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SOIXANTE-CINQUIÈME HOMÉLIE.

« Et ils revinrent d’Égypte, et ils arrivèrent dans le pays de Chanaan auprès de leur père, et ils lui firent leur rapport, disant : Ton fils Joseph est en vie, et il commande à toute la terre d’Égypte. Et Jacob demeura stupéfait, car il ne les croyait pas. » (Gen. 45,25-26)

ANALYSE.

  1. Allégresse de Jacob.
  2. Dieu l’encourage à partir. Sa joie en revoyant Joseph.
  3. Intelligence de Joseph. La famille de Jacob s’établit en Égypte.
  4. Comment il sait faire tourner au profit de son maître la détresse publique. Ses égards pour les prêtres. Exemple à suivre, surtout pour des chrétiens.
  5. Continuation du même sujet. Exhortation à compter sur la Providence.

1. Vous avez vu, par notre discours d’hier, la profonde sagesse de Joseph et l’inexprimable patience dont il fit preuve à l’égard de ses frères ; comment, non content de ne faire aucune allusion à leur conduite envers lui, il était allé, au moment où ils s’apprêtaient à retourner auprès de leur père, jusqu’à leur conseiller, les conjurer de ne pas s’accuser mutuellement au sujet du traitement qu’ils lui avaient fait subir, de bannir d’au milieu d’eux tout ressentiment et de faire leur voyage en bonne intelligence. – Il nous faut aujourd’hui reprendre la suite de cette histoire, afin de nous représenter et le retour des voyageurs auprès de leur père, et la venue de Jacob en Égypte : et comment ce vieillard rajeunit, reverdit pour ainsi dire, en apprenant ce qui concernait Joseph. Qui pourrait, en effet, représenter par des paroles, la joie qu’il ressentit alors, en recevant la nouvelle que Joseph était vivant et au comble des honneurs ? Vous n’ignorez pas, sans doute, ce que l’imprévu ajoute de charmes au bonheur. – Celui qu’il croyait dévoré par les bêtes sauvages, il y avait bien des années, voici qu’il le savait maître de l’Égypte entière ; comment l’excès de l’allégresse n’aurait-il pas jeté son âme dans la stupeur ? Car une joie trop vive a souvent les mêmes effets qu’une extrême douleur. Souvent on voit des gens verser des larmes à la suite d’une joie excessive ; d’autres rester comme frappés de la foudre en présence d’un événement inespéré, en revoyant subitement en vie ceux qu’ils croyaient morts. – Mais mes paroles deviendront plus claires quand nous aurons écouté le texte lui-même. Et ils revinrent d’Égypte, et ils arrivèrent dans le pays de Chanaan, auprès de Jacob leur père, et ils lui firent leur rapport, disant : Ton fils Joseph est en vie, et il commande à toute la terre d’Égypte. Et Jacob demeura stupéfait, car il ne les croyait pas. Voyez-vous que mes paroles se vérifient ? Ce qu’on lui rapporte touchant Joseph lui parait incroyable, au point que sa raison en est tout ébranlée, et qu’il soupçonne ses enfants d’avoir voulu le tromper. En effet, ces mêmes frères qui jadis avaient rapporté une tunique teinte du sang d’un chevreau, et l’avaient montrée à leur père afin de lui faire croire que Joseph était devenu la proie des bêtes féroces, ce sont eux qui viennent dire aujourd’hui : Joseph est en vie et il commande à toute l’Égypte. – Troublé, stupéfait, il se demandait en lui-même comment la raison pouvait admettre cela ; car, si le premier rapport avait été vrai, le second n’était pas croyable ;