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Voilà pourquoi, nous aussi, c’est à vous que nous adressons nos censures contre ces hommes, afin qu’en sortant d’ici vous leur fassiez entendre raison. Eh ! qui pourrait tolérer une pareille indifférence ? Une fois par semaine nous nous rassemblons en ce lieu, et ils ne se résignent pas même, durant cette journée, à laisser de côté les soucis mondains : qu’on leur en fasse un reproche, aussitôt ils allèguent leur pauvreté, le soin de leur subsistance, leurs occupations pressantes : excuses plus accablantes pour eux que toutes les accusations. En effet, n’est-ce pas porter contre soi la plus terrible des accusations, que de paraître considérer quelque chose comme plus nécessaire et plus urgent que les affaires de Dieu ? Oui, quand tout cela serait parfaitement vrai, ce serait, comme je viens de le dire, une accusation, et non une apologie. Mais pour vous prouver que ce sont là de purs prétextes, des subterfuges destinés à déguiser l’indolence, il n’est que faire de mes paroles : la journée de demain suffira pour confondre ceux qui allèguent de pareilles raisons, alors que toute la ville aura émigré vers l’hippodrome, et que les maisons, les places auront été désertées pour ce spectacle interdit. – Ici l’enceinte même de l’église, on peut le voir, n’est pas remplie : mais là-bas, ce n’est point seulement l’hippodrome, ce sont les étages des maisons, les édifices, les toits, les lieux inaccessibles, que sais-je encore ? dont s’emparent les curieux. Ni la pauvreté, ni les occupations, ni la maladie, ni l’impotence, ni rien de pareil, ne suffit alors à réprimer cette irrésistible fureur : des vieillards courent là-bas, plus vite que des jeunes gens à la fleur de l’âge, sans respect de leurs cheveux blancs, sans craindre de donner leurs années en spectacle, ni d’exposer la vieillesse même à la risée publique. – Ici, à peine entrés, ils succombent à l’ennui, ils se trouvent incommodés, ils se renversent en arrière pour écouter la divine parole, ils se plaignent du manque de place, de la presse et d’autres gênes semblables. – Là-bas, où leur tête nue est exposée au soleil, foulés, pressés, étouffés dans la cohue, mal menés de toutes façons, on les croirait étendus nonchalamment dans une prairie, tant ils sont heureux. Voilà ce qui corrompt les cités les vices des instituteurs de la jeunesse. – En effet, comment pourras-tu ramener à la sagesse un jeune homme livré aux désordres et au libertinage, lorsque toi-même, vieillard aux cheveux blancs, tu t’oublies dans de pareils divertissements, lorsque, au terme d’une si longue carrière, tu n’es point las encore de ces vilains spectacles ? Comment pourras-tu morigéner ton fils, punir les fautes de ton serviteur, comment donner des conseils à ceux qui négligent leurs devoirs. Quand, parvenu à l’extrême vieillesse, tu montres toi-même si peu de retenue ? Qu’un jeune homme vienne à offenser un vieillard, aussitôt celui-ci se prévaut de son âge, et trouve mille personnes pour partager son indignation : mais quand il s’agit de former la jeunesse, de devenir pour elle un modèle de vertu, l’âge n’est plus mis en compte, et l’on montre plus de fureur que les jeunes gens mêmes pour se précipiter aux spectacles défendus. Si je parle de la sorte, si je fais le procès aux vieillards, ce n’est point pour décharger les jeunes gens ni pour les justifier, c’est pour préserver, en me servant d’eux, les vieillards eux-mêmes. Car ce qui ne convient pas aux vieillards, convient encore bien moins aux jeunes gens. Pour ceux-là, il est vrai, la risée avec la plus forte part de honte ; mais pour ceux-ci, le désastre est plus grand ; l’abîme est plus profond, d’autant que chez les jeunes gens les passions sont plus vives, la flamme plus ardente, et que, pour peu que cette flamme reçoive du dehors un aliment, elle a bientôt tout embrasé. Le jeune homme est plus sujet à s’abandonner à la concupiscence et au dérèglement ; aussi a-t-il besoin d’une surveillance plus active, d’un frein plus rigoureux, d’un rempart mieux défendu, d’un préservatif plus infaillible.
2. Et ne viens pas me dire, mon cher auditeur, que le spectacle fait plaisir : ce que je voudrais savoir de toi, c’est s’il ne cause pas de dommage en même temps qu’il fait plaisir. – Et pourquoi parler de dommage ? Je soutiens qu’il n’y a pas même de plaisir, et vous allez en être convaincu. – En revenant de cette course de chars, abordez ceux qui reviennent de l’église, et tâchez de bien vous assurer lequel est le plus content, de celui qui a écouté les prophètes, qui a eu sa part des bénédictions, qui a profité des instructions, qui a demandé pardon à Dieu de ses péchés, qui a soulagé sa conscience, et qui n’a rien de pareil à se reprocher ; ou de vous-même qui avez abandonné votre mère, dédaigné les prophètes, offensé Dieu, pris part aux fêtes du