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Et comment ? Ils l’ont vu par les yeux de la foi. Que l’on ne regarde donc pas cette dernière volonté comme de la pusillanimité, mais que l’on considère l’époque et la prévision qu’il avait de leur prochain retour, et qu’on absolve ce juste de toute accusation. Mais maintenant que les préceptes de la sagesse se sont accrus depuis la venue du Christ, on aurait raison de blâmer celui qui ferait de semblables recommandations.
Il ne faut pas regarder comme malheureux celui qui meurt sur la terre étrangère, ni celui qui sort de cette vie dans la solitude. Non, ce n’est pas celui-là qui mérite qu’on le plaigne, c’est celui qui est mort dans le péché, quand même il aurait rendu le dernier soupir, étendu sur son lit, dans sa maison, et entouré de ses amis. Et qu’on ne vienne pas me tenir ce langage, aussi froid que ridicule et insensé Cet homme est mort plus misérablement qu’un chien, aucune de ses connaissances n’assistait à ses derniers moments, et n’a pu lui fournir une sépulture, mais c’est au moyen d’une quête à laquelle ont contribué un grand nombre de personnes qu’on a pu suffire aux frais doses funérailles, Non, ô homme, ce n’est pas là finir plus misérablement qu’un chien. Quel dommage en a-t-il ressenti ? Il n’y a qu’une mort qui soit misérable, c’est de mourir sans être couvert du manteau de la vertu. Et pour nous prouver qu’une pareille mort ne déshonore en rien l’homme vertueux, sachez que nous ignorons même où la plupart des justes, je veux parier des prophètes et des apôtres, à l’exception d’un petit nombre, ont été ensevelis. Les uns en effet ont eu la tête tranchée, les autres ont expiré sous une grêle de pierres, d’autres enfin, enflammés par leur piété, se sont livrés à mille supplices différents, et ont tous péri martyrs de leur amour pour le Christ qui oserait dire que leur mort est ignominieuse ? Écoutons plutôt ces paroles de la sainte Écriture La mort des saints est précieuse devant les yeux dit Seigneur. (Ps. 115, 15) Et si elle déclare que la mort des saints est précieuse, entendons-la maintenant, quand elle dit que la mort des pécheurs est misérable. La mort des pécheurs, dit-elle, est misérable. (Ps. 33,22) Aussi quand même un homme mourrait dans sa maison, assisté de sa femme et de ses enfants, entouré de ses amis et de ses connaissances, s’il n’est pas vertueux, sa fin sera misérable. Mais en retour celui qui meurt sur un sol étranger, dont le corps gît étendu sur les pavés ; que dis-je ? sur le sol étranger et sur les pavés ! celui-là même qui tombe entre les mains des brigands ; qui devient la proie des bêtes sauvages, s’il est doué de vertu, sa mort sera précieuse. Dites-moi, le fils de Zacharie n’a-t-il pas eu la tête tranchée ? Étienne, qui le premier a ceint la couronne du martyre, n’a-t-il pas été lapidé ? Quant à Paul et à Pierre, le premier n’a-t-il pas eu la tête tranchée ? l’autre n’a-t-il pas subi le supplice de la croix, attaché au gibet en sens contraire de son Maître ? N’est-ce, pas précisément à cause d’une telle mort que leurs louanges sont chantées et célébrées par toute la terre ?
2. Après toutes ces considérations, ne regardons pas comme malheureux ceux qui meurent sur la terre étrangère, n’estimons pas heureux ceux qui finissent leurs jours dans leur maison ; mais plutôt, suivant les paroles de la sainte Écriture, heureux ceux qui ont vécu dans la vertu et meurent dans les mêmes dispositions ; malheureux ceux qui meurent dans le péché ! Car que l’homme vertueux passe dans un monde meilleur pour y recevoir le prix de ses travaux, au contraire l’homme pervers voit commencer aussitôt son supplice, et forcé de rendre compte de ses actions, il est condamné à des souffrances intolérables.
Aussi faut-il que nous y réfléchissions, que nous cultivions la vertu, et que nous combattions dans cette vie comme dans une palestre, afin que, une fois le théâtre évacué, nous puissions attacher à notre front la couronne éclatante, et que nous ne soyons pas réduits à d’inutiles repentirs. Tant que dure la lutte, il nous est possible, si nous le voulons, de secouer notre nonchalance, et d’embrasser la vertu, afin que nous puissions obtenir les couronnes qui nous sont réservées. Mais, s’il vous plaît, reprenons la suite de notre discours. Après qu’il eut fait à son fils ces recommandations sur sa sépulture, et que Joseph lui eut répondu : J’accomplirai tes volontés ; Israël lui dit : Jure-le-moi. Et il le jura. Et Israël s’inclina profondément devant le bâton de commandement que portait Joseph. Voyez ce vieillard, ce patriarche, chargé d’années, témoigner en s’inclinant devant Joseph, toute la vénération qu’il a pour lui, et accomplir ainsi la vision. Lorsque Joseph lui eut raconté sa vision, Israël lui dit : Est-ce que ta mère et moi nous viendrons nous prosterner en terre