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bien-aimé, lui-même aura soin de toi, il te fermera les yeux. Sois donc en joie et sans alarmes, et mets-toi en route. Voyez maintenant avec quelle allégresse le juste accomplit ce voyage, rassuré qu’il est par la promesse divine. Jacob se leva, et ses fils avec lui. (Id. 5) Et ils prirent tous leurs biens et vinrent en Égypte. (Id. 6) Soixante-six âmes le suivirent en Égypte. (Id. 7) Et Joseph avec les fils qui lui étaient nés faisait neuf personnes ; de sorte qu’en tout, il y avait avec Joseph soixante-quinze âmes. Dans quel but la divine Écriture nous marque-t-elle ce nombre avec exactitude ? C’est pour nous faire savoir comment se réalisa la prédiction divine, ainsi conçue : Je t’y rendrai le chef d’un grand peuple. (Exo. 12,37) Car, la race d’Israël, qui avait commencé par ces soixante-quinze âmes, s’accrut jusqu’au nombre de six cent mille. Voyez-vous comment ce n’est point au hasard ni sans motif que l’auteur sacré nous fait connaître le nombre des personnes qui vinrent s’établir en Égypte ; il veut nous faire mesurer par là le développement que prit cette famille et nous enseigner à ne pas douter des promesses de Dieu. Songez seulement qu’après la mort de Jacob, le roi des Égyptiens, malgré tous ses efforts pour limiter la multiplication de cette race et en arrêter la propagation, ne put y réussir, qu’elle ne fit au contraire que croître et s’augmenter encore ; et puis, restez frappés d’admiration en face de la Providence de Dieu qui réalise infailliblement ses décrets, quelques obstacles qui s’y opposent. Mais considérons toute la suite, afin de voir comment Jacob jouit enfin de cette heureuse réunion. Quand il approcha de l’Égypte, il dépêcha Juda devant lui auprès de Joseph, afin de lui faire savoir que son père arrivait. (Id. 28) À cette nouvelle, Joseph ayant fait atteler son char, alla à la rencontre de son père, et, quand il fut en sa présence, il se jeta et son cou, et répandit des larmes abondantes. (Id. 29) Voilà ce que je disais en commençant, que l’excès de la joie arrache souvent des larmes. Il se jeta à son cou et pleura, que dis-je ? il répandit des larmes abondantes. Car aussitôt il se rappelle et ses propres infortunes, et ce que son père a souffert à cause de lui ; il songe à la longueur du temps écoulé, et comment c’est contre toute espérance qu’il revoit son père, que son père le revoit, et il verse un torrent de larmes, tout à la fois manifestant l’excès de son allégresse, et rendant grâces au Seigneur de ce qui était arrivé. Et Jacob dit d Joseph : Je puis mourir à présent ; puisque j’ai vu ton visage. Car tu vis encore. (Id. 30) J’ai obtenu ce que je désirais ; j’ai goûté un bonheur auquel je ne m’attendais plus ; ce que j’avais cessé d’espérer se réalise ; j’ai assez vécu, car j’ai vu celui que je pleurais, et il suffit à mon plein contentement de savoir que tu vis encore, toi que je croyais mort depuis longtemps et dévoré par les bêtes féroces. C’est la parole d’un père, parole pleine de tendresse, et propre à manifester le trésor d’affection qui était en réserve dans son âme. Et Joseph dit à ses frères : J’irai annoncer cette nouvelle à Pharaon, je lui dirai : Mes frères sont venus, ce sont des bergers. (Id. 31) Ce sont des éleveurs de troupeaux et ils amènent leurs bêtes et leurs bœufs. (Id. 32) Si donc Pharaon vous mande et dit : Quel est voire métier ? Répondez (Id. 33) : Nous sommes éleveurs de troupeaux. Car tout pasteur de brebis est un objet d’abomination pour les Égyptiens. (Id. 34)

3. Voyez son intelligence dans le conseil qu’il leur donne ; ce n’est point à la légère qu’il leur prescrit ainsi la conduite à suivre ; c’est tout à la fois pour leur procurer plus de sécurité, et afin qu’ils ne se confondent point avec les Égyptiens. Comme les Égyptiens abhorraient et méprisaient les hommes adonnés à la vie pastorale, en tant qu’adonnés eux-mêmes à l’étude des sciences de leur pays, Joseph conseille à ses frères de faire profession de ce métier, afin d’avoir lui-même un prétexte honnête de leur assigner en propre la plus belle portion de la contrée où ils vivraient sans être inquiétés. Et ayant pris avec lui cinq de ses frères, il les introduisit auprès de Pharaon. (47, 2) Et Pharaon leur demanda : Quel est votre métier ? Ils répondirent : Nous sommes éleveurs de troupeaux. (Id. 3) Ainsi nous habiterons maintenant dans la terre de Gésem. (Id. 4) Pharaon dit : Qu’ils y habitent. Mais si tu connais quelques-uns d’entre eux qui soient des hommes capables, établis-les intendants de mes troupeaux. (Id. 6) Ainsi les frères de Joseph ayant répondu suivant ses avis à Pharaon, obtinrent la permission d’habiter le pays de Gésem. De plus, Pharaon voulant montrer sa bienveillance pour Joseph, ajoute : Si tu connais parmi eux quelques hommes capables, établis-les intendants de mon bétail. Joseph introduisit