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de ses frères, il le mit encore plus à nu ; et, conséquence de sa faute, il est devenu l’esclave de ses frères. Sa volonté pervertie dégrada la noblesse de sa nature, et sa punition fut juste. L’Écriture, en effet, présente mille excuses en faveur du juste Noé. Noé, s’appliquant à l’agriculture, commença, dit le texte. (Gen. 9,20) Ce commença est pour l’ivresse une excuse considérable ; il ne savait pas encore la quantité de vin qu’on pouvait boire, ni de quelle manière on devait le boire ; pur ou mélangé d’eau ; ni quand on devait le boire, tout de suite, au sortir du pressoir, ou s’il fallait attendre quelque temps. C’est ainsi que l’Écriture excuse l’action de Noé ; mais maintenant, celui qui était un fils de Noé, qui lui devait sa conservation (en effet, c’est à cause du privilège accordé à son père, qu’il n’avait pas été exterminé avec les autres par la tempête universelle), sans aucun respect naturel, sans aucun souvenir du salut qui lui avait été accordé, surmontant la crainte qui aurait dû le ramener à de meilleurs sentiments ; et cela, quand il restait encore tant de preuves de la colère divine ; quand il voyait encore partout les traces d’une immense calamité ; quand l’horreur du sinistre récent était encore vivante, il n’a pas craint d’outrager son père. Un sage prévient ces fautes par l’avertissement qu’il donne ainsi : Ne vous glorifiez pas de l’outrage fait ci votre père, car ce n’est pas une gloire pour vous, que votre père soit outragé. (Eccl) Mais Cham ne connaissait pas cette parole, et il commit un péché qui ne mérite ni pardon ni excuse. En punition de son péché, il encourut la servitude ; il devint l’esclave de ses frères ; la prérogative d’honneur que la nature lui avait conférée, il la perdit par la perversité de son âme. Voilà la seconde espèce de servitude.
Voulez-vous en connaître maintenant une troisième, plus douloureuse, celle-ci, que les deux premières, et beaucoup plus redoutable ; car, ces deux servitudes n’ayant pas suffi à nous corriger, Dieu a rendu nos chaînes plus pesantes. Quelle est donc cette troisième servitude ? Celle qui nous assujettit à des princes, à des puissances ; elle ne ressemble pas à celle de la femme, à celle des esclaves ; elle est de beaucoup plus redoutable. Les yeux voient de toutes parts les glaives aiguisés, les bourreaux, les supplices, les tortures, les châtiments, un pouvoir de vie et de mort. Maintenant, pour vous faire comprendre que cette espèce de domination est aussi un résultat du péché, voici Paul qui vient lui-même ; écoutez ses réflexions sur ce sujet : Voulez-vous ne point craindre les puissances, faites le bien et elles vous en loueront ? Si vous faites le mal, craignez, car ce n’est pas en vain que le prince porte l’épée. (Rom. 13,3-4) Comprenez-vous que c’est contre les méchants qu’il y a des princes et des épées ? Écoutez cette parole, plus claire encore, car le prince punit, dit-il, celui qui fait le mal. L’Apôtre ne dit pas : Car ce n’est pas en vain qu’il est prince, mais, que dit-il ? Car ce n’est pas vain que le prince porte l’épée. C’est un juge armé que Dieu a mis au-dessus de toi. Un père qui aime ses enfants, quand il les voit négliger leurs devoirs, quand il voit que sa bonté paternelle lui attire leur mépris, les confie alors, n’écoutant encore que sa bonté, à des précepteurs qui inspirent plus de crainte ; c’est ainsi que Dieu, se voyant méprisé par nous, à cause de sa bonté, nous a livrés à ces pédagogues qu’on appelle les princes, pour corriger notre négligence. Si vous voulez, ouvrons l’Ancien Testament, nous y verrons que c’est notre perversité quia rendu nécessaire cette domination. Un prophète, enflammé de colère contre des hommes injustes, fait entendre ces paroles : Pourquoi demeurez-vous dans le silence pendant que l’impie dévore le juste ? Pourquoi traitez-vous les hommes comme des poissons de la mer, et comme des reptiles qui n’ont point de roi. (Hab. 1,13-14) Donc, si le roi existe, c’est pour que nous ne soyons pas comme des reptiles ; s’il y a un prince, c’est pour que nous ne nous dévorions pas mutuellement comme des poissons. Car, de même qu’on a inventé les médicaments à cause des maladies, de même, les supplices ont été institués en vue des fautes. L’homme vertueux n’a pas besoin d’un tel pouvoir au-dessus de lui ; voilà pourquoi vous avez entendu Paul vous dire : Voulez-vous ne point craindre les puissances, faites le bien, et elles vous en loueront. Votre juge, dit-il, vous regarde ; si vous faites le bien, non seulement il vous regarde, mais il vous décerne des éloges. Mais à quoi bon vous parler de la nécessité des princes, quand les sages sont au-dessus d’autres puissances de beaucoup plus hautes ? les princes eux-mêmes ont, pour princes, les lois. Eh bien ! il n’a pas besoin des lois, celui qui pratique la modération,