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abattre par la fatigue, et mettons-nous à notre recherche. Vous avez entendu que Dieu a créé l’homme à son image et nous vous avons dit que ces mots, à son image et ressemblance, n’exprimaient pas une comparaison de substances, mais la ressemblance de la domination. Allons plus loin maintenant : A notre ressemblance, cela veut dire : qu’il faut que l’homme ait la douceur et la mansuétude, qu’il se rende, par la vertu, dans la mesure de ses forces, semblable à Dieu, selon ce que dit le Christ : Soyez semblables à mon Père qui est dans les cieux. (Mt. 5,45) En effet, de même que, sur la vaste étendue de notre terre, il y a des animaux, les uns plus dépourvus d’intelligence, les autres plus féroces ; ainsi, dans les plaines de notre âme, se trouvent certaines pensées, les unes plus dépourvues de raison, les autres plus féroces et plus cruelles ; donc, il faut les soumettre, les dompter, donner à la raison la mission de les dominer. Mais, me dira-t-on, soumettre une pensée sauvage et féroce, est-ce possible ? Que demandez-vous, ô homme ? Nous soumettons des lions, nous apprivoisons leurs âmes, et vous ne savez pas s’il est possible d’adoucir la férocité de vos pensées ? Voyez donc : la férocité est naturelle au lion, la douceur est une exception contraire à sa nature ; tandis que, chez vous, la bonté est naturelle, c’est la férocité qui est contraire à votre nature. Eh bien ! vous qui chassez, de l’âme d’une bête, ce qui lui est naturel, pour y insérer ce qui est contraire à votre nature, vous ne pourrez pas dans votre âme, à vous, conserver ce qui est conforme à votre nature ? Comment ne pas voir là une honteuse indifférence ? Car, en ce qui concerne l’âme du lion, outre la difficulté que je viens de dire, il en est une autre. En effet l’âme de la bête n’est pas capable de raisonnement, et cependant vous avez vu souvent des lions, plus doux que des brebis ; conduits sur les places publiques ; on en voit un grand nombre dans les boutiques, compter de l’argent à leur gardien comme pour le payer de l’adresse, de l’habileté avec laquelle il a su apprivoiser un être dépourvu de raison. Mais, dans votre âme, il y a, et la raison, et la crainte de Dieu, et mille ressources d’un grand secours. Cessez donc d’opposer des prétextes et des excuses ; vous pouvez, si vous voulez, devenir doux et bons. Faisons l’homme à notre image et ressemblance et qu’il domine sur les animaux.
2. Ici, les Gentils nous attaquent, et prétendent que nous sommes dans l’erreur ; que nous ne commandons pas aux animaux, que ce sont eux qui nous commandent par l’épouvante qu’ils nous inspirent ; rien n’est plus contraire à la vérité. Il suffit à l’homme de montrer sa face aux animaux, pour leur faire prendre la fuite, tant est grande la terreur que nous leur inspirons. S’il arrive que, pour se venger, ou encore parce que la faim les presse, ou encore parce que nous les réduisons à quelque extrémité, parce que nous leur faisons violence, ils se jettent sur nous, on ne peut pas dire, en vérité, pour ces raisons, qu’ils nous dominent. Supposez un homme qui s’arme à la vue des brigands fondant sur lui, un homme qui s’apprête à se défendre, on n’appellera pas cela de la domination, mais le soin de sa propre défense. Cependant je ne tiens pas à cette observation, j’en veux une autre qu’il vous sera utile d’entendre. Nous craignons les animaux, ils nous épouvantent, et nous sommes déchus de notre domination ; je n’en disconviens pas ; je m’empresse, au contraire, de le reconnaître, Ce fait pourtant ne prouve pas que la loi de Dieu soit trompeuse. Les choses, en effet, ne se passaient pas, ainsi, dans le principe. Alors les animaux craignaient l’homme ; et tremblaient devant lui, et se soumettaient à lui, comme à leur maître ; mais, parce que nous avons perdu la confiance que l’innocence nous donnait, parce que nous sommes déchus, il nous est arrivé qu’aujourd’hui, nous redoutons les animaux. La preuve ? Dieu amena les animaux devant Adam, pour voir comment il les appellerait. (Gen. 2,19) Et Adam ne sauta pas en arrière comme effrayé, mais il donna, à tous les animaux, leur, nom, comme à des serviteurs rangés sous sa loi ; voilà la marque de la domination. C’est pourquoi Dieu, voulant manifester la dignité de l’homme, par cette prérogative, lui permit d’imposer les noms qu’il voudrait, et les noms imposés par Adam, leur sont restés depuis ces temps anciens. Et le nom qu’Adam donna à chacun des animaux est son nom véritable. Voilà donc une première preuve, qui montre qu’au commencement, l’homme ne craignait pas les animaux. En voici une seconde, plus claire encore que la première, l’entretien de la femme avec le serpent. Si les animaux eussent paru redoutables au premier homme, la femme, à la vue du serpent, ne serait pas restée près de lui ; elle