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préliminaires de sa requête. Voyons maintenant la suite. Si jetant les yeux, dit-elle, vous regardez vers l’humiliation de votre servante. (1Sa. 1,11) Elle n’a encore rien reçu, et elle commence sa prière par une promesse. Elle témoigne déjà sa reconnaissance à Dieu quand elle a encore les mains vides. Telle était sa ferveur, tant son désir se portait vers le but que j’ai dit, plutôt que vers l’autre ; tant il est vrai que c’est pour ce motif qu’elle souhaitait un enfant. Si, jetant les yeux, vous regardez vers l’humiliation de votre servante. J’ai deux titres, veut-elle dire, ma servitude et mon malheur. Et accordez à votre servante un rejeton mâle. Je vous le donnerai en présent devant votre face. Qu’est-ce à dire ? En présent, devant votre face. Cela veut dire pour qu’il soit pleinement et absolument votre serviteur. Je me démets de tous mes droits. Je veux être sa mère seulement pour qu’il tienne de moi l’existence ; après cela je renonce à lui, je vous le cède.
6. Considérez ici la piété d’Anne. Elle ne dit pas, si vous m’en donnez trois, je vous en donne deux, si vous m’en donnez deux, je vous en donne un : mais si vous m’en donnez un, un seul, je vous consacre entièrement ce fruit. Et il ne boira ni vin ni liqueur enivrante. Elle n’a pas encore son enfant, et déjà elle le forme pour le rôle de prophète, elle parle de la manière dont elle le nourrira, elle prend des engagements avec Dieu. Quelle confiance chez cette femme ! N’ayant pas encore de quoi s’acquitter, puisqu’elle n’avait pas encore reçu, elle prend sur l’avenir pour payer sa dette. De même que beaucoup de cultivateurs en proie à une extrême misère, sans argent pour acheter un veau ou une brebis, reçoivent de leurs maîtres, sous clause de partage, ces animaux, en s’engageant à en payer le prix avec les fruits qu’ils en recueilleront. Ainsi fit Anne, ou plutôt elle fit bien plus. Car ce n’est pas à la condition de partager qu’elle reçoit de Dieu son fils, mais bien pour le lui rendre en toute propriété, et recevoir, au lieu de fruits, l’éducation de son fils. Car à ses yeux c’était une indemnité suffisante, que d’avoir donné ses soins au prêtre de Dieu. Il ne boira, dit-elle, ni vin ni liqueur enivrante. Il ne lui vient pas à l’esprit de se dire : mais s’il est délicat et que l’eau pure lui soit nuisible ? Mais s’il tombe malade ? Mais s’il vient à mourir à la suite d’une grave maladie ? Réfléchissant que celui qui le lui aura donné saura bien veiller sur sa santé, au sortir des langes, au lendemain de l’accouchement, elle l’introduit dans le saint ministère, elle le jette sans réserve entre les bras de Dieu ; et ainsi, avant les douleurs de l’enfantement, son sein était déjà sanctifié par la présence d’un prophète, par le germe d’un prêtre, par le fardeau d’une offrande, d’une offrande animée. Voilà pourquoi Dieu la laissait dans la peine, voilà pourquoi il mit du temps à l’exaucer : c’était pour ajouter à sa gloire par un tel enfantement, c’était pour manifester sa sagesse. En effet dans sa prière elle ne parla point de sa rivale, elle ne répéta point ses invectives, elle ne dénonça point ses outrages ; elle ne dit point : Fais-moi justice de cette femme abominable et perverse, ainsi que font beaucoup de femmes : elle se tut sur ces injures, et ne parla dans sa prière, que des choses qui l’intéressaient. Suis cet exemple, mon cher auditeur, et lorsque tu vois un ennemi qui te persécute, abstiens-toi de toute parole amère à son égard, et ne réponds point à sa haine par des imprécations. Entre ici, fléchis le genou, verse des larmes, invoque Dieu pour qu’il te délivre de ta peine, pour qu’il apaise ta douleur. Ainsi fit Anne, et son ennemie lui fut bien utile. Car elle contribua à la naissance de l’enfant. Comment, c’est ce que je vais dire, quand elle l’eut outragée, persécutée, qu’elle eut augmenté sa souffrance, la souffrance rendit la prière plus ardente, la prière fléchit Dieu, et le rendit propice : et ainsi fut enfanté Samuel. Par conséquent, si nous sommes sages, non seulement nos ennemis seront incapables de nous causer le moindre dommage, mais encore ils nous feront le plus grand bien, en nous rendant plus zélés en toute chose, pourvu qu’au lieu des injures et des outrages, la prière soit notre recours contre les dégoûts qu’ils nous causent.
L’enfant né, elle le nomma Samuel, c’est-à-dire celui qui entendra Dieu. En effet, comme elle l’avait reçu pour avoir été entendue, à la suite d’une prière, et non d’une manière naturelle, elle déposa alors dans le nom dont elle le salua, comme sur une table d’airain, le souvenir de cette procréation. Elle ne dit pas Appelons-le du nom de son père, de celui de son oncle, ou de son aïeul, ou de son bisaïeul, mais elle dit : que le nom dont nous l’appellerons soit un hommage à celui qui nous l’a donné. Imitez-la, femmes, hommes, suivons son exemple : donnons à nos enfants les mêmes