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encore l’autorité de l’Apôtre, qui disait aux Athéniens que nous ne devons pas croire que la divinité soit semblable à l’or ou à l’argent, ou à la pierre dont l’art et l’industrie des hommes a fait des figures. (Act. 17,29) Et observez ici avec quelles précautions ce sage docteur sape dans leur base les raisonnements de l’hérétique ; car il dit que non seulement la divinité ne peut avoir une forme corporelle, mais il ajoute même que l’imagination de l’homme ne saurait la représenter.
Citez-leur donc ces paroles, et employez tous vos soins pour les détromper et les faire revenir de leurs erreurs. Au reste, si vous devez toujours les instruire avec bonté, vous devez également connaître à fond les dogmes de l’Église, ainsi que le sens des Écritures. Quand vous disputerez contre des juifs, dites-leur que ces paroles de la Genèse ne s’adressent point aux anges, qui sont les serviteurs de Dieu, mais à son Fils unique ; et quand vous combattrez contre des ariens, prouvez-leur par ces mêmes paroles que le Fils est égal au Père en nature et en dignité ; enfin, citez l’autorité de saint Paul contre ceux qui soutiennent que Dieu a une forme humaine. C’est ainsi que, par la gaine exposition de votre croyance, vous arracherez ces pernicieuses erreurs qui pullulent au milieu de nous, comme l’ivraie parmi le bon grain ; et que, par votre zèle, la bonne doctrine s’enracinera dans les âmes et s’y fortifiera. Oui, je veux que vous soyez tous des docteurs, et qu’après avoir écouté nos instructions, vous puissiez, vous aussi, instruire les autres, et que, devenant des pêcheurs d’hommes, vous rameniez, les hérétiques dans les voies de la vérité. L’Apôtre nous y exhorte lorsqu’il nous dit : Édifiez-vous les uns les autres ! et opérez votre salut avec crainte et tremblement. (1 Thes. 5,11 ; Phil. 2,12) Par là l’Église verra s’augmenter le nombre de ses enfants, et vous-mêmes vous obtiendrez des grâces plus abondantes, comme récompense de votre zèle à l’égard de vos frères.
5. Et en effet, le Seigneur ne veut point qu’un chrétien se contente de travailler à son salut, mais il lui ordonne d’édifier son prochain par une saine doctrine, et surtout par sa vie et sa conduite. C’est là le moyen le plus puissant pour ramener les pécheurs dans les voies de la vérité ; car ils considèrent bien plus nos actions que nos paroles. Ce n’est que trop vrai. Aussi, serait-ce en vain que nous disserterions éloquemment sur le pardon des injures si, dans l’occasion, nous n’en donnions l’exemple. Nos discours n’auraient jamais alors autant d’efficacité pour le bien que notre conduite pour le mal. Mais si l’exemple précède et accompagne nos paroles, on nous croira, parce que nous pratiquerons nous-mêmes les leçons que nous donnerons aux autres. C’est de ces chrétiens que Jésus-Christ a dit : Heureux celui qui fera et qui enseignera ! (Mt. 5,19) Et observez comme il met l’action avant la doctrine. Et en effet, quand même la parole ne suivrait point l’exemple, celui-ci suffirait pour instruire tous ceux qui le voient.
Appliquons-nous donc à édifier nos frères par nos bonnes œuvres, et puis nous leur adresserons de bons discours ; autrement on pourrait nous appliquer cette parole de l’Apôtre : Vous qui instruisez les autres, vous ne vous instruisez pas vous-mêmes. (Rom. 2,21) Lorsque nous voudrons donner à quelqu’un des avis utiles à son salut, commençons à les mettre d’abord en pratique. Nous pourrons alors parler et instruire avec plus d’assurance. C’est ainsi que nous travaillerons avec zèle et avec succès au salut des âmes et que, réprimant les mouvements de la chair, nous observerons le vrai jeûne, celui qui consiste à s’abstenir du péché ; car l’abstinence des viandes n’a été établie que pour dompter la chair et en faire un coursier soumis et docile. Le chrétien qui jeûne doit, avant tout, réprimer les saillies de la colère, et acquérir la patience et la douceur ; il doit ensuite` s’exciter à la contrition du cœur et arrêter les mouvements de la concupiscence, et puis ne jamais perdre de vue cet œil du Seigneur qui veille sans cesse, ni ce tribunal où siège un Juge incorruptible. Il doit enfin se montrer supérieur à l’amour des richesses, généreux envers les pauvres et attentif à écarter toute pensée qui blesserait la charité envers le prochain. Tel est le véritable jeûne que Dieu lui-même nous prescrit par la bouche du prophète Isaïe : Est-ce là le jeûne choisi par moi ? nous dit-il, que l’homme courbe sa tête comme un roseau, et qu’il dorme dans un cilice et sur la cendre, est-ce là un jeûne agréable au Seigneur ? Non sans doute ; mais déchirez les contrats injustes, partagez votre pain avec celui qui a faim, et recevez sous votre toit le pauvre qui est sans abri. Si vous faites ces choses, votre lumière brillera comme l’aurore, et je vous rendrai la santé. (Is. 58,5-8)