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de maturité auquel nous étions parvenus. Ainsi, tant que les enfants sont petits encore, leurs pères leur donnent des chaussures, des vêtements, des ornements d’or, des bracelets mais, une fois qu’ils sont devenus grands, au lieu de tout cela, ils reçoivent de leurs parents d’autres présents plus beaux : le talent de l’éloquence, un rang élevé dans l’État, le crédit à la cour du souverain, les charges, les magistratures, et sont dégoûtés par là des frivoles amusements de l’enfance. – Ainsi fit Dieu lui-même : il nous arracha aux futiles divertissements de l’enfance, pour nous promettre les trésors célestes. Ne te laisse donc pas éblouir par des biens périssables et fugitifs, ne t’occupe point de ces bagatelles. – Ce n’est pas, d’ailleurs, que Dieu te les ait absolument refusés. Enveloppés de chair, attachés à un corps, nous ne pouvions rester entièrement privés de ces choses : aussi Dieu nous en a-t-il pourvus largement. Voilà pourquoi le Prophète, après avoir touché à la Providence, en ce qu’elle a de plus élevé, et avoir dit : « Vous avez mis la joie dans mon cœur », voilà pourquoi le Prophète ajoute : « L’abondance de leur froment, de leur vin, de leur huile, les a accrus et enrichis. » Par ces mots il fait allusion à un côté de cette même Providence, qui n’est pas à négliger, celui qui se manifeste jusque dans les choses visibles. – En effet, parler de froment, de vin, d’huile, de l’abondance de ces productions, c’est faire penser aux pluies, au savant arrangement des saisons, à la terre, à son travail intérieur, à sa fécondité, à l’atmosphère, au cours du soleil, aux révolutions de la lune, à la marche régulière des astres, à l’été, à l’hiver, à l’automne, au printemps, au labourage, aux instruments de culture, à une foule d’industries. Car si tout cela n’était point réuni, il ne serait pas possible aux fruits de parvenir à maturité. Ainsi, en nommant le blé, le vin, l’huile, le Prophète donne au sage une occasion de s’élever de la partie au tout, et lui ouvre un vaste champ pour étudier la providence de Dieu révélée dans les choses sensibles.
11. Voilà pourquoi Paul aussi, faisant un discours public et traitant de la Providence, partait de là pour dire : « Dispersant les pluies et les saisons fécondes, en nous donnant la nourriture en abondance, et en remplissant nos cœurs de joie. » (Act. 14,16) Le Prophète, dans sa concision, omet tout le reste : fruits, baies, espèces de plantes, de graines ; d’herbes, prairies, fleurs, jardins, que sais-je encore ? Il abrège, en nommant seulement les choses nécessaires à notre subsistance, et nous laissant les autres à deviner. Tous ces biens, ce n’est pas assez de dire que Dieu nous les donne : il nous les prodigue, et cela chaque année. Que si parfois il en devient ménager, en cela même il fait voir encore sa Providence ; il réveille la nonchalance des hommes, il les excite à solliciter ces biens de sa bonté. Viendra-t-on nous dire que ce n’est pas Dieu qui donne la pluie, mais les idoles ? Nous demanderons alors, qu’est-ce qui le prouve ? C’est que les poètes prétendent, dira-t-on, que c’est Jupiter qui fait la pluie. J’objecte que ces mêmes poètes ont dit aussi que ce Jupiter est un adultère, qu’il a débauché des enfants, meurtri son père, et commis d’autres crimes non moins énormes. Mais tout cela est faux, dira-t-on : eh bien ! il est faux également que la pluie vienne de Jupiter : car si vous admettez ceci, il faut admettre tout le reste : si vous rejetez le reste, rejetez pareillement ceci. En ce qui nous concerne, lorsque nous produisons des témoins de la puissance de Dieu, nous tenons pour vrai tout ce qu’ils disent de Dieu. Vous voilà donc forcés d’admettre les adultères de Jupiter, et toutes les autres actions qu’on lui attribue, et de vous convaincre par là que la nature divine ne comporte pas de pareilles imputations, qu’un être semblable ne saurait être dieu. Et dussiez-vous ne point l’admettre, la fable se dément de soi, le mensonge est confondu par lui-même, et toute autorité est enlevée aux poètes. Mais il est clair que cette autorité détruite, tout s’échappe de vos mains puisque ce sont les poètes qui ont inventé les noms donnés par eux aux fausses divinités, ainsi qu’un de vos philosophes en fait l’aveu. Mais peut-être sacrifierez-vous vos dieux pour recourir aux allégories : je vous demanderai alors : qu’est-ce que Jupiter ? Vous me répondrez :.la substance ignée, la région supérieure à l’air, ce qu’on appelle éther, d’un mot qui signifie bouillonnement, combustion. Ce n’est donc point une essence raisonnable, intelligente, mais un être dépourvu de pensée. En effet, personne ne contestera sans doute que tout ce qui participe de la nature de l’air, ne possède ni la raison ni le raisonnement : le plus stupide des hommes sait ce qu’il en est. Voilà donc Jupiter et son essence réduits à néant. En effet, s’il est air, et que l’air soit ce