Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/548

Cette page n’a pas encore été corrigée

Il ne dit pas : « Est visible », il ne dit pas « Éclate », il dit : « Est empreinte », faisant voir que, de même qu’une marque empreinte sur le front est visible à tous et ne saurait échapper à personne, de même qu’il est impossible de ne pas reconnaître un visage rayonnant et inondé de lumière, de même il est impossible de ne pas voir la providence de Dieu. En effet, autant est manifeste une lumière empreinte, c’est-à-dire, gravée, inscrite sur un visage : autant est sensible cette bienfaisante Providence. Car ce due David entend ici par lumière, c’est l’assistance, la sollicitude, le secours, la Providence. Après avoir avancé cette proposition, voici qu’il en donne la preuve. Quelle est cette preuve ? « Vous avez mis la joie dans mon cœur. » Après avoir condamné l’irréflexion du vulgaire, il parle maintenant le langage des hommes sages et sensés pour démontrer la Providence divine « Vous avez mis la joie dans mon cœur », dit-il : c’est-à-dire, vous m’avez enseigné la sagesse, le dédain des choses mondaines, la connaissance des biens véritables et permanents : vous avez relevé mon âme par de bonnes espérances, vous m’avez guidé vers la vie future ; afin de me faire jouir des biens, vous m’avez encouragé par l’attente des biens. On ne peut mieux dire.
10. En effet, si l’homme qui doit entrer en possession d’un héritage, ou parvenir à une charge élevée, se sent heureux avant d’être appelé à en jouir et d’en avoir fait l’expérience, grâce au seul plaisir que ne cessent de lui causer l’attente et l’espoir : songez à ce que doit éprouver celui qui vit dans l’attente d’un immortel royaume, dans l’espérance de biens que l’œil n’a jamais vus, que n’a jamais ouïs l’oreille, que le cœur de l’homme n’a jamais connus. Voilà pourquoi il dit : « Tu as mis la joie dans mon cœur. » Car c’est la meilleure marque de providence, que d’avoir ainsi tout disposé dès l’origine. Que si les hommes grossiers, charnels et attachés à la terre, n’y font pas attention, la cause du désordre n’est point imputable à l’auteur de la promesse, mais à la folie de ceux qui l’ont reçue. Et le Prophète ne se borne point à dire : « Tu m’as donné la a joie », il dit : « Tu as mis la joie dans mon a cœur. » Montrant que le bonheur ne consiste pas dans les choses du dehors, dans le nombre des esclaves, dans l’or, dans l’argent, dans les étoffes précieuses, dans une table somptueusement servie ; dans la puissance, dans le luxe. Ce bonheur-là est pour les yeux, non pour le cœur. Beaucoup d’hommes qui possèdent toutes ces choses regardent la vie comme intolérable, et portent dans leur âme une fournaise de douleur ; mille soucis les consument ; mille alarmes les assiègent. Quant à moi, dit le Prophète, ce n’est point là-dedans que je mets mon bonheur, mais dans mon cœur, dans ma pensée, choses invisibles, incorporelles et qui ne me représentent que des choses incorporelles. – Par conséquent, si le contentement que te procurent les choses présentes, te fournit une preuve de la Providence divine : à plus forte raison les biens futurs doivent t’en instruire, puisqu’ils sont supérieurs à ceux-là, plus solides, et inaliénables. Car si, parce que l’on jouit de la richesse et de la prospérité, on est convaincu de la Providence divine : à plus forte raison les richesses du ciel doivent-elles produire en nous la même persuasion.
Mais, direz-vous : Pourquoi donc ces richesses-là ne sont-elles que des richesses en espérance, qui ne tombent point sous la vue ? Je réponds que pour nous, fidèles, ces biens en espérance ont une réalité plus manifeste que ceux d’ici-bas : telle est la certitude que donne la foi. Peut-être nous proposera-t-on cette autre difficulté : Pourquoi n’est-ce point ici-bas que nous recevons notre salaire ? A cela je répondrai qu’il y a un temps pour les combats et les luttes, un autre pour les couronnes et la distribution des récompenses. Et ceci même est un trait de la sollicitude de Dieu qu’il ait confiné les peines et les fatigues dans les bornes étroites de cette vie périssable, et qu’au contraire il ait égalé la durée des couronnes et des récompenses à celle d’une éternité sur laquelle la vieillesse n’a pas de prises. De plus, comme les faibles étaient en grand nombre, il leur a donné en outre les biens sensibles d’ici-bas. C’est ainsi du moins qu’il gouverna le peuple juif. La richesse affluait chez eux, leur vie se prolongeait jusqu’à la vieillesse, la maladie les épargnait : extermination de leurs ennemis, paix profonde, trophées, victoires ; belle et nombreuse postérité, tout conspirait à leur bonheur. Mais quand eut paru Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour nous appeler au ciel, nous inspirer le mépris des choses d’ici-bas et l’amour des biens célestes, pour nous arracher aux choses mondaines : la valeur de celle-ci a diminué, comme de juste : et les autres sont devenus la seule richesse vu l’état