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poissons qui nagent dans leur sein, et les oiseaux qui volent sur la terre, au-dessous du firmament. Mais, parce qu’il convenait que la terre elle-même fût peuplée, il créa les divers animaux, tant ceux qui servent à notre nourriture que ceux qui nous aident dans nos travaux, et même les reptiles et les bêtes féroces. C’est ainsi que Dieu, après avoir produit toutes les créatures, chacune en son rang et sa perfection, dressa l’univers comme une grande table chargée de toutes sortes de mets et resplendissant d’un luxe princier et d’une magnificence vraiment royale. C’est alors aussi qu’il créa l’homme, qui devait jouir de toutes ces richesses. Il lui donna autorité sur toute la création visible ; et, pour montrer combien il surpassait en dignité toutes les autres créatures, il les soumit à son empire et à sa puissance.
Mais, pour ne point prolonger ce discours outre mesure, je remets à demain tout ce qui concerne l’admirable formation de l’homme, cet être doué de vie et de raison, et je termine, comme d’habitude, par une instruction morale. Retenez donc fidèlement mes paroles, afin que la vue des créatures vous, excite à glorifier le Créateur. Sans doute, nous ne pouvons ni pénétrer les secrets divins, ni comprendre toutes les merveilles de la création ; mais cette impuissance même, loin de nous être une occasion d’incrédulité, doit nous animer davantage à célébrer la gloire du Seigneur. La faiblesse de notre raison et la petitesse de notre esprit ne peuvent qu’accroître en nous l’idée de la grandeur divine, et la puissance du Créateur nous paraît d’autant plus souveraine que ses œuvres nous sont incompréhensibles.
Cet aveu est à la fois le témoignage d’un cœur reconnaissant et d’un esprit sage. Mais les gentils se sont égarés parce qu’ils ont tout permis à leurs pensées ; ils n’ont point assez connu la faiblesse de notre raison, et, voulant pénétrer des mystères impénétrables à l’homme, ils ont franchi les bornes du possible et se sont dégradés eux-mêmes. C’est ainsi que, doués de raison, et par cette admirable prérogative élevés au-dessus de toutes créatures visibles, ils sont tombés dans une telle absurdité, qu’ils ont adoré le chien, le singe, le crocodile et d’autres animaux plus méprisables encore. Eh ! que parlé-je de brutes et d’animaux ! Qui ne sait que des peuples ont été assez stupides et insensés pour adorer des oignons et des légumes ? Ce sont ces peuples que désignait le Prophète, quand il disait : L’homme a été comparé aux bêtes qui n’ont aucune raison, et il leur est devenu semblable. (Ps. 48,21) Comment l’homme, doué de raison et orné de sagesse, est-il devenu semblable à la brute ? et même, comment est-il descendu au-dessous d’elle ? L’animal ne peut être responsable de cette monstrueuse idolâtrie, puisqu’il est un être irraisonnable ; mais l’homme qui tombe dans cet excès d’impiété sera rigoureusement puni, parce qu’après tant de bienfaits, il ne sait être qu’ingrat. Les païens ont donc appelé dieux la pierre et le bois, et ils ont érigé en divinités les plus grossiers éléments ; car, du jour où ils s’éloignèrent du sentier de la vérité, ils se précipitèrent dans un profond abîme de malice et d’impiété.
7. Cependant il ne faut pas désespérer de leur salut, et nous devons les instruire en toute charité et en toute patience. Montrons-leur et l’absurdité de l’idolâtrie, et les malheurs auxquels ils s’exposent ; mais surtout, ne cessons jamais de travailler à leur conversion. Il est probable, en effet, qu’avec le temps nous les amènerons à la vérité, principalement si notre conduite ne leur est pas une occasion ou un prétexte de s’en éloigner. Car plusieurs, parmi les païens, en voyant que nous, qui nous appelons chrétiens, sommes comme eux, avides, avares et envieux, vindicatifs, traîtres, dissolus et voluptueux, plusieurs, dis-je, repoussent nos avis, se persuadent que notre religion n’est qu’une tromperie, et pensent que tous les chrétiens sont coupables des mêmes vices.
Considérez donc sérieusement, je vous en conjure, de quels supplices se rendent dignes ceux qui attisent ainsi pour eux-mêmes les feux éternels de l’enfer, et qui sont cause qu’un grand nombre de païens persévèrent dans leurs erreurs. Ces derniers ferment l’oreille à la voix de la vérité ; mais les premiers leur donnent occasion de calomnier la vertu, et, ce qui est un péché énorme, de blasphémer le saint nom de Dieu. Comprenez donc les suites funestes du scandale : certes, ceux qui le répandent, ne s’exposent pas à de vulgaires châtiments ; mais ils se préparent les plus affreux supplices, puisqu’ils seront punis, et pour leurs propres péchés, et pour ceux qu’ils auront fait commettre, soit en retenant parleurs scandales les païens dans l’idolâtrie, soit en les autorisant