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L’homme qui gémit de la sorte se lèvera portant dans son âme la sérénité d’un port paisible, libre désormais de toute passion ; c’est avec un bonheur sans mélange, avec une confiance parfaite qu’il se rendra alors à la maison de Dieu ; c’est avec joie qu’il conversera avec son prochain ; car la colère sera loin de son cœur ; il ne sentira ni l’aiguillon de la concupiscence, ni celui de la cupidité ou de la jalousie, ni rien de semblable : Car les gémissements et les larmes de la nuit auront refoulé dans leurs tanières ces monstres furieux. « Le courroux a troublé mes yeux. » (Ps. 6,8) Voyez-vous la contrition de cette âme ? Après avoir parlé de son repentir, il revient sur ses maux, sur le trouble de ses pensées, sur la crainte de la colère divine.
5. Il entend ici par œil cette portion raisonnable et perspicace de l’âme, que trouble ordinairement en nous la conscience de nos fautes. Comme il ne cessait d’avoir ses fautes devant les yeux, il se représentait aussi la colère de Dieu, et vivait dans la crainte, les angoisses, le tremblement, et non comme tant d’autres, dans l’insensibilité. Un tel trouble engendre le calme ; une telle crainte est un principe de sécurité. Quiconque éprouve ces angoisses échappe à tout orage ; faute d’avoir l’âme en cet état, on sera exposé à toute la fureur des vagues. Et de même qu’une barque sans lest, livrée aux assauts des vents furieux, ne tarde pas à être engloutie : ainsi l’âme qui vit dans l’apathie doit s’attendre à d’innombrables maux. Aussi le bienheureux Paul, ayant en vue ce genre de douleur, disait-il : « Ceux qui, devenus insensibles, se sont livrés à l’impudicité, à toutes sortes de dissolutions, à l’avarice. » (Eph. 14,19) Ainsi qu’un pilote garantit la sécurité de tous les passagers, tant qu’il est lui-même inquiet sur leur sort, et leur cause, au contraire, de vives alarmes, s’il vient à perdre ce souci et à s’endormir ; de même l’homme qui vit dans les angoisses, le trouble, le tremblement, met en repos sa propre pensée, tandis que celui qui s’abandonne au sommeil de l’insouciance cause le naufrage de son esquif. « J’ai vieilli parmi tous mes ennemis. » Qu’est-ce à dire : « J’ai vieilli ? » C’est-à-dire, j’ai perdu ma force sous leurs coups. Ce monde est un lieu de combats, mille ennemis désolent notre vie ; et les fautes où nous tombons ne font que les rendre plus forts. Il faut donc travailler de toutes nos forces à leur échapper, et fuir toute réconciliation avec eux : c’est le plus sûr moyen de nous sauver. Paul fait allusion à cette phalange d’ennemis en disant : « Nous n’avons point à lutter contre la chair et le sang, mais contre les princes et les puissances, contre les dominateurs de ce monde de ténèbres. » (Id. 6,12) Si telle est la phalange de nos ennemis, toujours et sans cesse, il faut être en armes et fuir les assauts du péché. Car il n’y a rien de si belliqueux par nature que le péché. Aussi Paul nous dit-il, pour nous exhorter à sortir de l’endurcissement : « Ne vous conformez point à ce siècle, mais transformez-vous par le renouvellement de votre esprit. » (Rom. 12,2) Ainsi, quand le péché vous aura fait vieillir, rajeunissez-vous par la pénitence. « Retirez-vous de moi, vous « tous, qui opérez l’iniquité, parce que le Seigneur a entendu la voix de mes gémissements. » (Ps. 6,9) « Le Seigneur a entendu ma demande, le Seigneur a accueilli ma prière. » (Id. 10) Encore une méthode excellente pour arriver à la vertu : fuir les méchants. Le Christ nous le recommande si fortement, qu’il nous prescrit de nous séparer des amis qui sont pour nous comme des membres de notre corps, pour peu qu’ils nous scandalisent, et que leur société nous soit nuisible. « Si votre œil vous scandalise », dit-il, « arrachez-le. Si votre main vous scandalise, coupez-la et rejetez-la loin de vous. » (Mt. 5,29, 20) Ce ne sont point les membres qu’il a en vue, à Dieu ne plaise ! mais ces amis intimes, dont il faut mépriser l’amitié, quand elle n’est pas utile, mais nuisible, à eux-mêmes et à nous. Fidèle à ce précepte, David, non content de ne pas rechercher les mauvaises sociétés, leur prescrivait encore de fuir loin de lui.
6. Voilà le fruit de la pénitence, voilà l’avantage des larmes. L’âme ainsi contrite est désormais détachée de toute passion. Suivons cet exemple : et eussions-nous pour ami un homme couronné du diadème, si cette amitié nous est funeste, sachons la fouler aux pieds. Car rien n’est plus méprisable qu’un homme, monarque ou autre, une fois qu’il vit dans l’iniquité tandis que, d’autre part, le dernier captif est supérieur à tous les rois, si la vertu habite en lui. « Parce que le Seigneur a entendu la voix de mes pleurs. » Il ne dit pas simplement : a entendu ma voix, mais bien : « a entendu la voix de mes pleurs. » Vous voyez comment lui-même il n’épargne rien de son côté, ni sa