Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/558

Cette page n’a pas encore été corrigée

fait entrer à sa suite, une fois sauvée ; elle nous a détournés du vice, guidés vers la vertu ; elle a fait luire de bonnes espérances aux yeux de ceux mêmes qui vivent dans l’iniquité, pourvu qu’ils veuillent se convertir, en leur montrant qu’ils peuvent obtenir miséricorde : elle passe maintenant à la demande suivante : « Seigneur, guidez-moi dans votre justice », enseignant ainsi à l’auditeur, à commencer par offrir des hymnes à Dieu, et le remercier de ses bienfaits, avant de lui exprimer ses vœux, et de le remercier ensuite de ses nouveaux dons. Mais voyons ce qu’elle demande. Est-ce quelque bien mondain, fragile, périssable ? Est-ce de l’or qu’elle sollicite, de la gloire, de la puissance, le châtiment d’un ennemi ? Rien de pareil. Et quoi donc ! « Seigneur, guidez-moi dans votre justice à cause de mes ennemis. » Voyez-vous comment elle ne demande rien de passager, et comment elle réclame l’assistance d’en haut ? En effet c’est dans cette voie que l’on a le plus besoin d’un tel appui. Par justice, elle entend ici la vertu en général. Et elle dit fort bien « Dans votre justice. » Car il y a aussi une justice humaine, celle des lois du monde mais c’est une justice infirme, qui n’a rien de parfait ni de consommé, et qui ne repose que sur des jugements humains. Pour moi, la justice que je réclame est celle qui procède de vous, celle qui mène au ciel, et je demande votre appui afin d’attirer sur moi cette justice.
5. « Guidez-moi ! » on ne saurait mieux dire. Car la vie présente est une voie où le bras d’en haut nous est nécessaire pour nous conduire. Si nous avons besoin, lorsque nous voulons nous rendre dans une ville, d’une personne qui nous indique le chemin : à plus forte raison, quand il s’agit de faire le voyage du ciel, avons-nous besoin du secours d’en haut, afin d’être éclairés, fortifiés, guidés tant sont nombreux les chemins de traverse qui peuvent nous égarer. Attachons-nous donc fortement à la main de Dieu. « A cause de mes ennemis. » Beaucoup d’ennemis se sont levés pour égarer mes pas, me dévoyer, me jeter dans un autre chemin. Protégez-moi contre ces complots, ces attaques, en me servant de guide : car votre alliance m’est nécessaire. Mais s’il appartient à Dieu de nous guider, il nous appartient, à nous, de mériter le secours de cette main, par notre propre diligence. Si vous êtes impur, cette main ne vous soutient pas ; non plus que si vous êtes avare, ou souillé de quelque autre tache : « Rendez droite ma voie devant vos yeux. » C’est-à-dire, rendez-la-moi claire, manifeste : faites que je marche droit. Un autre interprète dit : « Aplanissez devant moi ma route », rendez-la unie, facile. « Parce que la vérité n’est pas dans leur bouche et que leur cœur est vain. » (Id. 10) Ces bouches qu’elle accuse, ces cœurs où il n’y a rien de bon me paraissent être ceux des hommes qui vivent dans l’erreur, ou qui sont adonnés au vice. « Leur gosier est un sépulcre ouvert. » Ici elle fait allusion soit à leurs instincts sanguinaires, soit à la mauvaise odeur des doctrines de mort. On ne se tromperait pas non plus en appliquant cette expression : « Sépulcre ouvert », à la bouche de ceux qui profèrent des paroles obscènes. En effet, c’est là une exhalaison bien pire que celles qui répugnent à notre odorat, parce qu’elle procède d’une âme corrompue : les hommes injustes et cupides ont aussi des bouches pareilles, eux dont la perversité ne produit rien que meurtres et rapines. Que votre bouche, à vous, ne soit donc pas un tombeau, mais un trésor : grande est, en effet, la différence de ces deux choses dont l’une détruit, l’autre garde le dépôt confié. Ayez, vous aussi, un trésor permanent de sagesse, au lieu d’un foyer d’infection. Mais elle ne se borne pas à dire « Sépulcre », elle dit : « Sépulcre ouvert », afin de rendre l’abomination plus sensible. Il faudrait cacher les paroles de ce genre : or ces hommes les étalent, de façon que leur infirmité en devient plus manifeste. Nous faisons le contraire pour les morts, nous les confions à la terre : ces hommes ne font pas ainsi pour leurs paroles : ils mettent au jour ce qu’ils devraient enfouir, étouffer au fond de leur cœur, sans craindre de choquer les yeux, ni d’exposer leurs misères à la vue de tous. Chassons-les loin de nous, je vous en conjure. Si nous ensevelissons les cadavres hors de l’enceinte des villes, à plus forte raison ceux qui profèrent des paroles de mort, ceux qui tiennent de pareils propos, et ne consentent pas même à les couvrir d’un voile, doivent-ils être relégués au loin : car c’est un fléau public que des bouches pareilles. « Ils se sont servis de leurs langues pour tromper. » Autre espèce de méchanceté. Il y a des gens qui cachent la ruse au fond de leur cœur, en ne prononçant que de douces paroles : d’autres sont assez habiles