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propre à la justifier aux yeux du prêtre. Je suis, dit-elle, une femme dans l’affliction ; je n’ai bit ni vin ni liqueur enivrante, et j’épanche mon âme devant le Seigneur. Elle ne dit pas je prie Dieu, je supplie Dieu, mais j’épanche mou âme devant le Seigneur : c’est-à-dire, je me suis jetée entièrement entre les bras de Dieu, j’ai mis à nu ma pensée devant lui, j’ai fait ma prière de toute mon âme et de toute ma force, j’ai dit à Dieu mon infortune ; je lui ai découvert ma plaie : c’est lui qui peut y appliquer le remède. Ne vois pas dans celle qui est ostensiblement ta servante une fille de Bélial. (1Sa. 1,16) Elle s’appelle encore une fois servante et fait tous ses efforts pour que le prêtre ne prenne point mauvaise opinion d’elle. Et elle ne se dit pas : que m’importe la fausse imputation de cet enfant ? Il m’a accusé étourdiment et à la légère, il m’a soupçonné mal à propos : ma conscience est pure, je permets à qui voudra de me calomnier. Mais elle se conforme à cette loi des apôtres qui nous ordonne de songer à paraître honnêtes non seulement aux yeux du Seigneur, mais encore aux yeux des hommes. Et elle apporte tous ses soins à repousser de soi le soupçon en disant : Ne vois pas dans celle qui est ostensiblement ta servante une fille de Bélial. Qu’est-ce à dire, ostensiblement ? Ne va point me prendre pour une impudente, une effrontée. Ce langage est celui de la douleur, non celui de l’ivresse ; il annonce le chagrin, non la débauche. Que dit alors le prêtre : Voyez, chez lui aussi, quelle prudence ! Il n’est pas curieux de connaître cette infortune, il ne veut point en demander la cause : Éloigne-toi en paix, dit-il : Que le Seigneur, Dieu d’Israël, t’accorde toutes les demandes que lit lui as adressées. (1Sa. 1,17) D’accusateur qu’il était, Anne s’en est fait un avocat. Telle est l’excellence de la sagesse et de la mansuétude. Au lieu d’injures, elle reçoit en partant un abondant viatique : elle trouve un protecteur, un intercesseur dans celui qui l’a réprimandée. Néanmoins elle ne s’en tient pas là, mais elle répète encore : Que ta servante trouve grâce devant tes yeux ! (Id. 5,18) C’est-à-dire puisse la fin de tout ceci et l’issue de cette affaire te prouver que ce n’est point (ivresse, mais une douleur profonde qui m’a dicté cette supplication et cette requête. Et s’en étant allée, dit l’Écriture, elle ne tomba plus. Voyez-vous la foi de cette femme ? avant d’avoir obtenu ce qu’elle demandait, elle montre la même confiance que si elle l’avait reçu. La raison en est qu’elle avait prié avec une grande ferveur, avec un zèle aveugle. C’est pourquoi elle revint, comme si tout lui était accordé. D’ailleurs, Dieu lui-même alors dissipa son chagrin, attendu qu’il devait contenter son désir.
Sachons, nous aussi, l’imiter, et dans toutes les infortunes, ayons recours à Dieu. Si nous n’avons point d’enfants, adressons-nous à lui pour en avoir ; s’il nous en a accordé, élevons-les avec le plus grand soin, et éloignons de tout vice leur jeunesse, mais principalement de l’incontinence : car elle fait à cet âge une rude guerre, et il n’a point d’ennemi plus acharné que cette passion. Fortifions-les donc de tout côté par nos conseils, nos exhortations, par la crainte, par les menaces. S’ils triomphent de cet appétit, ils ne se laisseront facilement dompter par aucun autre : ils ne seront point esclaves de l’argent, ils ne succomberont point à l’ivresse, ils mettront tous leurs efforts à écarter d’eux les scènes d’intempérance et les mauvaises compagnies, ils se rendront plus aimables aux yeux de leurs parents, plus respectables à ceux de tout le monde. En effet, qui ne serait point pénétré de respect pour un jeune homme chaste ? qui n’aurait de l’affection, de la tendresse pour celui qui a su brider ses appétits déréglés ? qui ne le choisirait, même parmi les plus riches, pour lui donner sa fille, et ne se jugerait heureux d’une telle alliance, fût-il le plus pauvre des hommes ? Car de même que celui qui vit dans le libertinage et fréquente les prostituées, aura peine à rencontrer, quelle que soit sa fortune, un homme assez malheureux, assez misérable, pour consentir à l’agréer comme gendre : ainsi le jeune homme chaste et rangé ne trouvera point un homme assez fou pour le repousser et le dédaigner. Si nous voulons donc que nos enfants obtiennent le respect des hommes et l’amour de Dieu, ornons leurs âmes, et conduisons-les au mariage par le chemin de la chasteté. Ainsi les biens présents eux-mêmes se répandront sur eux en abondance, ainsi ils trouveront Dieu propice, et jouiront de la gloire en ce monde et clans l’autre. Puissions-nous tous obtenir cette gloire céleste, par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel gloire, honneur, et puissance, au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.