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vient au port et y retrouve les vagues, elle vient chercher un remède, et loin d’en recevoir un, elle ne gagne à cela qu’une nouvelle blessure, que des outrages qui rouvrent sa plaie. Vous savez quel effet produisent sur les âmes endolories les insultes et les affronts. De même que les blessures un peu graves s’enveniment, si l’on y porte la main sans précaution : ainsi une âme troublée et difficile à satisfaire ; tout l’irrite, un mot insignifiant l’exaspère. Anne cependant n’éprouva rien de pareil et cela en s’entendant injurier par le ministre. Si l’insulte fût venue du, prêtre, sa résignation serait moins admirable, car le haut rang de ce personnage, de ses fonctions lui aurait persuadé de rester calme, fut-ce à contre-cœur. Mais en cette occasion elle n’avait affaire qu’au jeune ministre du prêtre, et elle ne se fâcha point. Par là, elle se concilia encore davantage la faveur divine. De même, nous aussi, quand on nous injurie, quoiqu’il nous faille souffrir, supportons noblement les outragés, c’est le moyen de nous concilier davantage la faveur divine.
Comment rendre ceci manifeste ? Par l’histoire de David. Quelles épreuves David eut-il donc à subir ? Il fut exilé de sa patrie, il courût le risque de la liberté et même de la vie, et pendant qu’une armée se préparait à combattre un jeune tyran, débauché et parricide, il errait dans le désert. Il ne j’indigna point, il ne manqua point de confiance en Dieu, il ne dit point : Qu’est-ce à dire ? Il a permis au fils de se révolter contre son père ? Et cependant les plus justes griefs ne sauraient absoudre une telle conduite. Mais à l’heure qu’il est, sans avoir à m’accuser de la moindre injustice à son égard, ce fils brûle de tremper ses mains dans le sang paternel, et Dieu qui voit cela, le permet. Il ne dit rien de pareil, et ce qui est plus grand et plus merveilleux, c’est que, dans le temps qu’il errait privé de tout, un homme nommé Séméi, un misérable, un scélérat, le poursuivit d’invectives, l’appelant homicide, impie, répandant sur lui un torrent d’injures. David, même alors, ne perdit point patience. Mais on me dira : Pourquoi s’étonner qu’il ne se soit point défendu, n’était-il point sans force et sans, pouvoir ? Je pourrais répondre d’abord que je ne l’admirerais pas autant, s’il avait supporté une insulte, étant couronné du diadème, en possession de la royauté et assis sur son trône, que je l’admire et le loue d’avoir montré tant de sagesse à l’heure de l’adversité. En effet l’orgueil du pouvoir et l’indignité de celui qui proférait l’injure lui avait souvent alors inspiré le mépris de pareils outrages. Et beaucoup d’autres rois ont montré en mainte occasion, la même sagesse, jugeant ceux qui les insultaient suffisamment excusés par l’excès de leur démence. En effet, les affronts ne nous touchent point également dans le bonheur et dans l’adversité : quand nous sommes dans l’affliction, c’est alors qu’ils nous sont le plus sensibles et nous paraissent les plus cuisants. Mais en ce qui concerne David, on peut ajouter quelque chose à ce qui vient d’être dit ; c’est qu’il était maître de se venger et qu’il ne se vengea point. Et, pour que vous voyiez que cette sagesse ne lui venait point d’impuissance, mais de résignation, comme le général demandait alors la permission d’aller vers cet homme et de lui couper la tête, David, non content de lui refuser cette permission, se mit en colère et dit : Que veux-tu de moi, fils de Sarvias ? Laissez-le me maudire, afin que le Seigneur voie mon abaissement et qu’il me rende mes biens en dédommagement des imprécations de cet homme en ce jour. (2Sa. 16,12) C’est justement ce qui advint.
4. Le juste n’ignore pas, vous le voyez, que la patience à supporter les injures est le principe d’un accroissement de gloire. Voilà pourquoi un jour ; ayant surpris Saül entre deux murs, et pouvant l’égorger, il l’épargna : et cela, quand les personnes présentes l’excitaient à le percer de son glaive. Mais ni la faculté dont il pouvait user, ni les encouragements qu’il recevait, ni les nombreuses injures qu’il avait reçues, ni la crainte d’en recevoir de plus graves, ne le déterminèrent à tirer l’épée et cependant l’armée même devait ignorer l’auteur de cet homicide. Il était dans une caverne, seul et sans témoins. Il ne dit pas, comme certain homme qui s’abandonnait à l’adultère : Les ténèbres et les murs m’environnent ; qu’ai-je à craindre ? (Eccl. 23,26) Il avait devant les yeux l’œil qui ne se ferme jamais, et il savait que les yeux du Seigneur ont un éclat mille fois plus perçant que celui du soleil. En conséquence, il agissait et parlait constamment comme si Dieu était présent et jugeait ses paroles. Je ne porterai point la main, dit-il, sur l’oint du Seigneur. (1Sa. 24,7) Je ne vois point ses crimes, je ne vois que son rang. Qu’on ne vienne pas me dire