Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 5, 1865.djvu/435

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et si le dernier était croyable et vrai, l’autre n’avait donc été qu’un mensonge ; et ce qui le déconcertait le plus, c’était que la première nouvelle lui était venue de ses fils, et qu’il recevait de la même source une autre nouvelle toute contraire. Eux, voyant le trouble où était leur père, et voulant le convaincre pleinement de la vérité de leurs paroles, ils lui répétèrent les propos de Joseph et tout ce qu’il leur avait dit. (Id. 27) À ces paroles, ils joignirent les autres commissions dont Joseph les avait chargés, les chars et les présents qu’il envoyait à son père ; par là, ils purent enfin convaincre Jacob que leur récit n’était pas mensonger. En voyant les chars dépêchés pour l’emmener en Égypte, son feu se ralluma, dit l’Écriture. Ce vieillard caduc et décrépit, voici qu’il rajeunit dans son allégresse. Son feu se ralluma. Qu’est-ce à dire ? Comme on voit la lumière d’une lampe près de s’éteindre faute d’huile pour l’alimenter, tout à coup, pour peu qu’on y verse une goutte d’huile, renaître et briller d’un plus vif éclat, de même ce vieillard, à la veille de s’éteindre au souffle du chagrin (Il n’avait pas voulu être consolé, disant : Je descendrai avec mon deuil au tombeau. Gen. 37,35), ce vieillard donc, à la nouvelle que son fils est en vie et qu’il commande à l’Égypte, à la vue de ces voitures, sent son feu se rallumer, pour parler comme l’Écriture, retrouve sa jeunesse, éclaircit son front assombri par la tristesse, et chassant de son âme la tempête qui l’avait bouleversée, jouit dès lors d’un calme parfait, grâce à la providence de Dieu qui avait conduit toutes ces choses pour faire trouver au juste une consolation après tant d’épreuves et l’associer à la prospérité de son fils ; et d’autre part, pour amener à réalisation le songe que Jacob lui-même avait expliqué en disant : Est-ce que nous en viendrons, ta mère, tes frères et moi, à nous prosterner devant toi jusqu’à terre ? (Gen. 37, 10) – Enfin, dès qu’il en croit ses yeux et ses oreilles : Grand est mon bonheur, dit-il, si mon fils Joseph est en vie : j’irai et je le verrai avant de mourir. Grand est mon bonheur : il surpasse toute, imagination, il éclipse toute joie humaine. Si mon fils est en vie, j’irai donc et je le verrai. Hâtons-nous donc, afin qu’il me soit donné de le revoir avant de mourir. Aujourd’hui cette nouvelle a ranimé mon cœur, a chassé loin de moi les infirmités de la vieillesse, a rendu la force à mon âme. Mais s’il m’était encore donné de le voir, ma joie serait parfaite, et je pourrais alors quitter la vie. Aussitôt, sans perdre un moment, le juste se met en route, dans sa hâte, dans son empressement de revoir son bien-aimé, et de contempler celui qui était mort depuis tant d’années, que les bêtes avaient dévoré, à ce qu’il croyait, en possession du gouvernement de l’Égypte. Et s’étant rendu au Puits du serment (46, 1), après avoir adressé des actions de grâces au Seigneur, il offrit un sacrifice au Dieu de son père Isaac.

2. Apprenons par cet exemple, quelle que soit l’affaire qui nous préoccupe, une entreprise, un voyage, à offrir tout d’abord au Seigneur le sacrifice de prière, à ne pas nous mettre à l’œuvre avant d’avoir invoqué son appui, à imiter enfin la piété de ces justes. Il offrit un sacrifice au Dieu de son père Isaac : c’est pour vous faire entendre qu’il marchait sur les traces de son père, et qu’il servait Dieu à la manière d’Isaac. Et il n’eut pas plus tôt témoigné sa reconnaissance par ses actions de grâces, qu’il sentit les effets de la faveur d’en haut. Considérant la longueur du voyage et sa vieillesse, il craignait que la mort ne vînt le surprendre avant la rencontre qui devait le faire jouir de la vue de son fils. Il conjure donc le Seigneur de prolonger sa vie jusqu’à ce qu’il ait goûté ce bonheur parfait. Et voyez comment le bon Dieu exauce pleinement ce juste. Dieu dit à Israël dans une vision de nuit : Jacob ! (Id. 2) Je suis le Dieu de tes pères : Ne crains point de partir pour l’Égypte, car je t’y rendrai le chef d’un grand peuple. (Id. 3) Je partirai avec toi, et je te ramènerai, et Joseph te fermera les yeux de ses mains. (Id. 4) Voyez comment le Seigneur promet au juste ce qu’il désire, ou plutôt bien au-delà. Dans sa générosité il enchérit sur nos demandes, fidèle à son amour pour les hommes. Ne crains point de partir pour l’Égypte. Jacob était inquiet à cause de la longueur du voyage ; Dieu lui dit : Ne te laisse point arrêter par l’infirmité de la vieillesse. Je t’y rendrai le chef d’un grand peuple, et je partirai avec toi pour l’Égypte. Je t’assisterai, j’aplanirai devant toi tous les obstacles ; Remarquez l’affabilité de cette parole : Je partirai avec toi pour l’Égypte. Quel bonheur plus complet que celui d’avoir Dieu pour compagnon de voyage ? Puis la consolation dont le vieillard avait surtout besoin ; Joseph te fermera les yeux de ses mains. Ce