Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/452

Cette page n’a pas encore été corrigée

la beauté de la créature nous fait comprendre, par analogie, la nature du Créateur, plus nous nous attacherons à contempler la grandeur et la beauté de la créature, plus nous avancerons dans la connaissance du Créateur.
C’est un grand bien que de savoir ce qu’est la créature, ce qu’est le Créateur ; quel est l’ouvrage, quel est l’ouvrier. Si les ennemis de la vérité avaient su distinguer exactement ces choses, ils n’auraient pas tout confondu, tout bouleversé ; voyez, il ne leur a pas suffi de rabaisser les étoiles et le ciel, et d’exalter la terre, ils ont encore précipité le roi du ciel de son trône royal, ils l’ont confondu avec la créature, et ils ont décerné à la créature les honneurs de la divinité. Si les manichéens avaient su distinguer la vérité, au sujet de la création, ils n’auraient pas décerné à ce qui a été fait de rien, à ce qui est corruptible, sans consistance, toujours changeant, les honneurs qui ne conviennent qu’à L’Être incréé. Si les Grecs avaient su distinguer la vérité au sujet de la création, ils ne se seraient pas égarés, ils n’auraient pas honoré, adoré la créature, au lieu du Créateur. Si le ciel est beau, c’est pour que vous vous incliniez devant Celui qui l’a fait ; si le soleil est brillant, c’est pour que vous offriez votre culte à Celui qui a produit le soleil ; mais si vous ne voyez pas plus loin que les merveilles de la créature, si la beauté de l’ouvrage absorbe vos regards, la lumière alors devient pour vous l’obscurité, ou plutôt vous tirez de la lumière l’obscurité. Voyez-vous le grand avantage de comprendre les raisons de la création ? Ne négligez donc pas ce profit ; soyez attentifs à nos paroles ; nous ne vous parlerons pas seulement du ciel, et de la terre, et de la mer, mais encore de notre origine ; d’où vient la mort, d’où viennent les fatigues, et les découragements, et les soucis. Car Dieu, pour se justifier, en ce qui concerne ces questions et un grand nombre d’autres, nous a envoyé son livre ; car Dieu ne dédaigne pas de se défendre, mais il nous crie par son Prophète : Venez et soutenez votre cause contre moi, dit le Seigneur. (Is. 1,18) Et non seulement il se défend et il plaide ; mais, de plus il nous enseigne à fuir notre condamnation. En effet, il ne dit pas seulement : Venez et soutenez votre cause contre moi. Il commence par nous apprendre ce qu’il faut dire, ce qu’il faut faire, ce n’est qu’ensuite qu’il nous traîne au tribunal. Écoutez donc la parole du Prophète, en reprenant le texte de plus haut : Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de devant mes yeux la malignité de vos pensées ; apprenez à faire le bien ; faites justice à l’orphelin ; défendez la veuve. (Id. 16) Et c’est alors qu’il ajoute : Venez et soutenez votre cause contre moi, dit le Seigneur. Je ne veux pas, nous dit-il, vous prendre au dépourvu, sans moyen de défense ; je vous veux au contraire munis de raisonnements et d’excuses, quand je vous appelle à rendre vos comptes. Car, si je veux discuter avec vous, ce n’est pas pour vous condamner, mais pour vous faire grâce. Aussi, dit-il dans un autre passage : Dis le premier tes iniquités, afin que tu sois justifié. (Is. 43,26) Tu as en moi un accusateur amer et cruel ; empresse-toi de le prévenir, parle, ferme-lui sa bouche impudente.
2. Au commencement du monde, Dieu s’entretenait par lui-même avec les hommes, leur parlant autant qu’il est possible aux hommes de l’entendre. C’est ainsi qu’il vint trouver Adam, c’est ainsi qu’il réprimanda Caïn ; c’est ainsi qu’il conversa avec Noé ; c’est ainsi qu’il se fit l’hôte d’Abraham. Mais, quand notre nature se fut inclinée au mal, et comme condamnée à un lointain exil, dès lors Dieu, nous traitant comme des voyageurs qui vont au loin, nous envoya des lettres, comme s’il voulait, par cette correspondance, renouveler avec nous son ancienne amitié. Ce sont des lettres de ce genre, envoyées de Dieu, qu’apporta Moïse. Que nous disent-elles : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre ? Pourquoi ne nous parle-t-il ici ni des anges ni des archanges ? Si, en effet, le Créateur se montre dans les créatures, les anges peuvent beaucoup plus nous le faire voir ; la beauté du ciel n’égale pas la beauté de l’ange ; la splendeur du soleil n’égale pas la splendeur de l’archange. Pourquoi donc, négligeant la route plus élevée, nous conduit-il par la plus basse ? C’est qu’il converse avec les Juifs, peu intelligents, attachés aux choses des sens, revenus depuis peu de l’Égypte, où ils avaient vu des crocodiles, des chiens, des singes, honorés par les hommes, et on ne pouvait pas prendre le chemin le plus élevé, pour les conduire au Créateur. Sans doute, l’autre chemin est plus élevé, mais plus rude, escarpé, ardu pour les faibles. Voilà pourquoi Moïse conduit les Juifs par la route qui est plus facile, par le ciel, la terre, la mer et toutes les créatures visibles. Et ce qui prouve que je vous ai donné la vraie cause, c’est que,