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voix, ni ses pleurs, par voix, entendant ici, non pas un cri, à proprement parler, mais une direction (le la pensée, et par pleurs, non seulement ceux que les yeux répandent, mais encore ceux qui viennent de l’âme ! En effet, celui qui montre du repentir et qui est entendu de Dieu, n’a pas de peine non plus à consommer cette autre bonne œuvre, la rupture de tout commerce avec les méchants.
« Que tous mes ennemis rougissent et rentrent en eux-mêmes. Qu’ils se détournent en arrière, et soient confondus sur-le-champ. » Voilà la plus utile des prières, rougir et revenir sur ses pas. Ceux qui courent au mal n’ont qu’à être pris de honte et à rebrousser chemin pour se corriger de leur perversité. Nous voyons un homme prêt à tomber dans un précipice ; nous l’arrêtons dans sa course, en lui criant : Où vas-tu, mon ami ? Un abîme est devant toi. C’est ainsi que David presse les méchants de revenir sur leurs pas. Un cheval emporté, si l’on ne se hâte de le retenir, aura bientôt péri. De même encore, le venin des reptiles, finit par infecter tout le corps qu’ils ont blessé, si les médecins ne s’empressent d’en réprimer les progrès, et d’en arrêter ainsi les ravages. Faisons de même, nous aussi, et hâtons-nous de guérir nos infirmités, si nous ne voulons pas que le temps envenime le mal. Car la blessure du péché, pour peu qu’on la néglige gagne du terrain ; et la maladie ne se borne pas à une simple plaie, elle finit par engendrer la mort éternelle, tandis que si nous extirpons le mal dans son principe, nous ne serons pas exposés à le voir grandir. Songez-y bien : celui qui aura pris l’habitude de n’attaquer personne, ignorera la lutte ; s’il ignore la lutte, il saura aimer ; s’il sait aimer, il n’aura point d’ennemi ; s’il n’a point d’ennemi, et ne montre que de la charité, il sera paré de toutes les vertus. – N’allons donc point négliger les débuts, si nous ne voulons que nos maux s’augmentent. Si Judas avait réprimé en lui la passion des richesses, il n’aurait pas été sacrilège ; s’il n’était point tombé dans ce crime, il n’aurait point été précipité au plus profond de l’abîme. – C’est pourquoi le Christ ne se borne point à réprimer la fornication ni l’adultère, il va jusqu’à défendre les regards déréglés ; il arrache pour ainsi dire la racine même du mal, afin de rendre plus aisée la défaite du vice. – Il agit de même à l’égard des Juifs, b ; en qu’avec des formes plus grossières, et comme sous le voile de l’allusion, parce qu’il avait affaire à des hommes charnels. Comment cela, de quelle façon ? Il interdit l’accouplement des animaux d’espèces différentes. Il interdit de boire le sang des bêtes ; il interdit de garder les gages après la chute du jour, et par là il réprima de grands crimes : d’une part, la sodomie, d’autre part, le meurtre, enfin la cruauté et la barbarie. Mais aujourd’hui la négligence, l’impudence sont au comble : aussi tout est bouleversé. Par conséquent, dès que vous recevez la plus faible atteinte, au lieu de considérer que c’est peu de chose, songez au résultat funeste qu’elle peut avoir, si vous en laissez les ravages s’étendre. Pour peu que nous voyions dans une maison quelques étoupes allumées, nous voilà dans le trouble et l’effroi : ce n’est pas ce commencement d’incendie qui nous épouvante, ce sont les suites qu’il pourrait avoir ; voilà pourquoi nous courons éteindre ce foyer jusqu’à la dernière étincelle. Eh bien ! le vice est pour l’âme un fléau plus dévorant que ce feu. Songeons donc à l’arrêter dès sa naissance. Car pour peu que nous nous relâchions, il nous sera plus malaisé ensuite d’en triompher. C’est ainsi encore que sur un vaisseau, les nautoniers pour s’émouvoir n’attendent pas que la mer soulève ses vagues au-dessus de leurs têtes : ses menaces mêmes les alarment. – Ne voyons donc pas les plus petits de nos péchés avec indifférence ; réprimons-les, au contraire, de toute notre force, afin d’échapper aux fautes plus graves, et d’obtenir les récompenses éternelles, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui, gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.