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sommes assujettis, non seulement à ne pas nous venger de nos ennemis, mais encore à leur faire du bien. « Priez pour ceux qui vous persécutent », est-il écrit : « faites du bien à ceux qui vous haïssent. » (Mt. 5,44) Mais au temps de David, ce n’était pas un petit mérite que de s’interdire la vengeance : c’était dépasser de beaucoup la recommandation légale. De là ces paroles : « Si j’ai fait cela, s’il y a de l’iniquité sur mes mains ; si j’ai rendu le mal à ceux qui m’en rendaient. » En ce qui concernait son fils, la voix du sang suffisait pour le retenir : mais a-t-il fait du mal, en a-t-il rendu à quelque autre ? Quelle serait donc notre excuse, notre titre à l’indulgence, à nous qui venons après le Christ, si nous ne savions pas atteindre le niveau de ceux qui vivaient sous l’ancienne loi, et cela, quand nous sommes obligés de le dépasser de beaucoup ? « Si votre justice », est-il écrit, « n’abonde pas plus que celle des Pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » En effet, si les mêmes œuvres ne produisent pas le même mérite sous la loi qu’avant la loi, il en est de même pour le temps de la grâce et pour celui de la loi, et la différence des temps influe sur la valeur des actions. Paul, voulant indiquer cette différence pour ce qui concerne, soit le vice, soit la vertu, fait voir par les paroles suivantes quelle supériorité il accorde aux uns, quels châtiments plus sévères il juge réservés aux autres « Lorsque les gentils qui n’ont pas la loi, font naturellement ce qui est selon la loi ; n’ayant pas la loi, ils sont à eux-mêmes la loi. » (Rom. 2,14)
5. Voyez-vous comment il vante et célèbre ceux qui font le bien sans y être obligés par la loi ? Considérez maintenant ce qu’il dit des supplices plus sévères réservés aux pécheurs qui vivent sous la grâce, qu’aux pécheurs vivant sous la loi. « Celui qui viole la loi de Moïse meurt sans aucune miséricorde, sur la déposition de deux ou trois témoins. Combien donc pensez-vous que mérite de plus affreux supplices celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, et tenu pour profane le sang de l’alliance. » (Héb. 11,28, 29) Ailleurs voulant montrer que les pécheurs d’avant la loi méritent un châtiment moindre que ceux qui ont vécu sous le règne de la loi, il s’exprime ainsi : « Quiconque a péché sans la loi, périra sans la loi. » (Rom. 11, 12) C’est-à-dire sera puni moins sévèrement, ayant pour accusatrice, non la loi, mais la seule nature : « Mais ceux qui ont péché sous la loi seront jugés par la loi ; » c’est-à-dire plus sévèrement, attendu qu’outre la nature, la loi aussi les accusera. « Que je succombe sous les coups de mes ennemis, frustré de mes espérances. Que l’ennemi poursuive mon âme, et s’en empare, et foule aux pieds sur le sol ma vie, et ensevelisse ma gloire sous la poussière. » Voyez-vous la confiance de ce juste, et sa bonne conscience ? S’il n’avait pas été bien sûr de lui, il n’aurait pas prononcé une telle malédiction.
Voici le sens de ses paroles : Si j’ai fait ou rendu le mal, puissé-je endurer telle et telle chose : et il prononce lui-même son arrêt ; il ne veut pas être jugé équitablement, il réclame une punition disproportionnée à sa faute : la loi l’exempte du châtiment, lui-même s’y soumet. Et considérez quel est ce châtiment : « Que je succombe sous les coups de mes ennemis, frustré de mes espérances. Que l’ennemi poursuive mon âme, et s’en empare, et foule aux pieds sur le sol ma vie, et ensevelisse ma gloire sous la poussière. » C’est-à-dire qu’il me fasse périr dans l’obscurité, dans l’oubli qu’avec ma vie, il ruine en même temps ma gloire. Qu’est-ce à dire « qu’il ensevelisse ma gloire sous la poussière ? » qu’il m’humilie, qu’il me foule aux pieds : que je tombe à la merci de mes ennemis. Que peut-on imaginer de plus infâme qu’Absalon, qui persécutait son père, et un père si bon, si vertueux, lui dissolu, libertin, insolent ? Mais quoi ? Est-ce que David ne rendit pas le mal à ceux qui le lui rendaient ? Est-ce qu’il ne montra jamais de rancune ? Nullement. Examinez l’histoire de Saül : là surtout vous verrez briller la vérité de cette parole. Cet homme après mille bienfaits, des trophées, des victoires, le persécutait, lui tendait des pièges, brûlait chaque jour de le faire périr, : David le tint en son pouvoir une fois, deux fois et plus, endormi, séparé de ses gardes, et comme enfermé dans une prison : beaucoup l’engageaient à l’égorger, à lui donner la mort : il l’épargna, dompta son courroux, et cela, bien qu’il n’ignorât point qu’en le laissant échapper, il se ménageait un ennemi acharné et irréconciliable. Néanmoins, ni le souvenir du passé, ni ses craintes pour l’avenir, ni rien de pareil, ne put le déterminer à ce meurtre ; il resta sage, maître de son bras ; il refréna sa colère, et préféra