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si vous êtes juste, vous serez exaucé, grâce à l’avocat qui défendra votre cause : « Lorsque j’étais dans la tribulation, vous m’avez mis au large. » Il ne dit pas : « Vous avez écarté les tribulations », ni « Vous avez fait disparaître les tentations », mais, vous m’avez laissé debout, et « vous m’avez mis au large. » – En effet, l’adresse et l’industrie de Dieu éclatent particulièrement en cela, non seulement qu’il éloigne les tribulations, mais encore qu’il les rende très faciles à supporter, lors même qu’elles persistent. – C’est une chose propre à montrer la puissance de Dieu, et à rendre plus forts ceux qui sont éprouvés, que cette consolation de se sentir au large accordée à l’âme en détresse, sans que la détresse pour cela cesse d’étreindre l’âme et de la guérir ainsi du relâchement et de la négligence. Et comment, dira-t-on, au sein de la détresse peut-on être mis au large ? Voyez la fournaise des trois jeunes gens, voyez la fosse aux lions. Dieu n’éteignit pas la flamme afin de mettre les jeunes gens au large ; il ne tua pas les lions pour rendre à Daniel la sécurité. Jusqu’au milieu de la fournaise et au plus fort de l’embrasement, jusqu’en présence des bêtes féroces, les justes se sentaient parfaitement à l’aise. Cette expression : mettre au large, convient encore dans une autre occurrence : c’est lorsque l’âme, grâce aux tentations qui l’assiègent, est guérie de ses passions et des maux nombreux auxquels elle est exposée : jamais elle n’est plus à l’aise que dans ce dernier cas. En effet, beaucoup d’hommes, au sein d’une prospérité durable, éprouvent des appétits coupables, funestes à leur âme, pour l’argent, la chair, ou autres indignes objets : mais dès qu’ils viennent à tomber dans l’affliction, les voilà délivrés de cette oppression, ils sont au large. Ainsi, les malades consumés de la fièvre, tant qu’ils s’abandonnent aux voluptés qui leur sont interdites, j’entends celles de la table, de la boisson et autres pareilles, se trouvent de plus en plus gênés : tandis que s’ils se résignent à se faire quelque violence, ils retrouvent leurs aises, et, débarrassés de ce qui les étouffait, jouissent désormais d’une santé parfaite : rien ne nous repose comme une affliction qui nous retire des soucis du monde. Considérez plutôt les Juifs : voyez ce qu’ils furent dans les tribulations, ce qu’ils furent dans la prospérité ? N’est-ce pas le fait d’une âme en proie à la fièvre, au délire, à l’agitation que de dire : « Fais-nous des dieux qui marchent devant nous ; car pour ce qui est de Moïse, cet homme qui nous a tirés de l’Égypte, nous ne savons ce qui lui est arrivé. » (Ex. 32,1) Et au contraire, ne reconnaît-on pas des âmes éprises de la sagesse et reposées des passions mondaines, dans cette fervente prière par laquelle, au sein de leur affliction, ils attirèrent sur eux la faveur divine ? Et le Prophète lui-même, alors qu’il vivait en paix, quelle oppression ne lui firent pas subir les cruelles étreintes de la passion ? Au contraire, une fois dans l’affliction, vous savez comment il y trouva le soulagement. Le feu ne le brûlait plus, toute sa flamme était dès lors éteinte. Car rien ne cause tribulation pareille à celle que font éprouver à l’âme les assauts des passions : les unes l’attaquent par le dehors, les autres se soulèvent au dedans, ce qui ; est le comble de la tribulation. Et quand le monde nous persécuterait, si nous ne nous persécutons pas nous-mêmes, il n’y aura point de malheurs pour nous. Donc, il dépend de nous d’être dans l’affliction ou de n’y pas être.
4. C’est maintenant la voix d’un apôtre qui va vous révéler à quel point l’affliction nous met à l’aise ; écoutez saint Paul nous déclarer lui-même quel est le fruit des tribulations « La tribulation produit la patience ; la patience, l’épreuve ; et l’épreuve, l’espérance ; or l’espérance ne confond point. » (Rom. 5, 3, 5) Voyez-vous quel espace ouvert, voyez-vous quel port de contentement ? « La tribulation, dit-il, produit la patience. » En effet, quoi de plus tranquille qu’un homme courageux, qui sait tout supporter sans peine ? quoi de plus fort qu’un homme éprouvé ? et quoi de comparable au plaisir qui résulte de là ? Ce sont trois plaisirs qu’il nous promet à la suite des tribulations, la patience, l’épreuve, et l’espérance des biens à venir. C’est à quoi songeait le Prophète en disant : « Dans la détresse vous m’avez mis au large. » Il vient de dire : Dieu m’a exaucé : il dit maintenant de quelle façon. Ce n’est pas en l’enrichissant : David ne désirait rien de pareil ; ni en lui soumettant ses ennemis ; ce n’est pas là non plus ce que demandait David : c’est en le soulageant au milieu de sa détresse. « Ayez pitié de moi, et exaucez ma prière. » Qu’est-ce à dire ? Tu parles plus haut de ta justice, ici, de compassion et de miséricorde : comment ces