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aux enfants, filles ou garçons. En effet, l’Apôtre, en ces passages, ne distingue pas les sexes ; mais, dans un endroit, il dit : Si elle a élevé ses enfants, et dans l’autre : S’ils persistent dans la foi, dans la charité et dans la sainteté. Nous devons donc nous occuper des enfants des deux sexes, et particulièrement des femmes, d’autant qu’elles sont les plus assidues à la maison. En effet, les hommes sont distraits par les voyages, par les soins de la place publique, par les affairés de l’État : mais la femme dispensée de tout souci de ce genre, peut s’occuper plus aisément de sa progéniture, grâce au loisir dont elle jouit. Ainsi faisaient les femmes de l’ancien temps : car ce n’est pas seulement pour les hommes, c’est encore pour les femmes que ce devoir est rigoureux : je parle des soins qu’on doit à ses enfants, et des efforts pour leur inspirer la sagesse. – Pour vous en donner la preuve, je vous raconterai une antique histoire. Il y avait chez les Juifs une femme nommée Anne. Cette femme demeura longtemps atteinte de stérilité, et ce qu’il y avait de plus fâcheux, c’est que sa rivale était mère de nombreux enfants. Or, vous savez qu’en soi-même et par sa nature cette infirmité est pour les femmes un malheur insupportable : mais la vue d’une rivale mère d’une famille nombreuse le rend encore plus pénible. Car la félicité de cette autre femme fait mieux sentir à la malheureuse sa propre infortune. C’est ainsi que les hommes réduits à la dernière misère éprouvent encore plus de chagrin à la vue des riches. Et son malheur n’était pas seulement de n’avoir point d’enfants, tandis que l’autre en avait ; c’est que, de plus, cette autre était sa rivale : que dis-je ? une rivale qui excitait son courroux par le mépris qu’elle lui témoignait. Mais. Dieu voyant toutes ces choses n’était point ébranlé, et le Seigneur ne lui donna point d’enfant dans ses tribulations, et dans le découragement de son âme. (1Sa. 1,6) Que veut dire ceci : Dans ses tribulations ? Cela signifie : On ne peut dire que Dieu lui ait fait attendre un enfant, parce qu’il la voyait supporter légèrement son infortune : mais, bien qu’il la vît déchirée de douleur, de tristesse et d’affliction, néanmoins il ne fit point cesser sa peine, parce qu’il avait d’autres vues plus hautes. – Il ne faut pas écouter ceci légèrement, mais en tirer dès maintenant une grande leçon de sagesse ; et lorsque nous tomberons dans quelque infortune, quelle que soit notre peine, notre douleur, quelque intolérables que nous paraissent nos maux, ne précipitons rien, ne désespérons pas, comptons sur la providence divine. Car Dieu sait bien quand il faut nous délivrer de ce qui cause notre douleur : Anne elle-même en fil l’expérience. – En effet, ce n’était point par haine ni par aversion pour elle que Dieu fermait son sein, mais bien pour nous ouvrir un jour sur la sagesse de cette femme, pour nous faire contempler le trésor de sa foi, et connaître qu’il la rendit par là plus glorieuse. Mais écoutez la suite. Et c’est ainsi qu’elle faisait chaque année depuis longtemps, alors qu’elle montait dans la maison du Seigneur. Elle était triste, elle pleurait et ne mangeait pas. (1Sa. 1,7) Douleur prolongée, durable chagrin, non chagrin de deux ou trois jours, ni de vingt ou de cent, ni de mille, ni du double. Depuis longtemps, est-il écrit, depuis bien des années cette femme était dans la douleur et dans la peine. – Car voilà ce que signifie l’expression du texte, et cependant elle ne tomba point dans l’abattement ; le progrès du temps n’eut point raison de sa sagesse, non plus que les outrages et les injures de sa rivale : mais elle ne cessait d’adresser des prières et des vœux : et ce qui surpasse tout, ce qui montre mieux que tout le reste son amour pour Dieu, c’est qu’elle ne désirait point simplement avoir cet enfant, elle voulait consacrer ce fruit à Dieu, lui offrir les prémices de son sein, et recevoir la récompense de cette belle promesse. Qu’est-ce qui le prouve ? Les paroles qui viennent ensuite. Vous savez tous certainement que si la stérilité est pour les femmes un malheur aussi intolérable, c’est surtout à cause de leurs maris. Beaucoup d’hommes, en effet, sont assez déraisonnables pour faire des reproches à leurs femmes, quand elles n’enfantent point, ignorant que la naissance des enfants a son principe là-haut, dans la providence de Dieu, et que ni la constitution de la femme, ni ses relations avec son époux, ni rien de pareil ne suffisent pour la rendre mère. Néanmoins, et lors même qu’ils connaissent l’injustice de leurs reproches, ils s’emportent, se dégoûtent souvent, et se montrent mal disposés pour leurs femmes.
5. Voyons donc si la même chose arriva pour la femme dont je parle. En effet, si vous la