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que nous avons dit, la fable est encore battue sur ce terrain. S’il est air, il ne peut être le père de personne, il n’a pu engendrer une essence telle que l’on représente le soleil, appelé aussi Apollon, et prétendu fils de Jupiter : en effet, le soleil est également dépourvu de raisonnement, de pensée, d’intelligence : il n’est lui-même qu’une créature physique, guidée dans son cours circulaire par la loi que Dieu lui a prescrite à l’origine. D’ailleurs la pluie ne tombe point de l’éther ; mais des nuages où vient s’amasser l’eau, soit de la mer, soit des réservoirs qui sont au-dessus du ciel, comme parlent les prophètes. Que si vous révoquez en doute l’autorité des prophètes, nous vous produirons des marques incontestables et manifestes qui les montrent clairement inspirés de Dieu, et ne parlant jamais par eux-mêmes, mais toujours sous la dictée de cette grâce divine et céleste. En effet, tout ce qu’ils ont prédit est accompli, tout a trouvé sa réalisation, soit que l’on feuillette l’histoire ancienne ou celle des temps nouveaux. Ce que les prophètes ont dit des Juifs a reçu son plein accomplissement, et tous ont pu en vérifier la réalisation : de même pour ce qui concerne le Christ dans le Nouveau Testament : par là on voit clairement la divinité de l’une et l’autre Écriture. Mais si l’Écriture est divine, ce qu’elle dit de Dieu ne peut manquer d’être complètement vrai. N’allez donc point douter de la Providence divine, et admirez en ceci encore sa sollicitude, que les méchants mêlés aux bons ici-bas ne l’aient pas empêché d’accorder à tous la jouissance de la terre et du soleil, ainsi que le bienfait des pluies. Que s’il laisse quelques hommes dans la misère et la pauvreté, c’est afin d’améliorer leur âme et de leur inspirer des pensées plus sages. En effet vous savez, vous n’ignorez pas que la richesse n’est qu’un instrument de corruption pour ceux qui n’y prennent pas garde ; tandis que la pauvreté est mère de la philosophie : et c’est ce que les faits établissent chaque jour. Combien de pauvres plus sages, plus intelligents : que les riches, et aussi plus sains de corps, grâce à leur pauvreté même qui amende tout à la fois leur chair et leur âme ? « Pour moi, je dormirai là-dessus et je reposerai d’un profond sommeil. Parce que vous m’avez logé, Seigneur, à l’écart, près de l’espérance. » Encore une autre manifestation, très-notable, de la Providence : la paix accordée à ceux qui sont voués à Dieu, « Car ceux qui chérissent votre loi sont en paix, et il n’y a pas de scandale pour eux. » (Ps. 118,165) En effet, rien ne donne plus habituellement la paix que la connaissance de Dieu, que la possession de la vertu, qui exile de notre cœur les passions avec les troubles qu’elles y fomentent, et ne permet pas à l’homme d’être en guerre avec lui-même : à ce point qu’à défaut de cette paix, quand bien même on trouverait au-dehors une paix profonde, quand on ne serait en butte à aucun ennemi, on est plus malheureux que ceux contre qui l’univers est conjuré.
12. En effet, ni les Scythes, ni les Thraces, ni les Sarmates, ni les Indiens, ni les Maures, ni aucune nation sauvage, ne font une guerre aussi acharnée que les mauvaises pensées qui font leur séjour dans l’âme, que les passions déréglées, l’amour des richesses, la soif du pouvoir, l’attachement aux choses mondaines ; et cela se conçoit, car c’est du dehors que ces premiers ennemis nous attaquent, c’est au-dedans que les seconds nous font la guerre. Or, que les maux intérieurs sont plus désastreux et plus pernicieux que ceux qui viennent du dehors, c’est une observation que l’on peut faire constamment. Rien n’est plus funeste aux arbres que les vers engendrés dans leur substance, rien n’est plus fatal à la santé, à la force du corps, que les infirmités qui s’y développent intérieurement ; les villes ont moins à souffrir de la guerre étrangère, que de leurs dissensions intestines ; de même l’âme n’a pas tant à redouter les pièges qui lui sont tendus dans le monde que les maladies dont elle a fourni le germe elle-même. Mais quand un homme vivant dans la crainte de Dieu, s’attache avec constance à faire cesser cette guerre, à assoupir ses passions, à étouffer l’hydre des mauvaises pensées, à ne lui laisser aucune retraite, alors il est assuré de goûter une paix parfaite et profonde. Telle est la paix que nous devons à la venue du Christ ; telle est la paix que Paul souhaitait aux fidèles, disant dans chaque épître : « Grâce à vous, et paix par Dieu notre père. » En effet, celui qui en jouit non seulement n’a pas à craindre le barbare et l’ennemi, il n’a pas même lieu de redouter le diable, il se rit de toute la phalange des démons, il est le plus heureux des hommes, la pauvreté ne le gêne point ; ni la maladie, ni, les infirmités ne l’incommodent ; aucun des accidents imprévus qui assaillent l’humanité ne le trouble, parce que son âme, en qui réside le pouvoir d’accommoder tout cela pour le mieux, reste forte et en bonne santé. Vous allez vous convaincre que c’est la vérité ; prenez, par exemple, un envieux, en admettant que personne ne l’attaque, à quoi cela lui sert-il ? Il est lui-même son propre ennemi, son âme aiguise contre elle-même des traits plus perçants qu’une épée ; il se heurte à tout ce qu’il voit, chaque homme qu’il vient à rencontrer le blesse, ses regards ne s’arrêtent avec plaisir sur personne, il ne voit partout que des ennemis conjurés. Que lui revient-il donc de cette paix où le monde le laisse, quand lui-même, furieux, enragé, ennemi de toute la nature, porte en tous lieux cette guerre intestine, et souhaiterait d’être en butte à mille flèches, à mille traits, disons plus, à mille morts, plutôt que de voir un de ses semblables au sein des honneurs ou de la prospérité ? Tel autre que possède la passion des richesses, ouvre la porte de son âme à mille guerres, mille combats, mille séditions, et, dans son trouble, dans ses alarmes, il ne peut respirer un instant. Tout autre est celui qui a su s’affranchir des passions : il vit dans un port paisible, parmi les douceurs de la philosophie, à l’abri de toute incommodité pareille. Voilà pourquoi le Prophète, favorisé de ce bienfait de la Providence, disait : « Pour moi, je dormirai là-dessus, et je reposerai d’un profond sommeil », faisant voir par là que celui à qui cette paix est refusée n’a plus même l’accès de ce port du sommeil et de la nuit qui est ouvert à tous les hommes, et que l’entrée lui en est fermée. En effet, ces passions ruinent jusqu’au repos procuré par la nature, en opposant à la tyrannie du sommeil, une autre tyrannie plus forte qui en triomphe. Car les hommes envieux, jaloux, cupides, injustes, portant en tous lieux cette guerre et ses ennemis dans leur sein, ne peuvent se dérober au combat, dans quelque asile qu’ils se réfugient : même chez eux, même au lit, des nuées de traits, des agitations plus violentes que les flots, des combats sanglants, des cris, des gémissements, mille autres alarmes pires que celles que peut causer la présence des ennemis, ne cessent de les troubler. Il n’en est pas ainsi de notre juste. Content durant la veille, la nuit lui apporte un sommeil délicieux. Mais qu’est-ce à dire, « là-dessus ? » Cela signifie