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aurait pris la fuite ; elle n’aurait pas écouté son conseil ; elle n’aurait pas conversé si tranquillement avec lui ; tout de suite, épouvantée à son aspect, elle aurait pris la fuite. Au contraire, elle converse avec lui, et elle ne le craint pas, parce qu’il n’inspirait pas encore l’épouvante. Mais, quand le péché fut entré dans le monde, notre privilège nous fut enlevé ; de même que, parmi les serviteurs, les plus honnêtes, les plus distingués, sont redoutés de leurs compagnons, tandis que ceux qui ont offensé leur maître, craignent ces compagnons de leur domesticité ; de même, tant que l’homme conserva intacte la vertu qui faisait sa confiance auprès de Dieu, il fut terrible aux animaux ; mais dès qu’il eut offensé Dieu, il commença à redouter même le dernier de ses compagnons d’esclavage. S’il n’en est pas ainsi, montrez-moi donc, avant le péché, les animaux redoutés par l’homme ; impossible à vous.
Si la crainte est venue après le péché, c’est encore là une preuve de la sollicitude de Dieu pour nous ; car, si, après l’infraction à la loi de Dieu, l’homme eût conservé intact l’honneur que Dieu lui avait conféré, il ne lui aurait pas été facile de se relever de sa chute. Quand on voit la désobéissance et l’obéissance jouir des mêmes honneurs, la perversité s’accroît et l’on ne se corrige pas facilement de ses vices. Si les méchants, malgré leur terreur, les châtiments et les supplices imminents ; ne viennent pas à résipiscence, que serait-il, qu’arriverait-il s’ils n’avaient rien à souffrir pour leurs méfaits ? Ainsi, en nous enlevant notre domination, Dieu nous a montré, d’une manière particulière, sa sollicitude pour nous. Ce n’est pas tout. Voyez encore éclater ici son ineffable bonté ; Adam a violé tout à fait la défense, transgressé tout à fait la loi ; mais Dieu ne lui a pas enlevé tout à fait son privilège ; il ne lui a pas repris tout à fait son pouvoir ; il s’est contenté de supprimer son empire sur les animaux qui ne lui sont pas d’un grand secours pour les besoins de la vie. Quant à ceux qui nous sont nécessaires, utiles, qui nous rendent de grands services, Dieu a permis qu’ils nous fussent assujettis. Il nous a laissé les troupeaux de bœufs, pour tirer la charrue, pour creuser nos sillons, pour ensemencer la terre ; il nous a laissé ceux qu’on met sous le joug, pour porter avec nous nos fardeaux, et partager nos fatigues ; il nous a laissé les troupeaux de brebis, pour nous fournir nos vêtements à suffisance ; il nous a laissé d’autres espèces d’animaux, qui nous sont d’une grande utilité, pour différents besoins. Sans doute en punissant l’homme, Dieu avait dit : Vous mangerez votre pain à la sueur de votre front (Gen. 3,19), mais Dieu n’a pas voulu que cette sueur, que la fatigue, que la peine fût insupportable ; et cette sueur importune, ce labeur pesant, il en adoucit le poids par la multitude des bêtes de somme qui travaillent avec nous, et partagent nos fatigues.
Comme un maître clément et sage, après avoir flagellé son serviteur, prend soin d’adoucir la souffrance causée par les verges, ainsi, après que Dieu eut infligé à l’homme coupable son châtiment, il a voulu, par tous les moyens, rendre ce châtiment plus léger ; en nous condamnant pour toujours, à la sueur et au travail, il a pourvu à ce que notre travail fût soulagé par un grand nombre d’animaux. Pour toutes ces choses, bénissons le Seigneur. L’honneur qu’il nous a conféré, qu’il nous a enlevé plus tard, sans nous l’enlever tout entier, la frayeur qu’il nous a inspirée à l’égard des animaux, tout ce que Dieu a fait, révèle, à un esprit attentif, la grandeur de sa sagesse, la grandeur de sa sollicitude, la grandeur de sa clémente. Puissions-nous tous jouir éternellement, de cette clémence, pour la gloire du Dieu quia si bien fait toutes ces choses ! A lui la gloire, dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.