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que c’est un tyran, un criminel : je respecte le choix de Dieu, quand bien même cet élu se montrerait indigne. Ce n’est point ma faute, s’il paraît indigne de son élévation. Écoutez, vous tous qui méprisez les prêtres, voyez quel respect David témoigne à un roi. Cependant, le prêtre est, bien plus que le roi, digne de respect et d’égards, d’autant qu’il est appelé à des fonctions plus augustes. Apprenez à ne pas critiquer, à ne point demander de comptes, à vous soumettre, à céder. En effet, vous ne connaissez pas la vie du prêtre, fût-il indigne et abject : tandis que David savait parfaitement tout ce qu’avait fait Saül : néanmoins il respecta en lui la dignité que Dieu lui avait conférée. Voulez-vous maintenant une preuve que, fussiez-vous exactement informés, vous n’avez point d’excuse et ne méritez point de pardon, quand vous méprisez les prêtres, et négligez leurs avertissements. Écoutez comment le Christ vous ôte ce refuge, par ce qu’il dit dans les Évangiles : C’est sur le siège de Moïse que sont assis les scribes et les pharisiens : faites donc tout ce qu’ils vous disent de faire ; mais ne vous conduisez point suivant leurs actions. (Mt. 23,2-3) Voyez-vous comme il respecte les leçons de ces hommes dont la vie était assez corrompue pour devenir un sujet d’accusation contre leurs disciples, et comme il s’abstient de rejeter leur doctrine ? Si je parle ainsi, ce n’est point que je veuille accuser les prêtres : à Dieu ne plaise : vous êtes témoins de leurs démarches, vous savez toute leur piété ; mais je demande que nous leur rendions tout ce que nous leur devons encore d’égards et de respect. Par là ce n’est pas tant à eux qu’à nous-mêmes que nous rendrons service : Celui qui reçoit un prophète en qualité de prophète, recevra la récompense d’un prophète. (Mt. 10,41) Car si nous n’avons pas le droit de juger la vie tes uns des autres, à bien plus forte raison en est-il ainsi pour la vie de nos pères. Mais ce que je disais (il est nécessaire de revenir à la mère de Samuel), savoir que la patience à supporter les injures nous procure beaucoup de biens, c’est ce que montre aussi l’histoire de Job. En effet, Job ne m’inspire pas autant d’admiration avant l’exhortation de sa femme qu’après le conseil funeste que celle-ci lui donna. Et ce que je dis ne doit point paraître étrange. Souvent ceux qui ont résisté aux tentations provenant de la nature des choses, succombent à une parole, à un conseil pervers. Le diable qui le sait, au coup porté par la tentation, fait succéder l’attaque des paroles : et c’est ainsi qu’il se comporta à l’égard de David. Voyant que celui-ci avait noblement supporté la révolte de son fils, et la tyrannie d’un maître illégitime, voulant abuser son esprit, et le faire tomber en colère, il suscita ce Séméï, après l’avoir armé de paroles amères propres à aigrir l’âme de David. Il usa vis-à-vis de Job de la même perfidie. Car, voyant Job aussi se moquer de ses traits, et résister noblement à tout, ainsi qu’une tour d’airain, il arma son épouse afin que nul soupçon ne s’attachât au conseil, cacha son venin dans les paroles de cette femme, et lui fit faire une peinture tragique des infortunes de son mari. Alors que répondit cet homme généreux ? Pourquoi as-tu parlé comme une de ces femmes qui ont perdu la raison ? Si nous avons reçu nos biens de la main du Seigneur, ne supporterons-nous, vas ces maux ? (Job. 2,10) Voici le sens de ses paroles : S’il ne s’agissait pas d’un Maître, ni d’un être si supérieur à nous, mais d’un simple ami, notre égal, serions-nous excusables de répondre à tant de bienfaits, par une conduite tout opposée ? Vous avez remarqué cet amour de Dieu, et comment Job ne se glorifie point, ne tire point vanité de son courage à supporter des épreuves au-dessus de la nature, comment il ne fait point honneur à sa sagesse ou à sa magnanimité d’une telle résignation, comment au contraire, de même que s’il payait une dette pressante, et n’endurait rien que d’ordinaire, il ferme résolument la bouche à cette malheureuse femme ? Nous retrouvons la même chose chez Anne. En effet, la voyant supporter noblement sa stérilité, et se prosterner devant Dieu, le diable suscita le jeune ministre du prêtre, afin de l’exaspérer davantage. Mais Anne n’éprouva aucun sentiment de ce genre : exercée à endurer les injures qui lui étaient dites à la maison, aguerrie par les invectives de sa rivale, elle s’armait dès lors d’un courage résolu contre toute attaque semblable. Voilà pourquoi, dans le temple aussi, elle montra une grande sagesse, supportant virilement et avec magnanimité les sarcasmes qui en faisaient une ivrogne, dont le vin avait troublé l’esprit. Mais il n’est rien de tel que d’entendre le texte même : aux paroles de l’enfant : Secoue ton vin et éloigne-toi de la face du Seigneur, Anne répondit Non, Seigneur. Elle appelle son maître celui