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et s’abandonner au dérèglement : il n’est pas rare qu’ils les rejettent de leur famille, et les renient pour adopter d’autres fils, lesquels souvent ne tiennent à eux d’aucun côté. Or, quoi de plus extraordinaire, que de les voir rejeter ceux qu’ils ont engendrés, et appeler chez eux des enfants qui ne leur doivent point le jour ?
Ce que je viens de dire n’est point sans objet : je voudrais vous faire comprendre que la volonté est plus forte que la nature, et contribue plus que celle-ci à faire des fils et des pères. Et c’est encore un trait de la sollicitude divine, de n’avoir pas permis que le soutien des affections naturelles fît défaut à l’enfant, sans cependant leur tout accorder. En effet, si les parents n’avaient pour leur fils aucun attachement dicté par la nature, si le caractère et la conduite déterminaient seuls leur affection, on verrait bien des enfants exclus de la maison paternelle pour n’avoir point travaillé à mériter cette affection, et les familles seraient dispersées. Au contraire si Dieu avait tout accordé à la tyrannie du sang, s’il n’avait pas permis que les enfants pussent encourir la haine par leurs vices, si les pères, même offensés par leurs enfants et en butte, par leur fait, à mille maux, persistaient par la force invincible du sang à leur prodiguer des soins pour prix de leurs outrages et de leur irrévérence, notre race aurait glissé dans un abîme de misères. En effet, si aujourd’hui même, les enfants, que la nature ne rassure pas tout-à-fait, qui savent que beaucoup de leurs semblables, pour avoir manqué à leurs devoirs, ont été exclus de la maison comme de l’héritage paternel, néanmoins, en beaucoup d’occasions, comptent assez sur l’attachement de leurs parents pour leur manquer de respect : à quels excès ne s’abandonneraient-ils pas, si Dieu n’avait pas permis aux pères, de s’irriter, de punir, de chasser leurs enfants coupables ? Voilà pourquoi Dieu fit de la force du sang et de la manière d’agir des enfants le double fondement de l’affection paternelle, afin que les fautes pardonnables obtiennent leur indulgence, grâce à l’instinct de la nature, et que, si les enfants deviennent vicieux et que leurs défauts soient incurables, ils ne les habituent pas au mal par une condescendance coupable pour leur perversité, ce qui arriverait si la nature reprenait le dessus et pouvait les déterminer impérieusement à traiter avec égard des enfants pervertis. Quelle prévoyance, dites-moi, que d’avoir fait une loi de l’amour, et d’avoir prescrit à cet amour une limite, que d’avoir enfin assigné une récompense à celui qui aura bien élevé ses enfants ? La preuve que cette récompense existe, et non seulement en faveur des hommes, mais encore pour les femmes, vous allez la trouver dans beaucoup de passages où l’Écriture parle de ce sujet et s’adresse aux femmes, aux femmes, dis-je, non moins qu’aux hommes. La femme séduite, dit Paul, tomba dans la prévarication, et il ajoute : toutefois elle sera sauvée par la génération des enfants. (1Tim. 2,14, 45) Voici le sens de ses paroles. Tu souffres, dit-il, parce que la première femme t’a jetée dans la peine, dans les douleurs de l’enfantement, dans les ennuis d’une longue gestation ? Mais ne t’afflige point : ces douleurs, ces peines, ne sont point pour toi un dommage égal au profit que tu peux retirer, si tu le veux, et que tu saches trouver une occasion de bonnes œuvres dans l’éducation de tes enfants. En effet les enfants de ton sein, si tu leur donnes les soins convenables, si ta sollicitude leur inspire la vertu, deviendront pour toi un principe, une cause de salut, et outre tes propres mérites, tu recueilleras une ample récompense des soins que tu auras donnés à cet ouvrage.
4. Et pour vous faire entendre, que ce n’est point l’enfantement qui fait la mère, et qu’elle ne mérite par là aucune récompense, ailleurs encore, Paul s’adressant à une veuve dit cette parole : Si elle a élevé ses enfants. (1Tim. 5,10) Il ne dit pas si elle a eu des enfants, mais si elle a élevé ses enfants. En effet dans le premier cas, c’est la nature, dans le deuxième, c’est la volonté qui agit. Voilà pourquoi dans le premier passage, après avoir dit : Elle sera sauvée par la génération des enfants, il ne s’en tient pas là, mais voulant montrer que ce n’est pas en mettant au jour des enfants, mais en élevant ses enfants comme il faut, qu’on mérite une récompense, il poursuit en ces termes : S’ils demeurent dans la foi, la charité et la sainteté jointe à la tempérance. Il veut dire : Ta récompense sera belle, si les enfants que tu auras mis au jour demeurent dans la charité et dans la sainteté. Si donc tu leur inspires ces vertus, si tu les y exhortes, si tu les leur enseigne, si tu les leur conseilles, Dieu te récompensera amplement de tes soins.
Que les femmes ne considèrent donc point comme le devoir d’autrui les soins à donner