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même, mais que chaque chose a sa fin et court au terme qui lui est assigné en propre, tandis que les choses célestes sont immortelles et impérissables, ils prirent le parti de se rendre étrangers aux choses qui s’écoulent et qui passent, afin de s’attacher à ces autres choses qui demeurent. Ils étaient donc étrangers, non qu’ils fussent sans patrie, mais parce qu’ils soupiraient après la patrie éternelle. Paul lui-même fait allusion à cela dans ces paroles : Ceux qui parlent ainsi montrent qu’ils cherchent une patrie. (Héb. 11, 14) Quelle patrie ? Dis-moi. Est-ce l’ancienne patrie qu’ils ont quittée ? Non, répond-il. S’ils s’étaient souvenus de celle d’où ils sortirent, ils auraient eu certainement le temps d’y retourner. Mais maintenant ils en désirent une meilleure, c’est-à-dire la céleste, dont Dieu est l’architecte et le créateur. Aussi Dieu ne rougit point d’être appelé leur Dieu. (Id. 5,15-16)
5. Suivons donc, nous aussi, je vous y convie, l’exemple de ces saints ; dédaignons les choses présentes, soupirons après les choses futures, prenons Anne pour institutrice, recourons constamment à Dieu, demandons-lui toutes choses. Car rien ne vaut la prière ; c’est elle qui rend possible l’impossible, aisé ce qui est difficile, uni ce qui est hérissé d’obstacles. Le bienheureux David aussi la pratiquait ; voilà pourquoi il a dit : Sept fois le jour je vous ai loué au sujet des arrêts de votre justice. (Ps. 118,164) Si un roi, un homme accablé de soucis, distrait de toutes parts, invoquait Dieu tant de fois dans la journée, quelle serait notre excuse, notre titre à la miséricorde, à nous qui avons tant de – loisirs, si nous ne prions pas sans cesse, et cela, quand nous devons retirer de là un si grand avantage ? Car il est impossible, oui, impossible qu’un homme qui prie avec la ferveur convenable, et qui invoque Dieu sans cesse, tombe jamais dans le péché ; comment, je vais le dire. Celui qui a échauffé son cœur, réveillé son âme, qui s’est transporté au ciel, et qui, dans ces dispositions, a invoqué son Maître, qui s’est souvenu de ses péchés, qui en a demandé à Dieu la rémission, qui l’a supplié de lui être favorable et propice, celui-là pour prix du temps passé dans un tel entretien, est délivré de tout souci mondain, il prend des ailes, il s’élève au-dessus des passions humaines ; s’il voit son ennemi après avoir prié, il ne voit plus en lui un ennemi ; s’il voit une belle femme, cet objet n’amollira pas son cœur ; le feu de la prière encore vivant dans son âme fera fuir loin dé lui toute pensée coupable. Mais comme il est naturel à l’homme de se laisser aller à la négligence, lorsqu’une heure, une seconde, une troisième se seront écoulées depuis ta prière, et que tu verras ta ferveur en voie de s’éteindre insensiblement, hâte-toi de courir de nouveau à la prière, et réchauffe ton cœur refroidi. Si tu te comportes ainsi durant toute la journée, si, parla fréquence de tes prières tu as soin d’en attiédir les intervalles, tu ne donneras pas de prise au démon, ni d’accès dans ta pensée. Quand nous sommes à table et que nous voulons boire, si nous voyons l’eau qui a été chauffée se refroidir, nous la remettons sur le foyer, afin de la réchauffer promptement. Faisons de môme ici, et appliquant notre bouche à la prière, comme sur un lit de charbons, rallumons la piété dans notre cœur. Faisons comme les maçons. Se préparent-ils à bâtir en briques, vu la fragilité de leurs matériaux, ils serrent leur construction entre de longues poutres, et cela, non à de grands intervalles, mais à de très-faibles distances, afin de rendre leur assemblage de briques plus solide, grâce au grand nombre de ces solives. Fais de même, entremêle tous les actes de ta vie mondaine de fréquentes prières, et fortifie ta vie de toutes parts au moyen de ces étais multipliés. Si tu suis mon conseil, c’est en vain désormais que les vents se déchaîneraient en foule, que tu te verrais assailli de tentations, d’angoisses, de pensées importunes, de quelques fléaux que ce soit ; rien ne pourra renverser une maison protégée par une telle charpente de prières. Et comment, dira-t-on, un homme du siècle, cloué à un tribunal, pourrait-il prier de trois en trois heures, et s’échapper vers l’église. Cela se peut, et rien n’est plus facile. En effet, s’il n’est pas aisé de courir à l’église, là-bas, debout à la porte, ou cloué à son tribunal, il peut prier ; car il n’est pas tant besoin pour cela de paroles que de pensées, ni de mains étendues que d’âme attentive, ni de gestes que de méditation. En effet, si cette même Anne dont je parle, fut exaucée, ce n’est point qu’elle fit retentir une voix forte et éclatante, c’est parce qu’elle poussait de grands cris au fond de son cœur. Sa voix n’était pas entendue, dit l’Écriture, et Dieu l’entendait. Bien d’autres ont fait de même bien des fois, et tandis que le magistrat, clans