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des familles sans enfants : ou plutôt, en ceci encore, c’est le riche qui a le dessous. Car le pauvre, s’il ne lui est point donné d’être père, n’en ressent point une grande douleur : le riche, au contraire, plus il voit s’augmenter sa fortune, plus il est chagrin de n’avoir pas d’enfants ; il ne sent plus aucune joie, faute d’un héritier. De plus, l’héritage du pauvre mort sans enfants, est trop peu de chose pour devenir matière à procès : il passe à ses amis, à ses proches. Au contraire, celui du riche, attirant de tous côtés les yeux, tombe fréquemment aux mains des ennemis du défunt : et cet autre riche vivant, qui voit ce qui se passe au sujet du bien d’autrui, mènera désormais une vie pire que la mort, dans l’attente du même sort pour sa propre fortune. – Mais sont-ce les chances de mort qui ne sont point communes ? n’arrive-t-il point aux riches aussi bien qu’aux pauvres de décéder avant le temps ? Et après la mort, le corps des uns et celui des autres n’est-il pas en proie à la même dissolution, ne devient-il pas également cendre et poussière, n’engendre-t-il pas des vers ? Mais les funérailles diffèrent, objectera quelqu’un. Et qu’importe cela ? quand vous aurez entassé sur le riche des étoffes précieuses et brochées d’or, le seul résultat sera de lui procurer plus de haine, et de plus graves accusations, de donner carrière à toutes les langues contre sa mémoire, d’attirer sur lui des milliers de malédictions, d’aviver les reproches dirigés contre son avarice, de faire que chacun se brise la poitrine et s’éteigne la voix à maudire ce mort, que le trépas même n’a pu corriger de sa folle passion pour les richesses. Et ce n’est pas là tout ce qu’il faut craindre, c’est encore d’exciter la convoitise des voleurs qui dépouillent les tombeaux : de sorte que tant d’hommages n’aboutissent pour le riche qu’à un plus grand affront. Qui s’aviserait en effet de dépouiller le cadavre d’un pauvre ? Le peu de valeur de ses vêtements protège l’enceinte qui enferme son corps. Ici ce ne sont que clefs, verrous, portes et sentinelles, et tout cela en pure perte, car la cupidité pousse à tous les excès d’audace les hommes coutumiers de pareils forfaits. Plus d’hommages ne servent donc qu’à rapporter au mort plus d’insultes : et tandis que celui qui a été enseveli à peu de frais, conserve ses honneurs dans la tombe, celui qui a reçu une sépulture magnifique, est dépouillé et outragé. Et quand bien même rien de cela n’arriverait, il n’y gagnerait rien que d’offrir aux vers une plus riche pâture, et un champ plus vaste à la corruption. Y a-t-il donc là, dites-moi, de quoi s’émerveiller ? Et quel est le mortel assez malheureux, assez misérable, pour voir dans ces vanités ce qui rend l’homme digne d’envie ? Poursuivons : abordons tout le reste en détail, scrutons chaque chose avec exactitude, nous trouverons les pauvres bien mieux partagés que, les riches. Ainsi donc, examinons attentivement toutes ces choses, et faisons-les voir à tous les autres ; car il est écrit : Donne au sage une occasion, et il sera plus sage (Prov. 9,9) : et constamment pénétrés de cette vérité que l’abondance des richesses ne rapporte à ceux qui les possèdent qu’un plus grand nombre de soucis, d’angoisses, de craintes, de périls, croyons que les riches n’ont aucun avantage sur nous. Que dis-je ? si nous sommes sages, l’avantage sera en notre faveur, et dans les choses selon Dieu, et dans toutes celles d’ici-bas. En effet, joie, sécurité, bonne réputation, santé du corps, sagesse de l’âme, bonne espérance, répugnance à pécher, tout cela est plus facile à trouver chez les pauvres que chez les riches. Gardons-nous donc de murmurer, et d’accuser notre Maître, comme des serviteurs ingrats, mais témoignons-lui constamment notre reconnaissance, et soyons persuadés qu’il n’y a qu’un mal à craindre, le péché, et qu’un bien, la justice. Si nous sommes dans ces dispositions, ni la maladie, ni l’obscurité, ni l’indigence, ni aucune des choses qui passent pour incommodités ne nous causera de chagrin : et après avoir goûté un bonheur pur et sans mélange, nous obtiendrons les biens futurs par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui gloire au Père et au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


des familles sans enfants : ou plutôt, en ceci encore, c’est le riche qui a le dessous. Car le pauvre, s’il ne lui est point donné d’être père, n’en ressent point une grande douleur : le riche, au contraire, plus il voit s’augmenter sa fortune, plus il est chagrin de n’avoir pas d’enfants ; il ne sent plus aucune joie, faute d’un héritier. De plus, l’héritage du pauvre mort sans enfants, est trop peu de chose pour devenir matière à procès : il passe à ses amis, à ses proches. Au contraire, celui du riche, attirant de tous côtés les yeux, tombe fréquemment aux mains des ennemis du défunt : et cet autre riche vivant, qui voit ce qui se passe au sujet du bien d’autrui, mènera désormais une vie pire que la mort, dans l’attente du même sort pour sa propre fortune. – Mais sont-ce les chances de mort qui ne sont point communes ? n’arrive-t-il point aux riches aussi bien qu’aux pauvres de décéder avant le temps ? Et après la mort, le corps des uns et celui des autres n’est-il pas en proie à la même dissolution, ne devient-il pas également cendre et poussière, n’engendre-t-il pas des vers ? Mais les funérailles diffèrent, objectera quelqu’un. Et qu’importe cela ? quand vous aurez entassé sur le riche des étoffes précieuses et brochées d’or, le seul résultat sera de lui procurer plus de haine, et de plus graves accusations, de donner carrière à toutes les langues contre sa mémoire, d’attirer sur lui des milliers de malédictions, d’aviver les reproches dirigés contre son avarice, de faire que chacun se brise la poitrine et s’éteigne la voix à maudire ce mort, que le trépas même n’a pu corriger de sa folle passion pour les richesses. Et ce n’est pas là tout ce qu’il faut craindre, c’est encore d’exciter la convoitise des voleurs qui dépouillent les tombeaux : de sorte que tant d’hommages n’aboutissent pour le riche qu’à un plus grand affront. Qui s’aviserait en effet de dépouiller le cadavre d’un pauvre ? Le peu de valeur de ses vêtements protège l’enceinte qui enferme son corps. Ici ce ne sont que clefs, verroux, portes et sentinelles, et tout cela en pure perte, car la cupidité pousse à tous les excès d’audace les hommes coutumiers de pareils forfaits. Plus d’hommages ne servent donc qu’à rapporter au mort plus d’insultes : et tandis que celui qui a été enseveli à peu de frais, conserve ses honneurs dans la tombe, celui qui a reçu une sépulture magnifique, est dépouillé et outragé. Et quand bien même rien de cela n’arriverait, il n’y gagnerait rien que d’offrir aux vers une plus riche pâture, et un champ plus vaste à la corruption. Y a-t-il donc là, dites-moi, de quoi s’émerveiller ? Et quel est le mortel assez malheureux, assez misérable, pour voir dans ces vanités ce qui rend l’homme digne d’envie ? Poursuivons : abordons tout le reste en détail, scrutons chaque chose avec exactitude, nous trouverons les pauvres bien mieux partagés que, les riches. Ainsi donc, examinons attentivement toutes ces choses, et faisons-les voir à tous les autres ; car il est écrit : Donne au sage une occasion, et il sera plus sage (Prov. 9,9) : et constamment pénétrés de cette vérité que l’abondance des richesses ne rapporte à ceux qui les possèdent qu’un plus grand nombre de soucis, d’angoisses, de craintes, de périls, croyons que les riches n’ont aucun avantage sur nous. Que dis-je ? si nous sommes sages, l’avantage sera en notre faveur, et dans les choses selon Dieu, et dans toutes celles d’ici-bas. En effet, joie, sécurité, bonne réputation, santé du corps, sagesse de l’âme, bonne espérance, répugnance à pécher, tout cela est plus facile à trouver chez les pauvres que chez les riches. Gardons-nous donc de murmurer, et d’accuser notre Maître, comme des serviteurs ingrats, mais témoignons-lui constamment notre reconnaissance, et soyons persuadés qu’il n’y a qu’un mal à craindre, le péché, et qu’un bien, la justice. Si nous sommes dans ces dispositions, ni la maladie, ni l’obscurité, ni l’indigence, ni aucune des choses qui passent pour incommodités ne nous causera de chagrin : et après avoir goûté un bonheur pur et sans mélange, nous obtiendrons les biens futurs par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui gloire au Père et au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.