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gloire. Par exemple : combien ne voit-on pas de prisonniers, adultères, fourbes,. voleurs, sacrilèges ou coupables d’autres crimes pareils, auxquels une grâce royale ouvre les portes de leur cachot ? Ces gens sont exemptés de leur peine, mais leur ignominie subsiste, et la honte continue de s’attacher à leurs pas. D’autres, braves soldats, en cherchant une vie glorieuse et brillante, ont reçu mille blessures des ennemis dont ils affrontaient témérairement les coups, et enfin ont succombé à un trépas prématuré : en courant après la gloire, ils ont perdu la sécurité.
4. Anne réunit ces deux avantages : elle jouit de la sécurité et eut la gloire en partage. Il en fut de même des trois jeunes gens (Dan. 3) : sauvés du feu, ils échappèrent au péril, et se couvrirent de gloire en triomphant, d’une manière surnaturelle, du pouvoir de cet élément. Tels sont les bienfaits de Dieu : ils procurent à la vie en même temps éclat et sécurité : et c’est à ces deux choses qu’Anne faisait allusion en disant : Mon cœur a été affermi dans le Seigneur, ma corne a été exaltée dans mon Dieu. Elle ne dit pas simplement : en Dieu, mais : dans mon Dieu, s’appropriant en quelque sorte le Maître commun de l’univers : et cela, non pour rétrécir l’empire de ce, Maître, mais pour attester son propre amour, et par une expression de tendresse. C’est ainsi qu’en usent généralement ceux qui aiment : ils ne se résignent point à aimer en compagnie de beaucoup d’autres : ils veulent montrer une affection exceptionnelle et propre à eux seuls. C’est le cas de David, lorsqu’il dit : Dieu, mon Dieu, je m’éveille à vous le matin. (Ps. 62,1) En effet, après avoir nommé Dieu comme le Maître universel, il le désigne ensuite par un mot qui indique sa domination particulière sur les saints. Dieu, mon Dieu, dit-il encore, écoutez-moi, pourquoi m’avez-vous abandonné? (Ps. 21, 1) Et : ailleurs. Je dirai à Dieu : Vous êtes mon protecteur. (Ps. 90,2) Ces paroles sont d’une âme fervente, enflammée, consumée par l’amour. Anne n’agit pas autrement. Mais que les hommes se comportent ainsi, il n’y a rien là d’étonnant. C’est en voyant Dieu faire de même, que vous pourrez être surpris. De même que ceux que j’ai cités ne l’invoquent point en commun avec d’autres, et veulent qu’il soit spécialement leur Dieu : ainsi Dieu lui-même ne se donne point pour être leur Dieu comme celui des autres ; mais il prétend être spécialement le leur. De là ces expressions : Je suis le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob (Ex. 3,6) : loin de resserrer par là les bornes de son empire, il les recule plutôt : car ce n’est pas tant le nombre de ses sujets que leur vertu qui manifeste son pouvoir : il ne se plait pas autant à s’entendre appeler Dieu du ciel, de la terre, de la mer, et de leurs habitants, qu’à s’entendre nommer Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Et ce qui ne se fait pas chez les hommes, se voit, quand il s’agit de Dieu. Entendez-moi bien : chez les hommes les esclaves sont désignés par le nom de leur maître, et l’usage universel est de dire un tel, procureur de telle personne, un tel, intendant de tel général, de tel gouverneur : tandis que personne ne dit un tel, général de ce procureur ; au contraire, nous désignons toujours l’inférieur par le nom du supérieur. C’est le, contraire lorsqu’il est question de Dieu. En effet, on ne dit pas seulement Abraham, serviteur de Dieu, mais encore le Dieu d’Abraham, et ainsi le Maître est désigné par lé nom de son esclave. Voilà ce qui étonnait Paul et lui dictait ces mots : C’est pourquoi Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu. (Héb. 11,16) Le Maître, fait-il remarquer, n’a pas honte d’être désigné par le nom de ses serviteurs. Pourquoi n’en a-t-il pas honte ? Dites-nous-en la raison, afin que nous nous réglions sur ce modèle. Ils étaient étrangers et venus d’un autre pays, dit l’Apôtre. (Id. 5,13) Eh bien ! c’était un motif pour avoir honte : car les étrangers passent pour obtenir peu de considération en d’égards. Mais ces saints n’étaient point des étrangers, de la manière que nous supposons, mais d’une certaine autre manière, tout à fait inouïe. Nous appelons, quant à nous, étrangers les hommes qui ont quitté leur patrie, et qui sont venus sur une autre terre : mais ceux dont nous parlons ne l’étaient point de cette manière : dédaigneux de l’univers entier, jugeant que la terre était peu de chose, ils élevaient leurs regards vers la cité qui est dans les cieux, non par présomption, mats par magnanimité, non par un fol orgueil, mais par philosophie. Car, après avoir considéré toutes les choses d’ici-bas, et s’être aperçus que tout s’écoule et périt, que rien, en ce monde, ne reste ferme et immuable, ni la richesse, ni la puissance, ni la gloire, ni la vie