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se détourne pas d’eux. Après cela vient une seconde prière pour le salut de son âme. La plupart des hommes, surtout des hommes grossiers, ne songent qu’à une chose, à jouir ici-bas de la prospérité. Il n’en était pas ainsi de ces justes ; ils songeaient surtout au salut de leur âme, lequel passait avant toute autre chose à leurs yeux. « Parce qu’il n’y a dans la mort personne qui se souvienne de vous ; dans l’enfer, qui vous rendra témoignage ? » (Id. 6) Voyez tout ce qu’il allègue pour être sauvé. « Je suis faible », dit-il, « mes os ont été troublés ; » si j’adresse au Seigneur une pareille requête, c’est qu’il n’y a dans la mort personne qui se souvienne de lui. Il n’entend point par là que le présent soit tout pour nous ; à Dieu ne plaise ! Il connaît la promesse de la résurrection. Il veut dire qu’après le départ d’ici-bas, le repentir devient inutile. Le riche aussi confessait ses fautes et s’en repentait, mais en vain, parce qu’il n’était plus temps. Les vierges aussi auraient voulu recevoir de l’huile, mais personne ne leur en donna. David souhaite donc de pouvoir en ce monde expier ses péchés, afin de comparaître avec confiance au redoutable tribunal. Il fait voir ensuite que la bonté divine réclame le concours de nos œuvres, qu’en vain nous alléguerions notre faiblesse, notre trouble, la clémence de Dieu, ou ce dernier motif qu’il vient de faire valoir, si, de notre côté, nous n’avons pas fait tout notre possible, et voici comment il s’exprime aussitôt après : « Je me suis fatigué dans mes gémissements ; j’arroserai chaque nuit ma couche ; je mouillerai mon lit de mes larmes. » (Id. 7)
Écoutez, hommes d’humble condition, quelle fut la pénitence de ce roi vêtu de la pourpre ; écoutons et soyons pénétrés de componction. – C’est peu de souffrir, il se fatigue à force de gémissements ; c’est peu de pleurer, il arrose sa couche, et non pas un, deux, trois jours, mais tous les jours sans exception ; et il ne parle pas seulement du passé, mais encore de l’avenir. – Gardez-vous donc de croire, qu’après l’avoir fait une fois, il se soit ensuite abandonné au relâchement ; il ne cessa d’agir de la sorte sa vie durant. Ce n’est pas comme nous, qui après un repentir d’un jour (quand il a duré tout un jour), nous abandonnons à la gaieté, au plaisir, au relâchement. David ne cessait de verser des larmes. Imitons cette assidue pénitence. Car si nous refusons de pleurer ici-bas, ailleurs il nous faudra pleurer et gémir ; et ce sera chose inutile, tandis qu’en ce monde ce serait pour notre bien ; là, ce sera pour notre honte, ici, ce serait avec honneur. Que c’est là une nécessité, c’est ce que le Christ nous révèle en ces termes : « Là seront les pleurs elles grincements de dents. » (Mt. 8,12) Mais il n’en est pas ainsi de ceux qui pleurent ici-bas : ils trouveront d’abondantes consolations : « Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu’ils seront consolés. Malheur à vous, riches, parce que vous recevez votre consolation. » Vous qui dormez sur des lits d’argent, écoutez quelle était la couche de ce roi : elle n’était point décorée d’or, ni incrustée de pierres précieuses, mais arrosée de larmes. Ses nuits n’étaient pas des nuits de repos, mais des nuits de gémissements et de lamentations. Distrait par mille soucis durant le jour, il consacrait à la pénitence le temps que tout le monde réserve pour le repos ; et c’est alors qu’il gémissait tout à son aise. Il est toujours beau de pleurer, mais jamais autant que pendant la nuit, lorsque nul importun n’est là pour nous troubler dans ces étranges délices, et que nous pouvons nous en rassasier à notre gré et sans être dérangés. Ceux qui en ont fait l’épreuve savent ce que je dis, et quel bonheur procurent ces torrents de larmes. Voilà ce qui peut éteindre le feu inextinguible, et tarir le fleuve qui coule devant le tribunal. Voilà pourquoi Paul aussi pleura nuit et jour durant trois années, dans son zèle à porter remède aux maux d’autrui : mais nous, nos propres maux nous laissent indifférents ; nous nous livrons à la gaîté, au plaisir, et, la nuit venue, nous tombons dans un profond sommeil. Ce sommeil-là est pareil à la mort : mais d’autres passent la nuit dans des veilles pires que la mort, tout occupés à ce moment de créances, d’intérêts, d’entreprises contre le prochain. Autrement font les sages : ils cultivent leurs âmes, les arrosent d’une pluie de larmes, qui fait fructifier en elles les germes de la vertu. Point de vice, point de débauche qui ait accès dans une couche baignée de larmes pareilles. Celui qui les répand regarde comme rien les choses de la terre : il fortifie son âme contre toute attaque, il rend sa pensée plus sereine que la lumière du jour. Et n’allez pas croire que je ne parle ici que pour des moines : mon exhortation s’adresse aux hommes du siècle, à eux principalement : car ce sont eux qui ont le plus besoin des remèdes de la pénitence,