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diable, entendu des injures, des invectives, perdu votre temps sans aucun résultat, sans avoir à rapporter chez vous aucun profit, ni mondain ni spirituel. Pour avoir du plaisir, c’est donc ici qu’il faut venir, de préférence à tout autre endroit. De là-bas on rapporte des remords, des reproches de conscience, du repentir, de la honte, de la confusion, des regards humiliés. – Ici, c’est tout le contraire on y gagne le droit de parler avec toute confiance, et de s’entretenir sans crainte avec tout le monde des instructions que l’on a entendues.
En conséquence, lorsque tu arrives sur la place, et que tu vois la foule courir au spectacle, hâte-toi de te réfugier dans l’église, et pour prix d’un moment de constance, tu goûteras longuement les délices de la divine parole. Car si, entraîné par la multitude des curieux, tu les suivais là-bas, après un moment de récréation, tu serais malheureux tout le jour, et encore le jour suivant, et beaucoup d’autres, parce que tu te condamnerais toi-même : tandis que si tu sais un peu te contenir, tu auras du bonheur pour toute la journée. D’ailleurs ce n’est point seulement en ce qui nous importe ici, c’est dans tout le reste que les choses se passent de même. Le vice apporte du plaisir pour un moment et de la peine pour longtemps : la vertu, au contraire, après quelques instants de peines, donne un profit durable que la joie accompagne : Par exemple, on a prié Dieu, on a pleuré, gémi quelque temps en faisant sa prière : une autre personne a passé tout le jour dans la joie, ensuite elle a fait une aumône, elle a jeûné, elle a fait quelque autre bonne œuvre, ou encore elle s’est abstenue, : étant offensée, de rendre la pareille. Pour avoir patienté un moment ou maîtrisé votre colère, vous voilà heureux, content au souvenir de vos bonnes actions. Le vice offre, quelque chose de tout à fait contraire : un homme s’est rendu coupable d’insulte, ou il a relevé une offense : quand après cela il rentre chez lui, c’est pour se consumer dans la peine, au souvenir de ces invectives, lesquelles souvent causent de grands dommages. Par conséquent, si vous cherchez du plaisir, Fuyez les concupiscences juvéniles (2Tim. 2, 32), pratiquez la tempérance, et prêtez l’oreille à la parole divine. Si nous vous parlons ainsi, c’est pour que vous répétiez nos paroles aux autres, pour que vous les en fatiguiez sans relâche, et que par là vous lés délivriez de toute habitude vicieuse, pour que vous leur persuadiez de se conduire en tout avec sagesse. En effet, ces hommes qui vont au hasard et à l’étourdie ne méritent pas d’éloges, même quand ils se montrent zélés : c’est ce que prouvera notre prochaine réunion. Nous célébrerons alors la sainte Pentecôte : et l’affluence sera telle, que toute cette enceinte ne nous contiendra qu’à peine. Néanmoins, je ne saurais louer ce concours : car c’est là affaire d’habitude et non de piété. Peut-on trouver rien de plus misérable que ces hommes, dont la nonchalance prête à tant de reproches, et dont le zèle apparent ne comporte point d’éloges. En effet, celui qui participe à cette divine réunion par zèle, par amour, par sagesse, doit s’y montrer assidu, et non pas s’en éloigner avec ceux que les fêtes seules y attirent, à la façon de ces animaux qui se laissent conduire sans savoir où ils vont.
3. Je pourrais prolonger encore ce préambule de mon discours. Mais je n’ignore pas que votre empressement à remplir vos devoirs devance mes instructions, et que, par conséquent, vous saurez dire plus que je n’ai dit moi-même. C’est pourquoi, afin de ne point vous importuner de mes censures à l’adresse de ces hommes, j’omets tout ce qu’il me resterait à dire, et j’arrive à la suite de nos instructions, en revenant à l’histoire d’Anne. Et n’allez point vous étonner de notre persistance à traiter ce sujet. Je ne puis ôter cette femme de ma pensée : tant j’admire la beauté de son âme et ses charmes intérieurs. J’aime ces yeux inondés de larmes pendant la prière et constamment occupés ; ces lèvres, cette bouche, non point fardée par je ne sais quelles drogues, mais embellie par la gratitude à l’égard de Dieu telle était cette femme que j’admire parce qu’elle fut sage, mais que j’admire plus encore parce qu’elle était en même temps sage et femme, femme, ai-je dit, c’est-à-dire objet de bien des accusations. De la femme, est-il écrit, est sorti le péché, et c’est par elle que nous sommes tous sujets à la mort. (Sir. 25,24) Et ailleurs : Toute malice est petite, comparée à la malice de la femme. (Id. 5,26) Paul dit pareillement : Adam ne fut pas trompé, mais la femme ayant été trompée, tomba en prévarication. (1Tim. 2,14). Si je l’admire autant, c’est principalement parce qu’elle échappa à tous ces griefs, qu’elle écarta loin d’elle cette accusation, que