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Tel est, en effet, comme le prouve le contexte, le but de Moïse ; autrement il eût suffi de dire en général que Dieu vit que tout ce qu’il avait fait était bon. Mais parce que le Seigneur connaît l’infirmité de l’esprit humain, il a voulu louer séparément chacun de ses ouvrages, afin de nous faire connaître la souveraine sagesse et l’ineffable bonté qui ont présidé à leur création. Et du soir et du matin se fit le quatrième jour. Dieu, qui avait d’abord placé dans le ciel deux grands corps de lumière, en acheva l’ornementation en le décorant du feu des étoiles. Telle fut l’œuvre du quatrième jour, comme Moïse nous l’indique en disant que du soir et du matin se fit le quatrième jour. Mais s’il se répète ainsi à chaque jour de la création, c’est pour mieux graver dans nos esprits ses divines instructions.
6. Il nous importe donc de les graver, au plus profond de nos cœurs, et de secouer noire négligence habituelle, afin que, mieux instruits des dogmes de notre religion, nous puissions en tout esprit de douceur, éclairer les gentils, et dissiper leurs erreurs. Empêchons-les de confondre l’ordre des choses, et d’adorer au lieu du Créateur, les créatures qui n’ont été faites que pour notre salut et notre utilité. Oui, dût ma parole soulever tous les gentils, je publierai à haute voix que le monde n’a été créé que pour l’homme. Car Dieu se suffit à lui-même, et il n’a besoin d’aucun de ces biens extérieurs. Mais la création de l’univers nous manifeste sa bonté ; et il a entouré l’homme de tant d’honneur et d’estime qu’il lui a donné les créatures pour le conduire à la connaissance et à l’adoration du Créateur. Et en effet, n’est-il pas absurde de s’extasier, et de se prosterner devant ces créatures si belles, et de ne point élever sa pensée jusqu’à Celui qui les a faites ! Pourquoi ne croirions-nous pas à cette parole de l’Apôtre : Les perfections invisibles de Dieu sont devenues visibles depuis la création du monde, par tout ce qui a été fait ? (Rom. 1,20) Répondez-moi, ô homme ! Lorsque vous contemplez le ciel, n’admirez-vous pas cette beauté qui résulte de la variété, de l’élévation et de la splendeur des astres ? Mais ne vous arrêtez pas à ces objets sensibles, et atteignez par la pensée l’Auteur de tant de merveilles. L’éclat du soleil vous ravit d’étonnement, les divers phénomènes de sa lumière vous surprennent, et la splendeur de ses rayons, qui éblouit vos yeux, vous transporte d’admiration. Mais n’en demeurez pas là ; en voyant qu’une simple créature est si excellente qu’elle échappe à toute appréciation humaine, comprenez combien est grand et puissant Celui qui l’a produite par une seule parole. Appliquez le même raisonnement à la terre. Lorsque vous la voyez émaillée de mille fleurs, comme d’un vêtement parsemé de broderies, et couverte de fruits et de moissons, ne lui attribuez point cette admirable fécondité, et gardez-vous bien aussi d’en faire hommage à la coopération du soleil et de la lune ; mais souvenez-vous qu’avant la création de ces deux astres le Seigneur avait dit Que la terre produise les plantes verdoyantes, et que soudain la terre revêtit ses riches ornements.
Si nous faisions chaque jour ces réflexions, nous serions pénétrés de reconnaissance envers le Seigneur, et nous le louerions autant qu’il le mérite, ou du moins autant que nos forces nous le permettraient. Mais le meilleur moyen de le glorifier, est de mener une vie sainte, et de ne point retomber dans nos anciens péchés. C’est pourquoi ne nous laissons plus séduire par les illusions du démon, et méritons la grâce et la miséricorde divine par une vigilante attention sur nous-mêmes, un grand zèle, et l’assiduité aux devoirs de la prière publique. Car le Seigneur est à notre égard si miséricordieux, qu’il se contente de nos efforts pour éviter le péché, et nous facilite lui-même la pratique des bonnes œuvres. Que nul d’entre vous, je vous en conjure, ne paraisse dore dans les jeux du cirque, et ne consume une partie du jour en des réunions et des entretiens inutiles ; que nul d’entre vous ne se livre à la passion des jeux de hasard, et ne se mêle aux cris indécents et aux mille désordres qui les accompagnent. Eh ! de quoi vous sert-il, je vous le demande ; de jeûner et de ne prendre jusqu’au soir aucune nourriture, si vous passez toute la journée à jouer aux dés, si vous vous permettez de folâtres amusements, et si enfin vous, prononcez des jurements et des blasphèmes ? Ah ! ne soyons plus si indolents pour tout ce qui concerne notre salut, et que tous nos entretiens roulent sur des matières spirituelles. Il serait même bon que chacun eût entre les mains quelqu’un de nos livres saints, et que, réunissant ses amis, il pût s’édifier avec eux par une pieuse lecture. Ces pratiques nous aideront puissamment à éviter les pièges du démon, et à recueillir de notre jeûne des fruits