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comprenons mieux, après l’avoir commis, et, nous le comprenons, d’une manière beaucoup plus claire encore, quand vient le châtiment. Ainsi Caïn savait, avant de tuer son frère, que ce meurtre était une action mauvaise ; il le comprit ensuite plus clairement, quand il fut puni. Nous aussi, nous savons bien que la santé est une bonne chose, et que la maladie est importune, nous savons cela, avant l’expérience ; mais nous comprenons beaucoup mieux, quand nous sommes malades, la différente de la santé et de la maladie.
3. C’est de la même manière, assurément, qu’Adam savait que l’obéissance est un bien, et, au contraire, la désobéissance un mal. Il le vit ensuite plus clairement, lorsqu’après avoir goûté du fruit, il fut chassé du paradis, et déchu de cette félicité parfaite. Quand il eut encouru le châtiment, pour avoir, malgré la défense de Dieu, goûté du fruit de l’arbre, l’expérience de la punition lui fit mieux comprendre tout ce qu’il y a de mal dans la désobéissance à Dieu, tout ce qu’il y a de bien dans l’obéissance. Voilà pourquoi cet arbre est appelé l’arbre de la science du bien et du mal. Mais, si la connaissance du bien et du mal, n’a pas été le fruit même de l’arbre, si après que l’homme eut mangé le fruit, c’est le châtiment qui lui a manifesté cette connaissance, d’où vient que l’arbre a reçu le nom d’arbre de la science du bien et du mal ? Rien d’étonnant à cela ; c’est l’usage de l’Écriture de donner, aux lieux et aux temps, des noms pris des choses qui s’y sont produites. Pour être plus clair, je vais citer un exemple : Isaac creusa un puits que ses voisins entreprirent de combler ; de là des querelles, et Isaac, appela le puits, Inimitié. Ce n’était pas que le puits exerçât des inimitiés (Gen. 26,21), mais c’est que des inimitiés s’étaient élevées à propos de ce puits ; de même, cet arbre s’appelle l’arbre de la science du bien et du mal, non pas qu’il eut cette science en lui, mais parce qu’il avait été l’occasion qui avait fait reconnaître la science du bien et du mal. Abraham creusa encore un puits, et Abimélech prépara des embûches à Abraham ; ils se réconcilièrent, déposèrent leurs inimitiés, se prêtèrent un mutuel serment et appelèrent ce puits le Puits dit Serment. Comprenez-vous que le lieu n’est pas la cause de ce qui arrive, quoiqu’il tire son nom de ce qui est arrivé ? S’il faut, à toute force, des exemples, pour rendre plus manifeste ce que nous vous disons, voyez encore : Jacob vit des anges qui venaient au-devant de lui et le camp de Dieu ; alors il appela cet endroit le Camp. (Gen. 32,2) Ce lieu n’était pourtant pas un camp, quoiqu’il ait été appelé de ce nom ; mais. C’est que Jacob y avait vu un camp. Comprenez-vous comme un événement, arrivé dans un lieu, a donné, à ce lieu, son nom ? Il en est de même de l’arbre de la science du bien et du mal ; ce n’est pas que l’arbre eût en lui-même cette science, mais c’est qu’il fut le lieu, où la science se manifesta. Autre exemple encore : Jacob vit Dieu, autant qu’un homme peut le voir, et il appela le lieu la Face de Dieu. Pourquoi ? parce que j’ai vu Dieu, dit-il. (Gen. 32,30) Cependant le lieu n’était pas la face de Dieu, mais il a reçu son nom de l’événement qui s’y est passé. Voyez-vous combien d’endroits nous servent à montrer que l’habitude de l’Écriture est de donner aux lieux, les noms des choses qui y sont arrivées ? La même observation s’applique en ce qui concerne les temps. Mais, pour prévenir votre ennui, allons, quittons ce sujet aride, passons à des réflexions plus agréables. Je vois bien que vous êtes fatigués d’avoir séjourné au milieu de pensées trop subtiles. Aussi convient-il de vous récréer, en repaissant votre esprit de pensées plus simples et plus riantes.
Revenons donc à l’arbre salutaire de la croix ; car cet arbre a fait disparaître tous les maux que l’autre avait introduits. Disons mieux, ce n’est pas l’autre arbre qui avait introduit les maux, c’est l’homme seul, et, après lui, c’est le Christ qui les a tous fait disparaître, et nous a apporté des biens de beaucoup plus considérables. De là, ce que dit Paul ; Où il y a eu abondance de péchés, il y a eu ensuite surabondance de grâces (Rom. 5,20) ; c’est-à-dire le don est plus grand que le péché. Mais il n’en est pas de la grâce comme du péché (Rom. 5,15) Dieu n’a pas mesuré à la grandeur du péché, la grandeur du don ; à la grandeur de la perte, la grandeur du gain ; à la valeur du bâtiment naufragé, la valeur des bénéfices ; mais les biens, ont surpassé les maux, et la raison en est évidente. En effet, c’est l’esclave qui a introduit les maux, ils étaient moindres ; mais les biens viennent de la grâce du Maître, ils ont été plus considérables. De là, cette parole  : Mais il n’en est pas de la grâce comme du péché. Paul explique