Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/488

Cette page n’a pas encore été corrigée

lui-même dans le péché ; de même, l’homme miséricordieux que touche la pitié, quand le prochain succombe, trouvera lui-même, s’il vient à tomber, un grand nombre d’amis pour lui tendre la main. Et ce que je dis maintenant, ce n’est pas afin d’encourager la négligence de ceux qui se montrent rarement au milieu de nous ; mais c’est que je désire voir s’augmenter notre zèle pour eux, de telle sorte que notre sollicitude soit un tempérament de sagesse et d’affection. Je sais bien d’ailleurs, que nous aussi, ces jours passés, nous avons prononcé contre eux grand nombre de longs discours et nous avons dit qu’ils ne méritaient pas d’être appelés des hommes. Vous vous souvenez que nous avons suscité contre eux les prophètes, deux surtout, dont l’un dit ces paroles : Je suis venu, et il ne s’est point trouvé d’hommes ; j’ai appelé, et il ne s’est pas trouvé d’auditeur. (Is. 50,2) Un autre prophète s’écrie et dit : A qui adresserai-je ma parole et qui conjurerai-je de m’écouter ? Leurs oreilles sont incirconcises et ils ne peuvent entendre. (Jer. 6,10) Par ces paroles, nous les avons assez sévèrement traités ; mais à présent, nous prenons un autre langage et nous leur adressons des prières ; car, c’est Paul qui nous en donne le conseil : Reprenez, dit-il, réprimandez, suppliez. (2Tim. 4,2) Et en effet, il ne faut pas se borner toujours, soit à la réprimande soit à la prière qui supplie, mais il faut employer alternativement la réprimande et la prière, afin qu’il en résulte une plus grande utilité. Si nous ne faisions jamais que les réprimander, ils perdraient, de plus en plus, toute honte ; si nous ne faisions jamais que supplier, ils deviendraient de plus en plus relâchés. Les médecins le savent bien : ils ne se bornent pas à couper les chairs, mais ils pansent aussi les blessures ; ils ne prescrivent pas toujours des breuvages amers, mais parfois des potions agréables. Ces amers breuvages purifient lé sang ; les potions plus douces calment les douleurs, et voilà pourquoi, dans un autre endroit, Paul dit encore : Mes frères, si un homme est tombé par surprise en quelque péché, vous autres qui êtes spirituels, ayez soin de lé relever, dans un, esprit de douceur, chacun de vous faisant réflexion sur soi-même et craignant d’être tenté, aussi bien que lui. (Gal. 6,1) Avertissement excellent ; conseil parfait, qui montre les entrailles d’un père ; digne de sa grande sollicitude pour nous ; Mes frères : voilà le vrai langage de Paul, voilà un titre suffisant pour conquérir la bienveillance de l’auditeur. C’est comme s’il disait : Vous êtes sortis des mêmes flancs, vous devez la vie aux mêmes douleurs, vous avez eu même nourriture, même père, qui vous a enfantés, par le spirituel enfantement ; montrez cette parenté, cette fraternité, même quand vous corrigez les péchés du prochain. Si un homme est tombé, par surprise. Il ne dit pas : Si un homme a péché, mais il s’empresse de montrer un genre de péché qui mérite particulièrement l’indulgence. Si un homme est tombé par surprise, c’est-à-dire, a succombé à une tentation forte, s’est égaré ; il n’entend pas celui qui a péché de propos délibéré, mais celui qui, voulant bien faire, a été renversé, vaincu par le pouvoir du démon. Un tel homme mérite moins d’être accusé, que d’obtenir son pardon. Si un homme est tombé par surprise, un homme ; autre raison d’excusé, la faiblesse de la nature, qu’il s’est empressé d’indiquer par le mot homme. Donc, de même que cet homme d’un si grand cœur, Job, voulant se concilier la clémence de Dieu, disait : Qu’est-ce qui l’homme pour mériter que vous le regardiez comme quelque chose, et que vous observiez ses péchés ? de même, nous, à notre tour, hâtons-nous de dire, quand un homme est en cause pour ses péchés : c’est un homme, et tempérons, par la considération de la nature, l’excès de l’indignation. Voilà pourquoi Paul s’empresse d’indiquer l’infirmité de la nature, en disant : Si un homme est tombé, par surprise dans quelque péché. Il ne dit pas les grands péchés, qui ne méritent ni indulgence, ni pardon, mais les petits, où se font les faux pas. Vous qui êtes spirituels. Celui qui pèche, c’est l’homme ; mais ceux qui font les bonnes œuvres, il les nomme spirituels ; pour le pécheur, il emploie le terme qui marque la nature ; il applique aux autres le nom qui désigne la vertu.
Il y a une grande différence entre l’homme, et l’être spirituel. Vous qui êtes spirituels. Si tu es spirituel, montre-moi ta force, non pas en opérant ton salut, mais en opérant mon salut, mais en m’apportant ton secours, à moi qui suis tombé. C’est là, en effet, le propre de celui qui est spirituel ; il ne dédaigne pas ses membres en péril. Ayez soin de le relever. Faites, dit-il, qu’on ne puisse pas le prendre, qu’il ne se fatigue pas en combattant, que, dans sa lutte contre le démon, il ne succombe pas. Chacun de vous, faisant réflexion sur soi-même, et craignant d’être tenté, aussi bien que lui.
2. Voilà le conseil par excellence, l’avertissement le plus puissant pour forcer la volonté. Fussiez-vous de pierre, quand vous entendez cette parole, elle suffit pour vous inspirer la terreur, pour vous exciter à secourir celui qui est tombé. Vous ne voulez pas, dit-il, avoir pitié, à titre de frères, vous ne voulez pas pardonner à ceux qui sont dés hommes ? Vous ne voulez pas, à titre d’êtres spirituels, tendre la main aux malheureux ? Considérez votre condition, et vous n’aurez pas besoin qu’on vous conseille ; de vous-mêmes, vous porterez secours à celui que vous voyez par terre, et vous irez le consoler. Comment ? et pourquoi ? Chacun de vous faisant réflexion sur soi-même, et craignant d’être tenté, aussi bien que lui. Il ne dit pas : Car, après tout, vous commettrez, vous aussi, des péchés ; cette parole eût été trop dure ; mais que dit-il ? Craignant d’être tenté, aussi bien que lui. Il peut se faire en effet que vous commettiez des péchés ; il peut se faire aussi, que vous ne péchiez pas ; et parce que l’avenir est incertain, préparez pour vous-mêmes la réserve de la miséricorde, par votre charité envers le prochain, et vous retrouverez, si vous venez à faillir, l’abondance de miséricorde misé par vous en réserve. Il ne dit pas : Craignant de pécher aussi soi-même, craignant de tomber aussi soi-même ; faites bien attention, considérez la mesure juste des expressions ; mais, craignant d’être tenté aussi bien que lui ; ce qui indique, et que nous avons un ennemi particulier qui nous tente, et que ce tentateur n’a pas un moment fixe et déterminé pour nous tendre ses pièges. En effet ; la plupart du temps, c’est quand nous dormons, quand nous né sommes pas sur nos gardes, qu’il nous attaque, et voilà pourquoi celui qui est tombé par surprise ; est digne de pardon, c’est qu’il a été pris par le tentateur. Le combat n’était pas ostensible ; le jour de la bataille n’avait pas été désigné ; l’attaque a eu lieu à l’improviste, et voilà pourquoi le démon a eu le dessus. Tels sont les sentiments des matelots qui voguent sur le grand espace des mers ; ils ont beau avoir pour eux les vents favorables ; ils ont beau jouir d’une parfaite sécurité ; cependant, s’ils voient, de loin, un naufrage, ils ne se bornent pas à