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l’enceinte, criait, menaçait, s’efforçait, faisait rage, eux, debout devant la porte, après s’être signés et avoir fait une courte prière mentale, rentraient, désarmaient, fléchissaient le juge, et changeaient sa colère en clémence ; et ni le lieu, ni le temps, ni le silence n’avaient été des empêchements à leur prière.
6. Agis de la sorte ; gémis amèrement, rappelle-toi tes péchés, lève les yeux au ciel, dis en toi-même : Dieu, ayez pitié de moi, et voilà ta prière faite. Car celui qui a dit : Pitié, a fait une confession, a reconnu ses propres péchés ; en effet, la pitié est faite pour les pécheurs. Celui qui a dit : pitié pour moi a reçu le pardon de ses fautes ; car celui qui a obtenu pitié n’est point puni. Celui qui a dit : Pitié pour moi, a gagné le royaume des cieux ; car Dieu ne se borne point à exempter du châtiment celui dont il a pitié, il lui accorde en même temps les biens de la vie future.
Gardons-nous donc de prétexter que la maison de prière n’est point dans notre voisinage, car la grâce de l’Esprit a fait de nous-mêmes, tant que nous restons sages, des temples de Dieu ; de sorte que, de toutes parts, une grande facilité s’offre à nous. En effet, le culte n’est pas chez nous ce qu’il était précédemment chez les Juifs, abondant en cérémonies visibles, exigeant beaucoup de préparatifs. En ce temps-là, pour prier, il fallait monter au temple, acheter une tourterelle, avoir du bois et du feu sous la main, prendre un couteau, se présenter à l’autel, accomplir beaucoup d’autres prescriptions ; ici ; rien de pareil ; en quelque endroit que vous vous trouviez, vous portez avec vous autel, couteau, victime, étant à la fois vous-même et le prêtre, et la victime, et l’autel. En quelque lieu que vous soyez, vous pouvez donc dresser l’autel, pourvu que vous apportiez à cela une âme bien disposée ; pour cela, ni le lieu n’est un obstacle, ni le temps n’est une difficulté ; quand, bien même vous ne fléchiriez point les genoux, vous ne vous frapperiez pas la poitrine, vous n’élèveriez point les mains vers le ciel, il suffit que vous ayez montré un cœur fervent ; votre prière est parfaite. Rien n’empêche une femme, en tenant sa quenouille, ou en ourdissant sa toile, d’élever sa pensée vers le ciel, et d’invoquer Dieu avec ferveur ; rien n’empêche un homme qui vient sur la place ou voyage seul, de prier attentivement ; tel autre, assis dans sa boutique, tout en cousant ses peaux, est libre d’offrir son âme au Maître ; l’esclave, au marché, dans ses allées et venues, à la cuisine, s’il ne peut aller à l’église, est libre de faire une prière attentive et ardente. L’endroit ne fait pas honte à Dieu, la seule chose qu’il demande, c’est un cœur fervent et une âme vertueuse. Et, pour que vous voyiez bien que la posture, les lieux, les temps sont choses tout à fait accessoires, et que tout l’essentiel est une disposition généreuse et active de l’âme ; Paul, couché sur le dos dans sa prison (il ne pouvait se tenir debout, car les entraves qui emprisonnaient ses pieds ne le lui permettaient pas), Paul, dis-je, après avoir prié dans cette posture avec ferveur, ébranla sa prison, en agita les fondements, et enchaîna si bien son – geôlier, qu’il l’initia ensuite aux sacrés mystères. De même Ézéchias, non point debout, ni les genoux ployés, mais renversé sur le lit où le retenait la maladie, et tourné vers la muraille, en invoquant Dieu avec ferveur et de saines dispositions, obtint la révocation de l’arrêt porté contre lui, gagna la faveur céleste, et revint à la santé. Et ce ne sont point seulement des saints, de grands hommes, ce sont encore des hommes pervers qui nous fourniraient de pareils exemples. Le voleur, sans se tenir debout dans la maison de prière, sans fléchir les genoux, peut gagner le royaume des cieux par quelques paroles dites du haut de la croix où il était étendu, un autre au fond d’un marais fangeux, un autre dans une fosse pleine d’animaux féroces, un troisième enfin jusque dans le ventre de la baleine, n’ont eu qu’à invoquer Dieu pour échapper à tous les maux qui les menaçaient, et s’attirer les bonnes grâces d’en haut. Ce n’est pas que je ne vous exhorte à fréquenter assidûment les églises, à prier bien tranquillement chez vous, à fléchir les genoux quand vous le pouvez, à élever les mains au ciel ; mais si le temps, le lieu, la foule vous en empêchent, il ne faut pas renoncer pour cela à vos prières habituelles, mais prier et invoquer Dieu de la façon que j’ai exposée à votre charité, persuadés qu’une telle prière ne vous sera pas moins profitable qu’une autre. Ce que j’ai dit n’a point pour but d’exciter vos applaudissements et votre admiration, mais de vous exhorter aux pratiques dont je parle, de vous inviter à entrecouper de prières et