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trouvons qu’il nous manque. Faisons la même chose à l’égard du jeûne. Il s’est arrêté chez nous pendant quarante jours, nous l’avons reçu avec bienveillance, puis nous l’avons laissé partir ; maintenant donc, sur le point de servir le festin spirituel, souvenons-nous du jeûne, et de tous les biens dont il a été la source pour nous. Car ce n’est pas seulement l’actualité du jeûne, mais c’est encore le souvenir que l’on en garde, qui est capable de nous procurer les plus grands avantages. Et, comme ceux que nous aimons nous remplissent d’une grande joie non seulement quand ils sont là, mais aussi lorsqu’ils nous reviennent à l’esprit ; ainsi lés jours de jeûne, et ces réunions, et ces exercices en commun, et les autres fruits que nous en retirons, nous récréent encore par leur seule mémoire, et si nous rassemblons dans notre pensée le souvenir dé tous ces bienfaits, nous y gagnerons beaucoup, même pour le temps actuel. Je ne veux pas par là vous forcer à jeûner, mais vous exhorter à ne pas vous abandonner au luxe, et à ne pas imiter le plus grand nombre des hommes, si toutefois il faut donner le nom d’hommes à dés êtres qui ont l’âme si peu élevée ; le plus grand nombre en effet, semblables à des gens qu’on vient de déchaîner, à des échappés de prison et d’une prison rigoureuse, se disent l’un à l’autre : Enfin nous voici au bout de cette rude traversée du jeûne ; et d’autres, encore plus pusillanimes, ont déjà peur du Carême à venir. Cela vient de ce que, tout le reste du temps, ils se livrent à tous les excès du luxe, de la débauche et de l’intempérance dans la boisson. De sorte que si nous nous étions étudiés à vivre les jours ordinaires dans la sévérité, dans la réserve, nous regretterions le jeûné passé et nous accueillerions pleins de joie celui qui doit venir plus tard. En effet, que résulte-t-il pour nous du jeûne qui ne soit un avantage ? Tout est dans un calme profond, tout nage au sein d’une sérénité pure. Les maisons elles-mêmes ne sont-elles pas affranchies du tumulte, de l’agitation, des troubles de tout genre ? Mais plus encore que les maisons, l’esprit de ceux gui jeûnent est favorisé de cette tranquillité ; et la ville entière se modèle sur ce bon ordre qui règne dans les habitations et dans les âmes. On n’entend point le soir dés gens qui chantent, ni dans le jour des gens bruyants et enivrés, des gens qui crient et qui se battent : c’est au contraire un grand calmé de toutes parts. Ce n’est plus cela maintenant : à peine l’aurore a-t-elle lui, que les cris retentissent, le tumulte est partout, les cuisiniers vont et viennent tout affairés, la fumée obscurcit toutes les maisons, et aussi toutes les pensées, car les passions brûlent au fond de notre cœur, et la flamme des désirs déréglés monte soufflée par le luxe. C’est pourquoi nous cherchons encore le jeûne quand il est parti, car c’était lui qui réprimait tout cela. Et si nous avons laissé ce qu’il a de pénible, ne renonçons pas à le désirer, et n’en éteignons pas le souvenir maïs lorsqu’après le repas et le sommeil vous vous rendez à la place publique, et que déjà vous voyez la journée marchant à grands pas vers le soir, alors entrez dans cette église, approchez de cette chaire, et là souvenez-vous du temps du jeûne, où le temple était rempli de, monde se pressant autour de nous, où le zèle était ardent pour entendre la parole, où grande était la joie, où toutes les âmes étaient en éveil ; rassemblant dans, votre pensée tous ces détails, rappelez-vous ces jours désirables. Si vous êtes au moment de vous mettre à table, ayez-les encore à la mémoire en touchant à vos mets, et jamais vous ne pourrez vous laisser entraîner à l’ivresse ? mais de même qu’un homme qui possède une épouse respectable, vertueuse et digne, brûle pour elle d’un amour solide, et, même en son absence, n’ira jamais s’éprendre d’une femme perdue et débauchée, car son affection pour celle qui n’est pas là maîtrise sa pensée, et en ferme l’accès à tout autre amour : ainsi en arrive-t-il relativement au jeûne et à l’ivresse. Oui, si nous gardons la mémoire de la pratique noble et vertueuse du jeûne, nous repousserons avec une grande facilité l’ivresse, cette prostituée banale, cette mère de toute infamie, car le souvenir et l’amour du jeûne, mieux que le bras le plus vigoureux, écarteront l’impudente. Pour tous ces motifs, je vous exhorte donc à conserver toujours ces grands jours présents à votre esprit ; et afin de contribuer moi-même en quelque chose à cette souvenance, je veux me hasarder à vous proposer aujourd’hui ce même sujet que je me préparais à traiter alors, afin que la ressemblance de l’enseignement fasse naître en vous le souvenir de cette époque. Peut-être en effet l’avez-vous oubliée, parce que nous avons eu depuis lors plusieurs entretiens, et sur d’autres sujets. Car lorsque notre prélat fut de retour de son long voyage,