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d’Abraham étaient des justes ? est-ce qu’ils étaient agréables à Dieu ? est-ce qu’ils connaissaient les choses futures ? est-ce qu’ils prévoyaient la promesse que devait faire le Seigneur ? n’étaient – ce pas des impies, des idolâtres, plus que des barbares ? Je ne l’ignore pas, je le sais bien, et, si je loue cet homme juste, c’est qu’avant de tels parents, il est lui-même devenu tel que nous le voyons. Voilà en effet ce qui est étrange, merveilleux ; d’une racine sauvage un fruit si doux ! Il ne faut pas faire de la malice des parents un sujet d’accusation contre les enfants qui vivent dans la piété ; mais s’il est permis de dire quelque chose qui étonne, au contraire c’est une gloire de plus pour ceux qui n’ont pas reçu la piété, comme un héritage de leurs pères, pour ceux qui n’ont pas eu de guides, pour ceux qui ont été comme des voyageurs dans un désert où nul chemin n’est tracé, d’avoir pu trouver la roule qui conduit au ciel.
Ce n’est donc pas un crime, un sujet d’accusation, d’avoir pour père un impie. Accusez celui qui reproduit l’impiété de son père ; accusons-nous surtout nous-mêmes ; non pas d’avoir des parents qui vivent dans l’abaissement, mais de ne pas prendre soin de nos parents, de ne pas faire tous nos efforts pour les retirer de leur impiété. Quand nous aurons, pour le salut de leur âme, fait tous les efforts dont nous sommes capables, s’ils persistent dans leur voie mauvaise, nous serons à l’abri de tout reproche, de toute accusation. Ces paroles, mon bien-aimé, c’est pour que vous ne vous troubliez pas, quand vous entendez dire, qu’Abrabam eut pour père un impie. Car Timothée lui-même eut pour père un impie. C’était le fils d’une femme : juive, fidèle, et d’un père gentil. (Act. 16,1) Que son père soit resté impie et ne se soit pas converti, c’est – ce qui ressort du passage où Paul, célébrant la foi de Timothée s’exprime ainsi : Me représentant cette foi sincère qui est en vous, qu’a eue premièrement Loïde, votre aïeule, et Eunice votre mère, et que je suis très-persuadé que vous avez aussi. (2Tim. 1,5) On ne trouve nulle part le nom de son père, et pourquoi ? C’est que persévérant dans l’impiété, cet homme ne méritait pas d’être nommé avec son fils. Que les apôtres aient eu aussi des parents égarés, c’est ce que le Christ a déclaré par ses paroles  : Si c’est par Béelzébub que je chasse les démons, par qui vos enfants les chassent-ils ? C’est pourquoi ils seront eux-mêmes vos juges. (Mt. 12,27) Ne vous troublez pas, ne soyez pas scandalisés. Nous apprenons ici, que ce n’est pas la nature, que c’est la volonté qui constitue la vertu et le vice, En effet, s’il fallait s’en prendre à la nature, les méchants n’engendreraient jamais que des méchants, et les bons, que des bons. Mais, parce que c’est la volonté qui constitue, soit la vertu, soit le vice, il arrive souvent que des pères vicieux ont des enfants vertueux ; que des pères, solides dans la sagesse, ont eu pour fils des négligents, des lâches. Ce qui prouve que ce n’est pas la nature, mais toujours la volonté que nous devons accuser. Mais puisque les parents d’Abraham étaient, comme je l’ai dit, des impies, d’où vient qu’ils lui ont donné ce nom ? Ce fut l’œuvre de la divine sagesse ; elle se servit de la langue des incrédules, pour donner à un enfant un nom qui renfermait l’histoire à venir. Cette même puissance, le Seigneur l’a montrée à propos de Balaam, qu’il força à prédire l’avenir (Nb. 23), montrant par là, qu’il commande, non seulement à ceux qui lui appartiennent. mais qu’il est aussi le maître de ceux mêmes qui ne sont pas à lui. Et, pour vous apprendre que des parents sans piété, souvent, à leur insu ; donnent, à des justes, des noms qui renferment une grande indication des choses à venir, nous vous apporterons un autre exemple : Lamech fut le père de Noé ; de ce Noé qui vécut au temps du déluge ; ce Lamech n’était ni juste, ni agréable à Dieu, ni approuvé de Dieu ; car, s’il eût été juste, agréable à Dieu, approuvé de Dieu, l’Écriture ne dirait pas que Noé seul fut trouvé juste, au milieu des hommes de son temps. (Gen. 6,9) L’Écriture n’aurait pas omis de mentionner le père de l’homme juste, si ce père eût été juste lui-même. Eh bien ! que fit-il ? Il donna à son fils un nom qui renfermait une grande indication des choses à venir. Le nom donné au juste, était une prophétie. (Gen. 5,29) Ce nom, en effet, montrait le déluge qui allait venir. Comment le déluge qui allait venir, se montrait-il dans le nom de Noé ? Noé, en hébreu, signifie, celui qui fait reposer, car Nia, en syrien, signifie repos ; de même donc que, du mot Abar, qui signifie au-delà, on a fait Abraham ; de même que, de AEdem, qui signifie terre, on a fait Adam, qui signifie sorti de la terre ; de même ici, de Nia, qui signifie repos, on a fait Noé, qui signifie qui