : « Dans votre animosité contre vos persécuteurs. » Un autre : « Dans votre impatience contre ceux qui vous tiennent enchaîné. » Où nous lisons « au milieu de », le texte hébreu donne « Bebaroth. » Voyez comment, ici encore, il ne songe pas à sa propre vengeance, et ne parle qu’en vue de la gloire de Dieu. Il ne dit pas simplement : Punissez mes ennemis, ou vos ennemis : Mais soyez exalté… Et comment peut être exalté le Très-Haut, Celui qui ne déchoit jamais de sa sublimité ? La sublimité de sa nature n’est susceptible ni de diminution, ni d’une augmentation quelconque : il est parfait, immense, immuable. Comment donc, de quelle façon peut-il être exalté ? Aux yeux du vulgaire. Plus d’une fois il a usé de longanimité : mais là où il y avait longanimité, ses ennemis ne voyaient qu’abaissement et faiblesse. Il est donc aussi susceptible d’abaissement, mais seulement aux yeux de ces hommes, et non pas en réalité.
7. En effet, si le soleil paraît sans éclat à ceux dont la vue est infirme, ainsi Dieu peut paraître sans pouvoir et sans grandeur aux yeux de ceux qui le méconnaissent. Mais de même que cet obscurcissement du soleil n’est que prétendu et non réel, et réside uniquement dans l’infirmité de certaines vues : ainsi Dieu, en dépit de cette illusion, garde tout son pouvoir : et ce n’est là qu’un symptôme qui marque le délire de ces esprits égarés… Quelle est donc la pensée ; du juste ? Sois exalté, dit-il,