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à éviter les mauvais conseillers, mais encore à rompre tout commerce avec eux, et à ne les point fréquenter. En effet si nous voyons souvent les choses corporelles dénaturées par l’effet d’un mauvais voisinage, à combien plus forte raison en doit-il être ainsi de la moralité ? Les couleurs et la santé sont naturelles à notre corps : néanmoins il arrive qu’elles nous sont ôtées par la prédominance d’une disposition contraire. – L’appétit est pareillement inné chez nous : néanmoins il nous arrive de le perdre souvent par la faute des maladies : et l’on pourrait multiplier les exemples de ce genre. Eh bien l si les choses physiques sont sujettes à ces ébranlements, à plus forte raison les choses morales qui sont bien plus promptes à changer dans un sens ou dans l’autre. N’allons donc pas croire que les mauvaises fréquentations n’offrent qu’un médiocre danger fuyons-les au contraire, par-dessus toutes choses, fût-ce la société de nos femmes ou celle de nos amis. C’est le péril auquel ont succombé ces grands hommes, Salomon et Samson : toute une nation, la nation juive, se perdit aussi de la sorte. Car les serpents sont moins dangereux que la perversité humaine. Le venin du serpent est visible : les hommes, au contraire, distillent goutte à goutte, sans bruit, mais chaque jour, leur poison, qui peu à peu détruit toute la vigueur de notre vertu. Aussi Dieu défend-il jusqu’aux regards déréglés : « Celui, dit-il, qui a jeté les yeux sur une femme pour la convoiter, a déjà commis l’adultère dans son cœur. » (Mt. 5,28) C’est pour indiquer combien la chute est facile et prompte. Mais vous-mêmes, avez-vous envie de vous établir dans une ville ? Vous vous inquiétez du climat, vous voulez savoir s’il n’est pas insalubre, variable, sec à l’excès mais quand il s’agit de votre âme, peu vous importent les sociétés dont elle va se trouver entourée, et vous la livrez, sans examen, à la merci du premier venu ? Et par quelle excuse, je vous le demande, justifier une pareille indifférence ? Quelle est, selon vous, la cause, qui porte si haut la gloire et le renom des solitaires ? N’est-ce point d’avoir fui les agitations de la place publique, de s’être sauvés loin de la fumée des affaires d’ici-bas ? Sachez les limiter, et chercher la solitude au milieu même de la cité. Mais comment la trouver ? En fuyant les méchants, en courant après les bons. C’est le moyen d’être mieux préservé que les solitaires eux-mêmes, parce que, tout en vous prémunissant contre ce qui pourrait vous nuire, vous aurez encore l’avantage des sociétés utiles. Fuir les méchants, rechercher les bons, ce sera pour vous double ressource afin de croître en vertu, et de mettre le vice en fuite. Conduisons-nous donc de manière à y parvenir, conformément à la parole du Psalmiste : « Parce que tu m’as logé, Seigneur, à l’écart près de l’espérance. » Je finirai ici mon discours, après vous avoir expliqué suffisamment, je pense, les difficultés, en Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui gloire et puissance, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.