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fait reposer. Ce dernier sens tient à l’altération du mot. En effet, il l’appela Noé en disant Celui-ci nous fera reposer. (Gen. 5,29) C’est le déluge qu’il appelle repos, car c’était du temps dé Noé que le déluge devait arriver ; or, le déluge fut une mort, mais la mort est un repos pour l’homme. (Job. 3, 23) Aussi appela-t-il l’homme qui fut contemporain du déluge, celui qui fait reposer.
6. Je ne tourmente pas l’Écriture, entendons l’Écriture elle-même : Lamech ayant vécu cent quatre-vingt-huit ans engendra un fils, qu’il nomma Noé, disant : Celui-ci nous fera reposer de nos travaux, et de nos douleurs, et des œuvres de nos mains, et nous consolera dans la terre que le Seigneur a maudite. (Gen. 5,28, 29) Que dites-vous, Nous fera reposer ? Pourquoi ne pas dire, celui-ci nous tuera, celui-ci suscitera le déluge ; pourquoi dire au contraire, Celui-ci nous fera reposer ? Toute la création est bouleversée, tous les abîmes s’entrouvrent, déchirés dans leurs profondeurs, des hauteurs du ciel, les cataractes épanchent tous leurs flots, plus rien partout, qu’une mer étonnante, stupéfiante, épouvantable ; dans la matière détrempée, devenue la fosse commune, la tombe de l’univers, se cachent à la fois les cadavres des hommes, les cadavres des chevaux, les cadavres des animaux sauvages, et ces affreux malheurs, cet affreux désastre, répondez-moi, c’est ce que vous appelez un repos ? Oui, assurément, dit le texte. Car les hommes vivaient dans la corruption : cette corruption, le déluge l’a retranchée ; ceux qui ont été affranchis de cette corruption, se sont enfin reposés. Un corps possédé de diverses maladies, qu’aucun remède ne peut guérir, quand la mort survient, a trouvé le repos ; telle était cette génération d’hommes, semblables à des corps atteints de maladies incurables sans aucun espoir de guérison ; le déluge qui les a surpris, les arrachant à leurs maux, leur a donné le repos. Car si la mort est un repos pour l’homme (Job. 3, 23), à bien plus forte raison, est-elle un repos pour ceux qui vivent dans une corruption incurable ; elle les affranchit de leurs maux, elle ne permet pas à l’ulcère de l’impiété de progresser indéfiniment, au fardeau des péchés d’excéder toute mesure, en pesant sur nous. Rien de plus insupportable, de plus accablant que le péché ; rien de plus misérable, de plus fécond, en douleurs, que la perversité et ses dérèglements. De là, les paroles du Christ, à ceux qui vivaient dans le péché, Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués, et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. (Mt. 11,28) Et voilà pourquoi Lamech a appelé le déluge un repos, c’est qu’il devait, en survenant, mettre un terme à la perversité. Je voulais prolonger ce discours ; beaucoup de réflexions ont été omises qui se rapportent au nom de Noé ; mais retenez dans votre mémoire, méditez ce que vous avez en tendu, faites-en part à nos frères absents ; épargnez-nous la nécessité de recourir encore à de longs préambules, pour montrer comment nos entretiens s’enchaînent ; terminons ce discours par des prières ; bénissons Dieu, qui nous a permis de vous faire entendre ces paroles ; à lui, la gloire, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Traduit par M. PORTELETTE.